Fils
d’émigrés espagnols employés à la conciergerie d’un bloc locatif de la
banlieue genevoise, José, 9 ans, qui n’aime pas qu’on l’appelle
Joselito et donne des coups de poing à proportion de son cuisant besoin
de tendresse, vit un arrachement que des milliers d’enfants connaissent
en Suisse par les temps qui courent, lié à l’émigration et au choc des
cultures… …De ce difficile et beau sujet, Hubert Auque a su tirer un
texte qui échappe à la fois au «premier degré» du naturalisme social et
à la parodie du langage enfantin. Si les raisonnements de José frisent
ici et là le code de la crédibilité, ses notations plus concrètes sur
la vie qu’il menait en Espagne, entre sa chère Abuelita et le père de
remplacement qu’a été pour lui son oncle Juan, et sur sa problématique
réinsertion dans sa «vraie» famille, auprès d’un petit frère qu’il lui
reste à adopter, se trouvent modulées par une voix dont la justesse
s’impose au fil des pages. …Ce qu’il y a de particulièrement
original dans ce livre, c’est qu’Hubert Auque ressaisit l’apprentissage
affectif de José à fleur de langage. Malgré tout ce que le passage
d’une langue à l’autre peut avoir de déstabilisant, José mûrit en
exprimant son désarroi et sa révolte: ce qu’il perd d’un côté et ce
qu’il lui faut conquérir de l’autre, avec les mots pour seul repère.
JEAN-LOUIS KUFFER, 24 Heures
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