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Quidam, c’est le récit de l’enfance de Calvin, choyé par sa maison soleil. Quand il sera grand, il veut «ne faire rien».
Il prend la route avec «deux amitiés pour la vie», Héloïse, la coureuse
et Pierrot, le tueur. Magie de l’enfance, dégoût de l’école, amitié,
amour, errance.
Quidam est un récit douloureux et pur, dominé par une écriture lumineuse et directe.
De
l’innocence à outrance. On hésite à se laisser berner, à se laisser
bercer. Cette détermination bien romande à se revisiter, à refuser la
réalité... Et puis on baisse la garde, on cède «comme une pierre qui
roule» sur un air de Dylan. À partir de là, l’enchantement. Le
narrateur, Calvin, celui qui «est venu au monde sans pleurer», fugue
avec Héloïse Nuage, «un caramel aux yeux de cannelle», et Pierrot,
celui «qui répare les pannes pour que la vie puisse à nouveau rouler».
Ensemble, ils endurent les dix ans, défrichent le grenier, «ce
cimetière hanté par l’âme des choses», l’école, ce lieu où «les enfants
apprennent les adultes par cœur». Le tout sur un ton cocasse et
crédule, une langue aérée et lucide. Thierry Luterbacher, réalisateur,
auteur et metteur en scène de théâtre, avait reçu pour son premier
roman, Un cerisier dans l’escalier, le Prix Georges-Nicole 2001.
BLAISE HOFMANN, L’Hebdo
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«Toujours le même gosse rebelle»
Troisième
roman de Thierry Luterbacher, Quidam sort de presse pile poil pour le
Salon du livre de Genève. Un récit aux parfums délicieusement coupables
de l’enfance heureuse.
Le quidam Luterbacher
est bien connu du public biennois. Journaliste, artiste-peintre,
réalisateur de films, dramaturge et metteur en scène, celui qui voulait
faire métier de «ne rien faire» est sur tous les fronts. Touche-à-tout
talentueux, il revient cependant toujours à l’écriture, signant trois
romans: Un cerisier dans l’escalier, (2001) salué par de nombreuses distinctions, Le Splendide Hasard des pauvres (2004) et ce troisième récit, Quidam.
Thierry Luterbacher ne s’est jamais consolé du paradis perdu de
l’enfance, de son tigre en peluche et des lapins de Pâques cachés dans
le grand jardin de la Maison Soleil de Péry-Reuchenette. C’était avant
l’école-prison et les années rebelles. C’est l’histoire de ce Pierrot
lunaire que raconte Quidam.
Un Pierrot flingueur aussi, qui tire sur tous les empêcheurs de rêver
en rond. D’une écriture aérienne, dépouillée des fanfreluches baroques
qui pointaient encore ici et là dans ses précédents livres, Thierry
Luterbacher entraîne ses lecteurs sur une planète étrangement
familière, quelque part entre les réminiscences d’un monde enchanteur
et l’école de la vraie vie. Le narrateur, Calvin, a pour camarades de
rêve une jeune métisse, Nuage, son alter ego Pierrot le tueur (clin
d’œil aux Enfants du paradis, film cultissime) et un âne nommé
Personne. Réfractaire au carcan scolaire, le mouflet entraînera
tout son petit monde dans une fugue sans retour… Luterbacher nous livre
un récit porté par la grâce de l’enfance retrouvée.
— Ce bébé heureux, «né sans pleurer», c’est vous?
—
Oui, ma mère m’a souvent raconté l’anecdote. Le médecin m’a fessé pour
que je pleure, ce qui a profondément choqué notre bonne d’origine
italienne, Marietta, qui figure d’ailleurs dans le livre. C’est mon
enfance de petit prince que je raconte dans la maison jaune de
Péry-Reuchenette, avec un grand jardin bruissant de personnages
imaginaires, un verger, un grenier recelant des objets mystérieux
auxquels j’inventais des destinées fabuleuses. Et, tout d’un coup, on
vous arrache à ce monde enchanteur pour l’univers carcéral de l’école
où le rêve et la liberté n’ont plus de place. J’étais rebelle et je le
suis resté…
— … c’est une rébellion de luxe, celle d’un enfant né coiffé?
—
Une enfance heureuse est effectivement un immense privilège. C’est
pourquoi l’autre facette de l’enfance, l’enfance volée, apparaît aussi
dans mon récit, incarnée par le jeune Pierrot. Lui veut faire plus tard
«tueur de défectueux». Pierrot offre la subversion comme rempart à
l’enfance pure et innocente de Calvin.
— Et aujourd’hui… à 56 ans?
—
Je crois que je suis resté ce gosse qui voulait «ne rien faire», anar
dans l’âme. À l’école, tous les profs me prédisaient un avenir de bon à
rien. Ensuite j’ai eu ma période hippy contestataire, j’ai fait
beaucoup de voyages, de petits boulots, de la peinture aussi. J’ai
écrit, j’ai travaillé pour le cinéma, le théâtre… rien de sérieux aux
yeux de la société. Aujourd’hui, je suis très actif. Mais jamais je
n’ai l’impression de travailler. J’ai le privilège de faire les choses
que j’aime.
— Vous citez Bob Dylan en préambule à votre récit… Vous n’avez rien de plus neuf?
—
Durant sa vie entière, Bob Dylan a répété: «Je ne veux être suivi par
personne». Il a refusé tous les carcans: politiques, religieux et
autres. Il a déçu toutes les écoles, tous les courants, tous les
ayatollahs. C’est ce chant de liberté que j’entends dans ma tête depuis
l’adolescence…
CATHERINE FAVRE, Journal du Jura
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Quidam, de Thierry Luterbacher
Quidam
est le récit à la première personne d’une conscience inquiète et
malheureuse, celle de Calvin Fluss qui vit chacun de ses pas vers le
monde des adultes comme un profond déchirement, une perte progressive
de soi. Durant les cinq premières années de son existence, «à l’abri de
[sa] vie protégée et tranquille», l’enfant s’adonne tout entier à la
contemplation et à la rêverie dans les bras douillets de son entourage,
dans le jardin de sa maison «jaune soleil» ou sous ses «tipis», libre
de devenir par l’imagination tout ce qu’il veut être et d’inventer la
vie secrète des choses. Au côté d’Héloïse Nuage, fille des Iles à la
peau «caramel» qui a pour passion la course à pied, Calvin trouve une
camarade idéale pour monter la nuit en expédition dans son grenier, ce
«cimetière hanté par l’âme des choses», et aimer «gratuitement»,
c’est-à-dire sans cette rivalité et cette quête de pouvoir qui gagnent
déjà ses camardes du jardin d’enfants sous l’influence des «grands».
Pour Calvin, qui refuse de se projeter dans un quelconque métier et
avoue fièrement en classe ne rien vouloir faire plus tard, l’inaction
est une condition essentielle pour déambuler dans sa tête et dans ses
rêves, pour préserver le jardin de l’enfance des «ronces» de la vie
adulte. Son entrée à l’école sonne à ses oreilles le glas de la
«joyeuse insouciance de l’enfance». L’école devient pour l’enfant un
champ de révolte et de résistance contre le devenir adulte, cette «sale
maladie» qu’on cherche à lui faire contracter. Protégé par son fidèle
garde du corps et ami Pierrot Lacère, Cal défie le monde des adultes et
nourrit avec ses deux compagnons atypiques le rêve de s’exiler dans un
ailleurs où chacun pourrait se livrer tout entier à ses aspirations
sans rien demander ni devoir à personne. Il décide de cesser
définitivement «d’appartenir aux grands». À l’âge de l’adolescence,
les trois amis décident de partir à la conquête de leurs rêves, d’un
nulle part où s’exiler. Ils deviennent dès lors des «quidams», des
êtres de passage «sans but, sans direction, sans maison», à l’image de
la chanson Like a Rolling Stone de Bob Dylan qui inaugure le récit et de la peinture à l’acrylique de l’auteur, intitulée Les Pas perdus, qui illustre la couverture du roman.
Fidèle à son talent, Thierry Luterbacher nous livre un troisième roman
poignant et subtil, parcouru par autant de légèreté et d’exaltations
que d’inquiétudes, de tristesse et de révoltes. Au travers du regard
lucide de Calvin, l’auteur aiguise sa critique des mécanismes
d’exclusion d’un monde où l’esprit de concurrence et la course à la
réussite s’enseignent dès le plus jeune âge sur les bancs d’école.
L’écolier se retrouve parfaitement inadapté et étranger au mode de
fonctionnement d’un système éducatif fondé sur «l’orgueil de la
réussite, l’obligation d’être meilleur» au détriment de toute
créativité. Avant de représenter aux yeux de l’enfant un choix, une
position de retrait nécessaire face au monde, être un «quidam» c’est
subir l’exclusion d’autrui: passer pour «l’idiot de la classe», être
désigné par «il» au sein du «corps enseignant» et par «ça» dans les
discours culpabilisants de ses parents: «après tout ce que j’ai fait
pour toi»; «mais qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter ça.»
Dans un tel monde, la poésie, «la dictée de l’imagination», ne peut
être que du côté de ceux qui sont en marge, de ceux qui parviennent à
préserver l’«instinct de survie de l’enfance qui lutte contre la mort
de l’émerveillement» et contre «le superflu de l’existence». Les
pensées et les rêveries exaltées de Cal ainsi que ses poèmes d’amour,
qui ponctuent un bon nombre de chapitres du roman, déploient une
multitude de métaphores lumineuses et audacieuses qui tirent leur force
de leur apparente simplicité. Si Luterbacher use de la métaphore un peu
excessivement, on s’émerveille, entre autres, devant les sentences de
Cal sur le monde des grands: «Comme le lait, l’adulte est un enfant qui
a tourné.»
Le tour de force de l’auteur réside peut-être dans le surprenant
brouillage des genres qu’il réalise dans son roman lors de la fugue de
Cal et de ses deux compagnons, Nuage et Pierrot. Si ce dernier affirme
froidement sur les bancs d’école vouloir exercer plus tard le métier de
«tueur», rien ne laisse imaginer que l’adolescent deviendra par la
suite un tueur en série. Le roman quitte donc en cours de route les
chemins qu’il avait balisés pour nous plonger dans une aventure de plus
en plus délirante et inquiétante. Fini l’innocence attachante des trois
enfants rêvassant tranquillement sous leur tipi! L’«avènement des rêves
sérieux» de Pierrot entraîne les trois amis à s’élancer sur les routes
sans lendemain de la vie nomade, à la recherche de cette «terre à
personne» tant fantasmée. Loin de se résoudre à tuer selon ses idéaux
les «empêcheurs de vivre» ou les «défectueux» (dont la figure
emblématique est pour lui le patron de l’industrie qui a licencié son
père), Pierrot oublie vite son obscure révolte contre les injustices
sociales ainsi que son projet d’exil et sombre dans une pure folie
meurtrière où le crime s’élabore comme une œuvre d’art. Les rêveries
contemplatives et hédonistes de Cal tournent, quant à elles, à
l’obsession et le rendent complètement indifférent au monde. Enfermé
dans son univers intérieur, Cal finit par perdre tout ancrage dans la
réalité et devient un être fantomatique, un «spectateur» contraint de
regarder les autres agir et d’observer, sans réaction possible, ses
liens d’amitié se défaire. La volonté commune des trois adolescents de
se débarrasser du «superflu de l’existence» pour vivre «l’intensité du
vécu» et la beauté de l’«éphémère» au plus près de la nature et à
l’écart des hommes s’affaiblit, au fil de leur déambulation, devant
l’attrait des plaisirs éphémères de la consommation, du luxe des belles
voitures et des beaux vêtements. «La belle insouciance [prend] des
rides.» Nuage, censée courir «contre la course», en vient à courir avec
les paris de Pierrot pour de l’argent. La quête de cette «terre à
personne» à travers les montagnes prend des allures de road movie sous
la direction de Pierrot et aboutit dans un grand hôtel luxueux où ce
dernier et Nuage s’inventent des romances à l’hollywoodienne tandis que
Cal s’isole dans une profonde solitude. Si un tour de passe-passe
narratif semble justifier à la fin du roman le tournant cauchemardesque
que prend cette histoire, ce «dérapage» romanesque ne met pas moins le
doigt sur les limites de nos rêves et de nos idéaux, aussi bien sur les
dérives qu’ils peuvent engendrer que sur leur fragilité face à une
société marchande qui les pollue ou les «massacre», reléguant en marge
ceux qui persistent comme Cal à rêver autrement qu’elle, au risque de
s’égarer tristement derrière leurs paupières. Reste le souvenir
nostalgique du vent de liberté qui soufflait dans l’esprit de Cal au
début de cette aventure.
GUILLAUME FAVRE, sur le culturactif.ch
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Calvin, c’est l’enfant qui ne veut pas grandir parce que «Loin des règles des adultes
Je ne veux pas qu’ils nous condamnent à leur fin.»
Abandonnés par l’instinct de survie de l’enfance qui lutte contre la
mort de l’émerveillement, les hommes et les femmes trahissent les rêves
et les promesses de […] l’innocence. Comme le lait, l’adulte est un
enfant qui a tourné.»
Il est très triste qu’un jour il perde, pour toujours, un âge à un seul
chiffre. Il a dix ans. Il ne veut rien, que sa maison soleil, les
marguerites, le museau paisible de son chien, ses «habits frères» qu’il
enterre lorsqu’ils sont devenus trop petits.
Il prend la route avec Pierrot le tueur, Héloïse Nuage «caramel aux
yeux cannelle» et l’âne Personne pour une sorte de voyage initiatique,
mi-magique, d’une superbe et désespérée écriture.
JULIETTE DAVID, Suisse Magazine
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