Javais gardé un vif souvenir de «Sombras de Lima», lune des cinq nouvelles réunies par Sylviane Roche dans Les Passantes. À cause de son argument si singulier: la narratrice remarque à la terrasse dun café de Lima un homme étrange, dune élégance désuète, seul à une table et en proie à toutes les nervosités de lattente. Soudain lhomme se lève dun bond, sarrête sur le bord du trottoir, sincline légèrement puis revient en paraissant accompagner une personne invisible quil fait asseoir en face de lui et avec laquelle il poursuit une conversation animée
Sagit-il dun fou, dun maniaque, dun illusionniste? Quelle est la clé de cette scène insolite, de ce jeu étrange
Ni fou, ni maniaque, mais amoureux, épris dune ombre.
Lhistoire de Don Alfredo nest quun instant minuscule sauvé par un regard et une écriture.
Il en va ainsi des autres nouvelles des Passantes
Ce libre jeu des associations propose la vraie figure dun destin: celui de Frédéric de Malaucène dans «La guerre dEspagne», celui de Samuel Favre dans «Les Parques».
un seul moment a marqué leur existence, à peine visible, presque oublié, effacé par les gestes quotidiens, par leur lente accumulation ou leur mouvement incessant. Cest tout lart du récit, chez Sylviane Roche, que de faire apparaître ce moment en eux, comme une faille, on voudrait dire une lacune existentielle, ce qui a disparu et survit à jamais au fond de la mémoire. Une image fugitive, celle dune passante
GEORGES ANEX, Journal de Genève
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