Pour
l’essentiel, ce nouveau roman se situe en bordure du chemin de fer
reliant la plaine du Rhône au massif du Mont-Blanc: «En amont, les
territoires de l’enfance, protégés par de puissantes barrières de
roche. En aval, le monde dans lequel l’enfant se faisant adulte va
basculer un jour.» Ce dernier, simplement désigné comme «l’enfant»,
cherche sa place dans un monde qui n’est pas à sa taille et se heurte
aux personnages hiératiques, qui en assurent l’ordre. Le père et la
mère. Mais aussi le chef de gare. Ou ce juge de paix qui l’initie
aux ruses de l’échiquier. Les jeux ont ici une importance capitale.
Train miniature, cartes, flipper, ou «jeux interdits» à l’ombre d’une
cave: à travers eux l’enfance se vit et se perd. On joue et on est
joué: cette ambiguïté maintenue d’un bout à l’autre du roman lui donne
sa force. Agencé comme un jeu de piste dans une forêt de signes, Le Chef de gare
évoque avec un art subtil cet effondrement intérieur d’une enfance qui
semblait ne jamais devoir finir, et qui s’achève pourtant.
MICHEL AUDÉTAT, L’Hebdo
…Imperceptiblement,
Armen Godel sème ses territoires de signes. Réseau ferroviaire, jeux de
signes enfantins, fragments intercalés d’un conte oriental, celui du
«petit voleur». C’est là toute la séduction de ce roman faussement
candide. L’écriture souple, précise, sobre, travaille le sens par
strates, par infimes rajouts, tout comme s’exerce la perception
enfantine du monde, donc du temps…
JACQUES STERCHI, La Liberté
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