Fille
d’un notable sous le règne des derniers Incas, «Petite Puce» deviendra
grande et s’appellera «Cori», l’or. D’émerveillements en larmes, nous
suivons une enfance qui se meurt. À la fin de l’initiation, le pays lui
aussi aura changé de nom : le Tahuantisuyu deviendra le Pérou. Ce
n’était pas seulement la fin d’une enfance, mais celle d’une
civilisation.
Comme dans Prendre d’aimer, on
retrouvera dans ce roman la rage de «n’être qu’une fille», ainsi que
l’infinie tendresse et la cruauté malicieuse de l’auteur. Avec son
érudition enjouée, Gisèle Ansorge réfute au passage de nombreux clichés
et renouvelle en conteuse hors pair notre connaissance de l’Empire inca.
… Nul archaïsme, donc, mais une réelle nécessité de lutter, comme cette
femme sur son lit de mort à la fin de 1993, contre l’engloutissement.
Mots d’outre-océan, message d’outre-tombe que chante ce vocabulaire
martelé et lumineux, dans la bouche d’une jeune fille éternelle qui
veut vivre différemment. Cédant devant le cancer comme l’Empire inca
devant l’envahisseur, Gisèle Ansorge est parvenue, avec Cori, à faire
vivre dans l’au-delà du texte l’essence la plus précieuse de ce qui
peut être sauvé : la magie des mots.
JACQUES-ÉTIENNE BOVARD, Le Nouveau Quotidien
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