«Jai de mon grand-père le souvenir dun grand conteur», dit Dante Andrea Franzetti de ce vieil homme contemplatif, silencieux et sensible
À propos dun objet trouvé au grenier, de photos, de tableaux, cest peu à peu la figure de cet homme, né à la fin du siècle dernier, paysan devenu maçon, qui apparaît par fragments significatifs.
Le récit passe tout naturellement, comme leau dun seul fleuve, de laïeul au petit-fils. Et lon voit se dessiner la vie dune époque avec ses «patrons» et ses ouvriers soumis, ses familles trop nombreuses, ses frontières infranchissables entre les classes sociales. Les figures étonnantes dun peintre illuminé proche des artistes du «Cavalier bleu», dun militant farouche de luttes ouvrières, dune dynastie dindustriels impitoyables, apparaissent comme les acteurs dun théâtre social dont le grand-père est le partenaire philosophe involontaire. Ce qui captive et émeut dans ce récit où les souvenirs se tissent avec la «réinvention», cest lextrême simplicité du ton, lattention multiple et sensible à ce qui, dans la figure du grand-père, explique et en même temps enrichit la vision historique. Les pages évoquant la guerre, le fascisme, les luttes ouvrières et jusquà lémigration épisodique en Suisse, se réfèrent toujours à ces figures familiales, à leurs sentiments, leurs angoisses et leurs simples bonheurs. Reflet authentique, incarné, dune époque, autant que terreau individuel de lauteur.
MIREILLE SCHNORF, Vevey Riviera
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