…Sous
certaines mornes réalités d’aujourd’hui, Kuffer fait sentir qu’il
existe une réalité autre, où ce qui se passe est de l’ordre de la
tendresse, de la compréhension, de l’art.
…Ici ou là, l’auteur se fait un rien satiriste, il est question d’une émission Fax Fluo,
d’une certaine Carlottina Rost, de telle affaire de pédophilie où
prévalent très helvétiquement des considérations de pelouses tondues et
de thuyas bien taillés. Mais l’essentiel est toujours ailleurs, par
exemple dans ce «vert Véronèse», ce vert de «la vieille enfance
désabusée» sur lequel «repoussera l’herbe de demain», dont parle un
vieux visiteur plein de bon sens, interloqué par les exhibitions de la
Foire du livre de Francfort. Dans
la dernière nouvelle, l’auteur décrit le double mouvement d’une plongée
dans le noir, la tragédie de la mort d’une enfant, puis la renaissance
inexplicable qui tient à un rien qui est tout: l’image d’un bambin
gambadant autour d’une tombe. La mort est très présente dans ce
recueil. Il arrive que le «Je» qui s’exprime soit même celui d’un jeune
pharaon de la Vallée des Rois qui, du fond de son tombeau, voit passer,
avec beaucoup de tendresse, un couple du quartier des Oiseaux.
L’écrivain ressemble un peu à ce pharaon. Son point de vue est
d’ailleurs et, surtout, il y a toujours chez lui une propension à
supposer chez les autres, comme malgré eux, une disposition de bonté, à
les voir meilleurs qu’ils ne sont. Cela ne va pas sans courage ni de
cette rêverie dont l’un des personnages dit qu’il n’y a qu’elle qui
nous fera concevoir le bon monde de demain.
JEAN-FRANÇOIS DUVAL, Construire
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