Il y a dans les trois récits de Grip quelque chose qui frappe aussi sèchement que ce titre: un ton singulier, un regard tranchant, une écriture mesurée, sans flonflons littéraires ni mélasse psychologique, mais dense et solide comme le roc.
Voyages circulaires: les personnages dHansjörg Schertenleib néchappent ni à leur pays, ni aux pesanteurs de lêtre qui les y attachent. Une force leur fait lever les yeux vers le ciel, les attire au loin; une autre les paralyse, leur fait baisser la tête sous le joug, les réduit à merci, les enlise.
Dans «Grip», la plus saisissante de ces histoires qui donne son titre à lensemble, un personnage nommé Jung file au nord de la Norvège, dépasse Krostiansund et finit par sarrêter sur un rocher ouvert à tous les vents. Grip est un îlot minuscule, abandonné à lextrémité des terres, que lon traverse en moins dune minute
Ici comme dans les autres récits, une violence sourde travaille en profondeur, affleure parfois à la surface, éclate soudainement dans un geste qui ébranle le monde inerte.
Puis lordre des choses, hiératique, remplace le désordre des hommes. Demeure alors lespoir en berne, lidéal aux soldes, et le sentiment dune immense défaite dont Hansjörg Schertenleib se sauve par la grâce dune écriture blanche et minérale. Assomption magnifique: en sabsorbant dans le grain du réel quil détaille minutieusement, lauteur le met du même coup à distance et réussit cet envol que ses personnages rêvent daccomplir.
MICHEL AUDÉTAT, LHebdo
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