poésie 1994. 184 pages. Prix CHF 32,60
ISBN 2-88241-049-2, EAN 9782882410498
Traduction roumaine: Elegiile lui Yorick. Bucarest: Orion, 1995
Bourse Goncourt 2004 de la Poésie
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…Placés
sous le signe de Shakespeare, ces poèmes ont une couleur, celle de
l’automne. Ils rendent justice à ce qui passe puis disparaît. Les
oiseaux dans le ciel. Le brouillard dans «l’antre du jour». La beauté
du corps féminin. Les êtres aimés. La voix du père qui vient avec le
vent et retourne à l’ombre. Chessex déplie cette carte qui montre le
territoire de sa vie. Sans nostalgie, non, mais sur la douce musique du
regret qui, tout en acceptant la perte, regarde mélancoliquement ce que
le temps a englouti. «Élégie d’octobre» évoque ce «chant de l’amitié tranquille avec la mort».
Ce qui surprend et bouleverse, c’est de découvrir à quel point ce livre du dépouillement est aussi totalisant. Les Élégies de Yorick
empruntent à toutes les formes: la méditation, le conte, la comptine,
l’éloge… Chessex laboure la langue française jusqu’à renouer avec ses
origines, jusqu’à cette époque si justement dépeinte par Huizinga sous
les couleurs automnales de ce qui est arrivé à sa pleine maturité. Il
remonte ainsi jusqu’à la langue de Villon, parlant de Milady Vermine
qui fait entendre son chant dans les viandes rongées, décrivant des
«trous châssieux» à la place des yeux. La poésie regarde alors par où
elle est passée, et devient aussi critique d’elle-même. On pourrait
dire d’elle ce que Chessex disait du «Requiem» de Gustave Roud dans ses
«Saintes Écritures»: elle «résout la contradiction de la tragédie»;
œuvre de réconciliation, elle «saisit l’unité des deux mondes, l’ici et
l’ailleurs, dans une violente évidence».
MICHEL AUDÉTAT, L’Hebdo
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