La Lettre à Matthieu mélangerait-elle des tonnes de mauvaise foi avec quintaux de sincérité brute? Car Kesselring, simultanément, raconte, se raconte, vitupère, distribue anathèmes et injures, se repent, sexcuse auprès de son fils davoir été un père si peu présent, puis pratique la supplique et lexhortation pour conjurer le destin de Matthieu, embourbé entre drogue et délinquance, flirtant avec une vision des choses celle des extrêmes droites qui a toujours représenté, aux yeux dun soixante-huitard jamais repenti comme Kesselring père, le comble de la «salauderie».
plus quune missive personnelle, La Lettre à Matthieu contient des thèmes et des qualités qui en font une uvre publique, et plutôt réussie. Au pays des compromis doucereux, des couardises tant sociales quartistiques, les cris de douleur et les imprécations kesselringiennes font figures de brillantes exceptions: avec cette conjugaison dune panoplie dinjures fort complète et dun lyrisme ardent jusquau hurlement, nous voilà loin de lordinaire fadeur des soupes littéraires helvétiques.
Sil offre à son fils une lettre extrêmement profonde et touchante, il nous propose à nous, la racaille des lecteurs, le premier volume à poser sur un rayon encore vide de la bibliothèque idéale, celui des indignations romandes.
LAURENT NICOLET, Le Nouveau Quotidien
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