C’est
la chronique d’une quête de la vérité, traversée par l’Histoire, que
livre Vincent Philippe dans son roman: sobre et puissant. …Ce n’est pas faire injure au journaliste que de dire qu’avec le dernier roman, Le Silence d’Ilona,
Vincent Philippe confirme magistralement son accession au rang
d’écrivain. C’est le récit prenant, la bouleversante chronique d’une
famille suisse traversée par l’histoire tragique du milieu du siècle.
Suisse? Suisso-magyare plutôt, puisque Ilona, la mère du Jurassien
Thomas, est née sous l’Empire austro-hongrois. Et que le secret qu’elle
a tu toute sa vie à ses enfants amène son fils cadet à retourner sur
les traces douloureuses des siens au bord du Danube. …Plutôt que
chronologique, une structure éclatée, à la manière des puzzles, donne
au récit de Vincent Philippe ce caractère d’enquête où les pièces se
mettent peu à peu en place, tandis que l’enquêteur de son côté
reconstruit sa vision de ses rapports avec les absents. Un narrateur
l’accompagne dans les premiers temps de sa recherche, confident et
«transformateur» d’émotions qui pourraient se révéler trop puissantes,
tandis que Thomas feuillette les photos d’autrefois, images de sa
mémoire. Il en résulte un style d’une sobriété puissamment efficace,
fait de phrases brèves qui parfois sonnent comme le ferait un compte
rendu, ponctué de réalités historiques implacables. La sensibilité de
l’auteur sous-tend néanmoins ce récit parfaitement maîtrisé et
véridique, comme la palpitation d’un pouls relaie les battements du
cœur. Il met le lecteur au bord des larmes en retenant les siennes.
MYRIAM MEUWLY, Le Temps
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