Sismique, tel est le qualificatif approprié pour parler du premier roman de Pajak. Sismique et pictural. Comme fil conducteur, une histoire simple. Celle d’enfants de mauvaise famille, privés d’un père ou d’une mère, placés dans une pension de jeunes forçats. Des gosses qui se trimbalent dans la vie avec leurs blessures béantes en bandoulière et qui gueulent leur douleur à la face des petites gens?
Sous le pinceau du Pajak, car il écrit comme un peintre, tous les sens sont en éveil, à laguet. La vérité, ou la description exacte, précise et dégoulinante de ce qui est, claque avec violence. Le mot, les phrases sont arrachés à la tripaille. Il y en a pour les yeux, le nez, les oreilles et le reste. La création, ou la réinvention des mots, des images, est constante, tendue, grouillante. Avec fougue, le mot est fouillé, trituré, pressé. Il crache jusquà sa dernière goutte. Et la langue française, soudain, prend une puissance quon ne lui connaît que trop rarement dans nos paisibles terres helvétiques
Le monde décrit par Pajak est sale, irrémédiablement souillé. Ce grouillement de salissures, toutes ces chiures de mouches guident l’indomptable révolte de Dismas et Rémis. Elle leur donne tous les droits, même ceux de l’amitié, de l’amour?
Pajak, dans ce premier roman gargantuesque, cannibalesque, nôte pas les masques seulement, il prend la peau avec. Lintensité est dans ce déshabillage des blessures, dans la crudité de leur éclairage. Mais aussi dans la maestria de la chorégraphie de ce «Bon Larron».
CÉCILE DIEZI, Le Démocrate
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