Année de scarabées rassemble plusieurs nouvelles, dont le pouvoir denvoûtement tient à leur mode dexpression, allusif et mobile. Sollicitées par touches légères, limagination et la mémoire entrent en effervescence. Dautant plus infailliblement que les suggestions demeurent plus tacites. Des textes de quelques pages, dabord, doù surgit, à partir de notations éparses, un foisonnement intarissable de sensations: «Gémissait la balançoire du verger. Tanguait le poirier pelé
», «Voici lheure de moudre le soleil au moulin des clochers, de coucher le grain aux huches sombres des forêts». Les repères narratifs, dans Année de scarabées, demeurent ténus. Le thème du deuil prédomine, un goût «denfance morte». Rappel du lac qui séclate contre la jetée, sous les cris métalliques des mouettes, «diagonale de rouille dans le sang du ciel». Là encore, impression dune tête «éclatée», sous le volettement hystérique des oiseaux. «Écrire», cependant, «pour en parler encore, pour durer encore». Derrière une rangée de peupliers, le soleil rouge devient laiteux. Senteur insistante de poussière, de pourri. «À chaque retour de pluie, il y aura cette senteur denfance, ce pourri des barrières gonflées deau.» On nen saura guère davantage, hormis la mort de Simon, le frère: cet instant où la vie bascule et ensuite, plus rien nest comme avant: labsence qui devient un abîme.
JEAN VUILLEUMIER, 24 Heures
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