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Variations
sur quelques thèmes, l’art, la solitude, la mort, les textes qui
composent Une main sur votre épaule ont tous pour cadre le même lieu,
la même maison. Les personnages de l’un se croisent dans un autre.
Chacun contient en germe le suivant. Ni recueil de nouvelles ni
roman, ou alors lacunaire, ce livre se présente comme un puzzle à
assembler de différentes manières, les pièces manquantes étant offertes
à l’imagination du lecteur.
Une fois de plus, Sylviane Chatelain frappe par la haute exigence –
alliée à une sensibilité poétique rare – de son écriture, qui fait que
son audience ne cesse de s’amplifier au fil des parutions.
Le choix du libraire
C’est le premier livre que je lis de cet auteur, dont la qualité de ton
et d’écriture, l’atmosphère et le rayonnement symbolique des histoires
m’ont beaucoup impressionné: une découverte!
Toutes les nouvelles du recueil se passent dans la même maison un peu
décatie, en laquelle on peut voir le personnage central. La solitude,
le secret des êtres, la proximité de la vie et de la mort constituent
les thèmes de ce livre qui n'est pas du tout morbide pour autant, mais
grave, dense, ciselé, d'une rare beauté...
ALAIN NOVERRAZ, 24 Heures
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Si on sortait
Chronique de Roger Guignard, sur Radio Suisse Romande «La Première»
Entrer
dans l’univers d’un livre, dans son atmosphère, c'est aussi une façon
de sortir du quotidien et de s’évader... Aujourd'hui, Roger Guignard,
vous nous proposez un coup de cœur, votre coup de cœur, pour le dernier
livre de Sylviane Chatelain. Il s’intitule Une main sur votre épaule,
est publié chez Bernard Campiche Editeur, et pour l’apprécier vraiment,
le lecteur doit s’abandonner à son imagination...C’est ça ?
— Dans son style, ce livre est un pur diamant...c’est magnifiquement
écrit, poli et ciselé comme un petit bijou... Le ton est grave et
subtil tout à la fois, et sans le moindre lyrisme. Les phrases sont
dépouillées, épurées et pourtant d’une très rare puissance d’évocation.
C'est du tout grand Sylviane Chatelain, et voilà plus de dix ans que je
salue le talent et l'exigence de cette Jurassienne bernoise, d'ailleurs
récompensée par de très nombreuses distinctions littéraires... Le prix
Schiller, le Prix de la Bibliothèque Pour Tous, et beaucoup d'autres...
Mais vous parliez de l'imagination du lecteur?
— Justement... le diamant a plusieurs facettes, et quand l’écrivain en
choisit une, puis une autre, au gré de sa mémoire... il y a un moment
où vous, lecteur, avez à reconstituer le tout! À créer le bijou ou à
réunir les pièces du puzzle, si vous préférez cette image...Alors,
chaque texte du livre... Le Pianiste, La Mort et La Gravure
est précédé de quelques pages en italiques, comme une esquisse, comme
des pistes possibles...Et après, au boulot, ami lecteur! La voisine du
pianiste raconte le chemin qu’elle a fait pour le rencontrer dans sa
maison... mais plus tard, c'est lui qui nous parle de sa Grande Maison,
qu'il a choisi pour elle. On change de point de vue, et à nous
d'imaginer une histoire d'amour, ou une fascination
de l'un pour l'autre... Finalement, le lecteur réécrit l'histoire à sa façon...
Et cette main sur notre épaule?
— C'est peut-être la main de l’écrivain qui bâtit sa maison de mots,
celle du pianiste sur les touches ou du peintre évoqué dans La Gravure, celle aussi – et peut-être surtout, de la Grande Faucheuse, La Mort,
évoquée avec une force, une densité dans un texte très court qui,
franchement, m'a laissé béat d’admiration. Je vous l’ai dit: du pur
diamant, sur le fond et sur la forme!
ROGER GUIGNARD, Radio Suisse Romande «La Première»
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Ce
n’est pas le climat ou le relief qui nous empêche de connaître la
littérature suisse francophone ou non c’est la rigueur de ce que l’on
appelle le marché du livre…
Et c’est plus que regrettable parce que c’est la même sanction dont souffrent tant d’auteurs et d’éditeurs de chez nous…
Mais il y a comme cela des éditeurs qui parviennent à passer – un peu
pour l’excellence de leurs auteurs et éditions et à qui en total coup
de coeur je veux rendre hommage.
Bernard Campiche est de ces hommes qui croyent à la valeur, à la
nécessité du livre et surtout lorsque le livre est bel ouvrage.
Ce qui est indéniablement le cas de celui-ci. Une main sur votre épaule, de Sylviane Chatelain.
Est-ce un roman? Est-ce une sorte de rêverie d’une narratrice dans une
maison qui finalement l’envoûte comme elle fait? Sont-ce des paraboles
très poétiques?
C’est en tout cas du texte soigné et emportant.
C’est la rencontre entre l’esprit du lecteur et celui de l’auteure dans
un univers étrange qui est construction, bizarrerie, fantasme, non-dits
et fantastique.
Osez donc ces soliloques d’une femme dans une maison dont on ne sait
pas grand-chose d’autre que c’est une maison et ses occupants.
DENIS LEDUC, «À vous livre», Antipode Brabant Wallon 105.5 FM
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Une main sur votre épaule
Récits
Imaginez une maison. Rêvée, pas forcément belle, mais imposante,
terriblement envahissante, du moins dans l’esprit de Sylviane
Chatelain. Si présente que le lecteur pourrait la détailler dès la fin
du livre, à la fois nouvelles et roman. Plusieurs personnages poussent
la porte métallique qui ouvre sur un jardin enchevêtré. Ils pénètrent
dans la maison à l’aspect austère, qui exhibe une seule tourelle, comme
un œil unique dans sa triste façade. Chacun la raconte à sa manière.
Pianiste, écrivaine, peintre l’ont hantée mais aussi des gens presque
ordinaires. La mort est très présente, et de façon magistrale, cette
maison qui lutte contre les griffes du temps et des saisons cache dans
ses murs un défi à la Faucheuse. Lent et poétique.
BERNADETTE RICHARD, L’Hebdo
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Bizarrement intitulé Une main sur votre épaule, le dernier livre de l’écrivaine imérienne Sylviane Chatelain est une ode à une mystérieuse maison
Comme une petite suite mélodieuse qui s’inspire de l’art de la fugue
Il y a presque quelque chose du Nouveau roman revu à la sauce poétique
dans le dernier livre de l’imérienne Sylviane Chatelain: répétition de
situations, lieu décrit par divers personnages qui eux-mêmes partent et
reviennent, évoqués sous des angles différents. Et aussi une atmosphère
identique, obsédante de génération en génération. L’ensemble rappelle
Michel Butor ou Nathalie Sarraute, mais avec cette touche de
sensibilité à vif qui caractérise l’écrivaine d’Erguël. Car si les
Nouveaux romanciers apparaissent comme des bulldozers dans la
littérature de l’époque, Sylviane Chatelain, elle, s’adonne, à la
broderie anglaise.
Des morceaux de vie
Récit composé de plusieurs textes ? Roman éclaté qui aurait perdu
le cours de sa logique? Nouvelles? Le genre n’existe plus dans cette
petite suite mélodieuse qui s’inspire de l’art de la fugue. D’ailleurs
un pianiste hante la maison – véritable héroïne du livre – et puis une
écrivaine, un peintre. D’autres hommes, d’autres femmes, plus
ordinaires. Tous ont en commun de servir de faire-valoir au bâtiment, à
son jardin et à la rivière, qui coule à deux pas. D’histoire, il n’y a
pas, ou alors des morceaux épars de vie, des éclatés d’existence, des
instants arrêtés dans cette géographie austère, plutôt triste, qui
semble prendre toute sa force quand grogne la météo, et quand des
pluies diluviennes s’abattent sur elle.
Résistance aux épreuves
S’il
fallait imaginer dans cette ouvrage une métaphore, alors elle aurait à
voir avec la résistance aux épreuves : la maison qui sert de décor
et de personnage principal étale à chaque page une âme douloureuse mais
puissante face à l’adversité et au désamour qu’elle engendre. Peut-être
parce que ce curieux bâtiment a été érigé n’importe où, dans l’un de
ces quelconques bouts du monde dépourvus de grâce, où nul ne veut
s’installer, hormis des artistes en fin de carrière ou des êtres
maladifs, telle Hélène immédiatement séduite, alors que son compagnon
raconte : « Nous avons visité la maison, froide et humide
comme on pouvait s’y attendre, les arbres grandis trop près, leur foule
sombre, massée aux fenêtres, des pièces en enfilade, des papiers peints
tachés, des salles de bains vétustes, une cuisine vide à part l’évier
cassé… ». L’ambiance est résumée dans ces quelques mots. Pourtant,
au fil des récits où les personnages, plus fantômes qu’entités réelles
se croisent, la maison prend de l’ampleur, avec sa tourelle unique, sa
façade grise, son jardin fouillis, la grille d’entrée grinçante. Et le
cours d’eau qui déploie lui aussi des humeurs, une placidité trompeuse,
des bouillonnements subits.
À chaque maison son chat
La maison n’est pas belle, elle n’est pas bien située, elle n’a rien
pour elle. Pourtant elle retient l’attention de ceux qui par hasard
sont confrontés à son étrange présence, les renvoyant alors à la
solitude essentielle de l’humain.
L’entretenir tient du pari perdu d’avance. Elle a quelque chose du trou
noir bouffeur d’énergie. Ceux qui tentent de s’y établir s’y engluent,
la mort rôde, la folie, ou simplement la fin des illusions est-elle
signifiée là, face à un monde en décomposition. Pour preuve, la maison
est squattée par une chatte qui pourrait bien flirter avec
l’éternité : « Elle surgit, frôle les murs, et il m’arrive de
penser qu’elle n’est que l’ombre d’un chat depuis longtemps
disparu. » Cette Rousse aux yeux verts fait partie intégrante de
la maison, elle s’y coule, s’y enroule, surgit de nulle part – parfois
d’une fenêtre laissée ouverte à son intention. Mais elle se moque bien
des intentions des hommes qui tour à tour séjournent pour un temps dans
la maison, symbole du refuge quand les temps sont trop durs pour la
féline toujours libre de choisir d’être là ou de ne pas y être.
Sylviane Chatelain n’est pas d’un accès facile. Elle exige de ses
lecteurs qu’ils s’arrêtent, se posent avant de se plonger dans une
écriture tissée de silences et de respirations à peine audibles. La
structure de Une main sur votre épaule, qui devrait logiquement s’appeler La Maison,
surprend brusquement quand on la croit linéaire et installée. Comme
dans ses précédents romans ou nouvelles, le style de l’Imérienne est
toujours finement cousu. Le ton du livre, lourd de menaces – qui
ne sont que celles de l’impitoyable destin – font de cet ouvrage un
morceau de délicate esthétique littéraire, à consommer quand le cœur
est au beau fixe.
BERNADETTE RICHARD, Le Quotidien jurassien
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Une maison au goût de l’au-delà
Comme surgie des méandres de la rivière : une maison solitaire,
massive, inquiétante et sublime, avec son labyrinthe de pièces hantées
par une chatte rousse, son unique tourelle, son immense mur d’enceinte
et sa petite porte de fer. Dans ses murs à la fois humides et
rassurants, les ombres se mêlent : celle d’une romancière dont les
écrits ne font jamais allusion à la maison, la main d’un peintre guidée
par ses contours ou celle, virevoltante, d’un pianiste.
Les dix récits publiés par Sylviane Chatelain sous le titre Une main sur votre épaule convergent
vers l’antique bâtisse, comme la vie à la mort. Inextricablement. Et
les destins s’éclairent, chaque texte annonçant le suivant, évoquant le
précédent. À la manière d’un puzzle, l’auteure construit un monde
traversé par une rivière implacable, qui «passe en emportant ce qui ne
tient pas». Son style évoque le murmure de l’eau qui s’élève, sensuel,
limpide et envoûtant, rappelant avec justesse la fragilité de la vie.
CLD, La Gruyère
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Kaléidoscope
De
la musique, un tableau, un visage furtif entrevu derrière un rideau,
une maison, grande, flanquée d’une tourelle, un parc, une petite porte,
un ruisseau. Autant d’éléments qui composent la « maison de mots » que
Sylviane Chatelain bâtit au fil de ses écrits. À chaque fois la même
magie se reproduit. Un monde tremblant, aussi instable et coloré qu’un
kaléidoscope se solidifie peu à peu sous la plume de l’auteure romande.
La richesse des impressions, des sentiments et des sensations évoquées
nous prend peu à peu dans un lent tourbillon. J’aime la manière
poétique de dire la solitude, d’évoquer l’absence, de peindre les gris
de la tristesse ou de la maladie, émaillant de touches vives le regard
de l’âme au contact de la nature. Les relations duelles sont aussi
transcrites avec une finesse de dentellière. Un pianiste, vu de dos,
évoquant la force, ressenti pleinement par celle qui l’observe, jusqu’à
en être imprégnée. Amour, désamour… On ne sait pas, et cela n’a pas
vraiment d’importance.
Tapie au fond d’elle-même, guettant le monde de ses moustaches
préhensiles, elle nous fait percevoir le monde à sa manière. Sublime
façon de se glisser dans ses personnages, d’habiter une maison
inhabitable, de rendre des notes de musique audibles par le miracle des
mots. La mort, la vie, semblent imaginaires à force d’avoir été
«souffertes». Riche d’un monde onirique qu’elle nous fait partager,
rôdeuse de la nuit, Sylviane Chatelain nous capture dans un entrelacs
d’images qui laissent des traces fortes ou légères, mais durables.
Je me souviendrai toujours comme dans un rêve de la Maison archétypale
découverte dans son premier roman. Musique d’une âme pour une autre âme.
MARIE-FRANÇOISE PIOT, Le Passe-Muraille
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La maison, le piano et la mort
Le nouveau livre de Sylviane Chatelain, Une main sur votre épaule,
est présenté par son éditeur comme n’étant ni un roman, ni un recueil
de nouvelles, mais une sorte de puzzle. Chaque pièce a pour cadre la
même maison et chaque personnage contient en germe le suivant. Une
étrange architecture qui résiste bien à la lecture puisque l’écriture
de Sylviane Chatelain a pour elle cette petite musique lente, posée,
lentement ciselée. Inspirée à la base par un récital de piano qui a
fortement marqué l’écrivaine de Saint-Imier, ce livre est surtout une
longue circonvolution autour de la mort. Il y a toujours quelque part
un mur à franchir, une frontière à passer. Mais comment quitter le
jardin qui entoure une maison. N’est-ce pas symboliquement accepter
l’au-delà, l’inconnu de la mort? Et c’est la mort qui pose une main sur
votre épaule, parfois. Juste une pression, une présence paradoxale,
avant que ne revienne la lumière. Que la vie se poursuive.
JACQUES STERCHI, La Liberté
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Variations silencieuses
Sylviane Chatelain construit une ambitieuse entreprise littéraire depuis Saint-Imier. Son septième livre, Une main sur votre épaule, mélange les genres et libère une langue poétique, ample et en combat.
On
pense à elle comme à une auteure de la caresse de l’ombre. Elle vit
pourtant Rue du Soleil, dans une maison un peu isolée des hauts de
Saint-Imier, et a commencé à publier en remportant le concours de
nouvelles du café du Soleil, à Saignelégier. Ce clin d’œil à l’astre
mis à part, le soleil ne joue jamais les rôles principaux chez Sylviane
Chatelain, malgré cette phrase: «Le soleil monte chaque jour plus haut
au-dessus du mur, le pré se prépare à dresser ses épis comme des
lances», en page 21 du dernier livre, Une main sur votre épaule.
Les lumières littéraires de Sylviane Chatelain restent tamisées et
élégantes: «Il n’y avait plus derrière les vitres qu’une faible
palpitation de braises sous un capuchon de cendres.»
Une main sur votre épaule,
une suite poétique de phrases qui rendent hommage à une maison comme à
un corps. Six livres depuis 1986, des nouvelles et des romans en
alternance, presque par hasard. Ce dernier opus, toujours chez Bernard
Campiche, mêle les deux genres. Des livres dont les titres suffisent
déjà à dire la quête de sens: Les routes blanches, La part d’ombre, De l’autre côté.
«Je me sens toute seule»
On
pousse la grille du jardin. Il y en a beaucoup dans le livre qui nous a
brûlé les doigts et que l’auteur nous a dédicacé ainsi: «Pour écarter
le silence». Tout semble paisible ici, pas de mari, ni d’enfants en ce
moment. La romancière en a eu quatre, ils ont grandi. Juste une chatte
qui se faufile, qui recherche la paume aimante. Une nouvelle fois
l’écriture se faufile dans le réel: «J’ai attendu, une branche s’est
balancée un instant avant de reprendre sa place. C’est tout. Sans doute
était-elle partie devant elle, sans se retourner, c’était une chatte
solitaire, qui se suffisait à elle-même. Alors j’ai continué d’un pas
lourd, j’ai continué», écrit-elle. Ailleurs la chatte «s’est levée,
détournée, éloignée sans bruit, effacée dans la nuit comme si elle
n’avait jamais existé et je me suis rendormi.» Rien n’est là par hasard
dans les romans de Sylviane Chatelain. Surtout pas la musique de la
langue, les mots gravés comme lorsqu’elle fréquentait les beaux-arts.
On va commencer par là. Le mouvement que permet le silence. L’auteure
montre l’étage au-dessus, où elle écrit: «Ma manière à moi d’écouter le
silence qui m’entoure. Je me sens toujours toute seule, j’ai de la
peine à me comprendre, à posséder ma langue. Écrire me permet de me
défendre, de défaire le langage, de me battre contre ce qui
m’emprisonne, de redonner du sens.»
Un pianiste ou des nazis
Sylviane
Chatelain ressemble à son écriture compacte, resserrée, à l’écoute
d’elle-même, mais malgré tout ouverte aux fièvres de l’autre, aux
murmures, à la pénombre, à l’indicible. Et quand elle avoue que «ce
n’est pas toujours facile d’obéir à ses personnages», on la croit et
imagine les circonvolutions automatiques de sa main. Des
circonvolutions qui renvoient le lecteur à la vérité de la phrase, à sa
puissance au-delà de l’histoire qu’elle raconte. Il reprend le mot en
lui pour y dénicher ses propres couleurs. Le lecteur dans le canapé de
l’écrivain et bientôt de nouveau dehors. Seul lui aussi, il réentend la
langue qui frissonne ainsi et fabrique ceci: «Il ne reste plus, sur le
portrait de ma chambre, que de début de sourire, le regard ébloui des
paupières absentes et le tintement tenace dans le silence de cette note
calme, son rappel patient.»
Une main sur votre épaule,
est née un soir de musique à La Chaux-de-Fonds: «Une sorte de rencontre
inconsciente. Grigory Sokolov jouait admirablement bien. Mais il était
froid, réservé, saluait à peine, cela m’a renvoyée à la solitude de
chaque spectateur dans la salle et à des questions d’écriture.» Elle
avait commencé L’étrangère en regardant un reportage sur les
néo-nazis où des jeunes expliquaient calmement qu’il étaient prêts à
mourir pour défendre leur idéologie. «Je ne fais pas de politique,
j’essaye juste de dire mes craintes.» Très tôt, Sylviane Chatelain
a trouvé un refuge dans les livres, sa compréhension du monde, des
émotions passaient par les mots imprimés. Après quelques années
d’enseignement du latin et beaucoup d’errance, elle a décidé de fuir
définitivement. La seule façon d’y accéder: «Éventuellement être un
écrivain, en apprenant toute seule, un métier qui permet de louvoyer.
Travailler avec les mots me laisse devenir lucide, on traverse les
murs, on ouvre, on voit clair, ce n’est pas toujours confortable.»
La lecture de Sylviane Chatelain résonne par son esthétisme et la
précision de son regard sur les saisons musicales et forcément
éphémères de la vie. Mais endurcit aussi, précisément parce qu’elle
fragilise, enferme et libère dans un même mouvement, bien loin des
tortionnaires. On se sent bercé dangereusement par ce bien bel ouvrage
et repousse la grille de la demeure, celle de Saint-Imier. Là où cette
citadelle de mots et de pierres a construit le souffle de cette
écriture déguisée en main venue se poser sur votre épaule.
ALEXANDRE CALDARA, L’Express et L’Impartial
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Le plaisir de cheminer
Au
terme de nouvelles, l’auteur préfère celui de «variations» pour
présenter les textes composant son dernier recueil. À chaque
publication, l’écrivaine jurassienne Sylviane Chatelain fait mouche, et
se voit honorée d’un prix. La beauté de son écriture ne saurait passer
inaperçue, qu’Une main sur votre épaule vient encore confirmer.
Au son d’un piano que l’on entend entre les lignes, on suit l’auteur
entre maison et nature, à ne plus savoir si l’on rêve ou si c’est la
vraie vie. Qu’importe… on chemine avec elle de rencontres en souvenirs,
d’émotions en désirs, et sa plume est un guide en qui l’on a confiance.
Au bout de la route, aux derniers mots du livre, on se dit que c’est le
chemin qui comptait, qu’il a été doux de le parcourir, et l’on
comprend, mieux qu’avant, pourquoi on aime tant… lire.
CATHERINE PRÉLAZ, Générations
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