1992. 110 pages. Prix CHF 26,50
ISBN 2-88241-030-1, EAN 9782882410306
Traduction italienne: Le Forbici. Lugano: Ed. Gottardo, 1992
Feuilleton littéraire dans «La Gruyère»
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…D’emblée
le ton est donné: images fortes, d’une violence jamais gratuite,
notations colorées et précises, langage du cœur meurtri, narration
rapide, visant à l’essentiel par détails significatifs. En trente brefs
tableaux, Cimasoni retrace l’histoire de Sergio, sa découverte du
monde, ses dures confrontations avec l’univers des adultes, la
contradiction entre la foi professée et la réalité des sentiments,
l’emprise d’une mère nerveuse et tyrannique, la douleur muette d’un
père effacé, l’absence de tendresse, bref, le tranquille enfer
quotidien des familles… Les ciseaux du «sacrifice», la mère de
Sergio, dans sa rage de ne pouvoir le rattraper, les lui lancera un
jour, sans l’atteindre. Et son père ne manque jamais de les emporter
dans ses voyages, jusqu’à celui dont on ne revient pas. Il y a dans les
souvenirs de Sergio des choses qui font trop mal pour qu’il puisse
«vider son sac jusqu’au fond»: il ne peut qu’en extraire, l’un après
l’autre, les épisodes cruciaux, s’en alléger en les livrant avec
précision et retenue, sans poser de jugement. Le constat n’en est que
plus terrible: Sergio sait bien qu’«on ne peut pas bannir à tout jamais
la vérité, elle finit toujours par revenir, comme le petit chat noir»
que la mère a fait jeter dans la rivière, mais qui a réussi à se
libérer de sa prison de carton et à nager jusqu’à la rive pour revenir
quêter les caresses des humains. Il y a chez Giorgio Cimasoni cette
grandeur qui consiste à exprimer la douleur sans donner voix au
ressentiment. Et une blessure que seule la séparation d’avec la terre
natale et la langue maternelle était à même de calmer sinon de guérir…
CHRISTIAN VIREDAZ, Journal de Genève
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