Sonia Baechler, une vie dans un miroir en mille morceaux
C’est toute une existence que l’écrivaine valaisanne Sonia Baechler met à nu dans Minutes d’éternité,
son premier livre, paru en 2009. Et comme son titre l’indique, cet
ouvrage se présente comme une collection de flashes éclatés, d’instants
littéraires menus qui portent sur un sujet donné. Les chapitres sont
courts, les pages tournent vite, en dépit d’une écriture poétique très
travaillée, précise, d’un abord pas forcément aisé.
Il y a la religion catholique, empreinte de mystères et de silences
qu’on aimerait percer – un aspect qui sera présent aussi dans On dirait toi,
que Sonia Baechler a publié à la fin 2013. Il y a aussi la question de
la naissance, celle du mariage, puis de la séparation. Celle de
l’amour, encore. Et celle du rejet de tout le poids des conventions.
Les voix sont diverses, les personnes (vous, je, elle,...) se succèdent
pour parler de la même femme, qui pourrait être l’auteure se regardant
dans un miroir en mille morceaux. L’auteure ose même la forme de la
page de journal, exclusivement afin de décrire un voyage à Bogotà, par
flashes encore plus courts que d’habitude puisqu’ils correspondent à
des entrées journalières – ce qui donne de l’importance à cette
expédition. Le lecteur peut avoir l’impression, à force de voir le
personnage placé au centre de ce livre décrit par des voix aussi
diverses qui sont en fait identiques, que l’auteure fait exploser la
notion de narrateur. Il n’aura pas tort...
Cette diversité des voix reflète la diversité de ce qu’on pourrait
appeler des distances focales: l’utilisation d’une troisième personne
du singulier, juste après un chapitre à la première personne, donne une
saisissante impression de recul, de détachement. Cela suggère que tout
au long des pages de ce livre, se déroule une véritable recherche de
soi - qui s’achève par un dernier chapitre rédigé à la première
personne du singulier, qui résonne précisément comme un retour à soi.
La boucle est bouclée: hors préambule (intitulé "Minutes d’éternité"),
le premier chapitre de ce livre est aussi rédigé à la première personne
du singulier.
Est-ce un roman? Les descriptions qu’en font l’auteur et l’éditeur dans
le paratexte de l’ouvrage évitent soigneusement le terme, lui préférant
celui de livre. Nous respecterons ce refus du terme de «roman». Cela
dit, Minutes d’éternité
emprunte au genre romanesque une certaine forme de narration, éclatée
mais indiscutable. Et comme souvent dans la littérature d’aujourd’hui,
et en particulier dans les romans actuels, Minutes d’éternité joue avec le réel et laisse au lecteur le soin de répondre seul à la question de la réalité des épisodes décrits.
Blog de DANIEL FATTORE
Minutes d’éternité
retrace les différentes étapes de la vie d’une jeune femme en passant
par son éducation, sa découverte de l’Amour et sa rencontre avec le
monde. À chaque pas, à chaque minute son histoire, à la fois légère et
profonde. Le tout à l’aide d’une écriture limpide, cristalline, très
travaillée et très poétique.
Un extrait:
Parle-moi… Existes-Tu ?
Je suis étendue sur la terre parmi les herbes et les mousses. Le
silence est profond. L’herbe ondule en vagues légères et dégage un
parfum de fin d’été. Les bras ouverts, je caresse le sol.
J’ai soudain la sensation envoûtante que la Terre m’enveloppe de ses
bras. Je ressens Amour et sérénité. Dieu. Les secondes s’éternisent. De
l’Amour pur. J’inspire, je retiens ma respiration de peur qu’en
expirant je ne brise ce silence et que cet instant béni ne s’en aille à
tout jamais. Mais cet instant ne s’en va pas. Il me nourrit. La Terre
me nourrit. Elle semble vouloir dans un souffle m’aspirer.
Instant fugace où vous comprenez que vous respirez le Tout, que vous vivez le Tout, que vous faites partie de ce Tout.
J’ai le sentiment d’une minute de rencontre entre la Vie et la Mort, le
Passé et le Présent. Secondes de grâce, emplies de Dieu, empreintes
d’amour. Moment d’éternité qui vous surprend, passe mais laisse en vous
une trace ineffaçable : l’Amour.
C’est en cette minute que Tu existes.
Je contemple le ciel où s’allument une à une toutes les étoiles. Je
crois que tout cela est vrai. Infiniment bon. Je sais que tout mon être
tend vers cette Terre. Je sais qui je suis, d’où je viens et d’où je
pars.
Ceci est mon héritage.
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Poésie des souvenirs
Comme
elle l’écrit fort joliment, la Valaisanne Sonia Baechler «lance son
imagination à la poursuite du passé». Enfance remplie de soleil et de
chaleur. Au souvenir de sa grand-mère, elle note: «J’écoute les mondes
d’autrefois et j’en ressors éblouie.» Découverte de l’amour, sensualité
des premières étreintes, l’adoption d’une enfant à l’autre bout du
monde. Des phrases courtes portées par le vent chaud de la poésie.
Beaucoup d’émotions où, dans ses images fines et précises, l’écrivaine
nous tend aussi un miroir.
L’Illustré
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Minutes d’éternité, récits de Sonia Baechler.
Qu’ils habitent ou non notre canton, tous les écrivains valaisans ne
sont pas membres de l’AVE. Loin s’en faut. Notre plaisir est par
conséquent vif lorsque nous recevons leurs livres, surtout en
constatant que ceux-ci paraissent auprès de maisons d’édition reconnues
loin à la ronde pour leur exigence, et leur endurance, visant à étoffer
d’une année à l’autre un catalogue révélateur d’un choix de qualité.
C’est le cas de Bernard Campiche dont la politique éditoriale s’avise
de publier quelques-unes parmi les meilleures plumes du pays romand.
Chez lui viennent de paraître les ouvrages de deux auteurs nés en
Valais.
Il y a beaucoup de poésie dans Minutes d’éternité,
le premier livre de Sonia Baechler. En fait, sa prose ressemble à de la
poésie, vice-versa. Son écriture semble aller de soi, elle a une allure
d’évidence et cependant on devine le travail considérable derrière les
mots afin qu’ils expriment au plus près les intentions de leur auteur,
et surtout ne laissent aucune trace des efforts consentis. Nous avons
ainsi un texte dont tous les éléments s’emboîtent harmonieusement les
uns aux autres pour former un tout d’une cohérence et d’une limpidité
qui prend le lecteur. Plusieurs thèmes ici se complètent. Ils ont
trait à la découverte, à l’éveil d’une jeune femme dans les domaines de
la famille, du cœur amoureux, de la société, de personnes très diverses
et du monde proche ou lointain. Ses réflexions ont entre autres mérites
d’éviter les pièges de la mièvrerie et ceux du banal discours. Il
s’agit tout d’abord d’un ton particulier, révélateur d’un esprit qui
n’entend rien ménager des choses et des gens dans sa proximité. On y
sent le désir de cerner le réel autant que de lui échapper. « Elle
savoura lentement cette mangue. Avec dans le regard quelque chose de
différent. Avec dans le regard un plein de reconnaissance. Elle ne sait
pas étiqueter ses sentiments. Elle déguste. Elle apprend. Elle
comprend. Elle comprend qu’elle vit une minute d’éternité. Une minute
de je t’aime. Tout cela l’a surprise. Elle ne peut plus mentir. Elle ne peut plus courir.»
Sonia Baechler travaille à Orbe et partage son temps entre
Yverdon-les-Bains et Salins. Il est à parier qu’elle ne s’arrêtera pas
en si bon chemin littéraire.
JACQUES TORNAY, Journal des écrivains valaisans
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«La Vie n’a rien de linéaire»
Sonia Baechler de Salins vient de publier un premier roman aux Éditions Campiche, «Minutes d’éternité».
Le premier livre de Sonia Baechler est à la fois existentiel et
poétique. Il nous parle de la formation d’enseignante de l’héroïne, de
ses instants relationnels forts avec ses parents, de ses liens avec le
Valais et de son modus vivendi, de la rencontre de l’Amour… des
instants privilégiés qui deviennent «Minutes d’éternité».
Minutes d’éternité,
un titre révélateur mais également ambitieux pour un premier roman.
Comment en êtes-vous arrivée à l’écriture ? des réflexions
existentielles, des questionnements et des mises en cause du monde dans
lequel nous évoluons vous ont poussée à exprimer une part de votre
« intériorité » ?
J’ai
commencé à écrire sur les bancs d’école et à l’université. Des poèmes
d’abord, puis des petites histoires pour mes camarades de cours. Les
mots m’emportaient ailleurs et la voix des professeurs berçait mes
idées… Mais l’aventure a réellement commencé il y a deux ans.
J’avais alors repris des études en anthropologie. À cette époque,
j’écrivais souvent à un ami. Un soir, il m’a prise par les épaules et
il m’a dit: «Il est temps que tu fasses quelque chose de ta plume!»
D’abord perplexe, je me suis rendu compte qu’il avait raison, que le
moment était venu de laisser l’écriture s’installer dans ma vie, de lui
donner une place à part entière.
Dès lors, le besoin d’écrire s’est fait de plus en plus pressant. Je me
suis remise à griffonner des histoires pendant les cours… Comme je
n’arrivais pas à mener de front l’anthropologie, mon travail et
l’écriture… j’ai mis un terme à mes études. Mais je n’ai pas
véritablement eu de choix à faire. L’écriture s’est imposée d’elle-même.
Votre
roman est fait de rencontres, avec vos parents, avec le monde, avec
vous-même, avec l’Amour, avec le langage, avec votre profession…
Comment s’est dessiné cet enchaînement de « naissances »,
d’étincelles de vie qui parfois confinent avec l’éternité ?
Beaucoup
trop d’idées se bousculaient dans ma tête pour que j’écrive une
histoire suivie. Je me suis alors dit que la vie n’avait rien de
linéaire. En tout cas pas la mienne ! Elle m’apparaît davantage
comme une succession de moments qui vous marquent, d’expériences qui
vous changent et qui prennent tout leur sens… un peu plus tard. Avec le
recul sans doute. D’où les minutes d’éternité… Beaucoup de
questionnements aussi et peu de réponses. Au final, je crois que je
n’aime pas les réponses. Elles sont toujours aussi relatives, et elles
évoluent au fil du temps.
Votre
style limpide et fluide contient de nombreuses tonalités
poétiques ; chez vous, poésie et prose se marient parfois pour
dire le quotidien. Quelle place accordez-vous au style ?
À
l’université j’ai analysé beaucoup de textes. Entre anacoluthes,
paronomases et autres figures de style, je finissais par oublier
l’essence même des textes… J’avais le décorticage en horreur. Quand
j’écris, je joue avec les mots. J’aime leur son, les petites musiques
qu’il me semble entendre lorsque je les associe. J’aime le léger et le
profond, le tendre et le drôle. Au fond, je m’amuse. C’est sûrement
parce que j’aime ce jeu que j’y reviens toujours!
Quelles sont les parts d’autofiction et d’imaginaire dans votre livre ?
Autofiction
et imaginaire ? Je crois que les deux se mêlent et s’entremêlent.
Sans doute des sentiments connus de près ou de loin. Mais peut-être…
que là n’est pas le principal… Vous savez, je me suis toujours dit que
ce n’était peut-être pas ce que l’auteur avait vécu, voulu dire ou
voulu décrire qui était important, mais ce qui faisait sens pour le
lecteur ! Quand on laisse son livre s’en aller dans le monde, on
accepte que chacun l’interprète avec ses propres référents.
Quelle
est la place de l’écriture dans votre vie ? Une histoire
essentielle, grave, profonde ou un parcours artistique plus
léger ? Des projets…
L’écriture a pris
une place essentielle dans ma vie. Parfois même, elle me réveille.
Aussi étrange que cela puisse paraître, il m’arrive de rêver des
phrases que j’utilise ensuite. Je dors avec un stylo et un bloc de
feuilles près de moi. J’écris sur tout ce qui me passe sous la
main… même si… j’égare ensuite les papiers ! Bien souvent, je dois
m’arrêter pour écrire sur des aires d’autoroutes, ce qui rallonge
considérablement mes trajets ! Conduire m’inspire. Il serait plus
prudent, je crois, que j’investisse dans un dictaphone ! Bien
entendu, je ne destine pas tout à la publication. L’écriture m’aide à
chercher l’équilibre et à avancer. J’en ai besoin.
Des projets? Oui. Un roman… mais je n’en dirai pas trop. L’inspiration
me surprend toujours. Au fond, j’ai davantage l’impression que c’est
l’écriture qui me guide plutôt que le contraire. Mes idées de départ se
modulent au fil des pages et je ne sais jamais vraiment où elles vont
m’entraîner.
La seule chose dont je sois sûre, c’est que j’ai envie d’écrire sur la
rencontre des différences. C’est un sujet qui me passionne parce qu’il
soulève beaucoup d’interrogations.
JEAN-MARC THEYTAZ, Nouvelliste et Feuille d'avis du Valais
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Une femme, des instants
Chaque
partie de ce texte voit une femme traverser un moment capital de sa
vie, sa grossesse inattendue, son éducation religieuse, le manque du
père, son mariage, son divorce. Le tout dans une écriture soignée et
avec la ferme volonté de faire voyager son personnage en dehors des
conventions sociales et religieuses, malgré leur ancrage profond dans
sa conscience.
LAURENCE DE COULON, La Vie protestante
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Sonia Baechler, Minutes d'éternité
Je l’avoue, j'étais très suspicieux en ouvrant ce livre.
Le titre d'abord. Minutes d'éternité. Et puis la présentation sur la couverture.
Tenez, n’hésitant pas devant la perfidie la plus primaire, je la cite:
«Minutes d'éternité retrace les différentes étapes de la vie d’une
jeune femme en passant par son éducation, sa découverte de l'Amour, et
sa rencontre avec le monde.» Rien que ça!
L'Amour avec une majuscule, l’éternité, la rencontre avec le monde: le pire est annoncé.
Tout ça pour dire que contrairement à ce que je redoutais, il n'y a
rien de mièvre dans ce que Sonia Baechler écrit. C'est au contraire au
rasoir.
Une vie de femme, l’enfance et sa confrontation à ce qu'on va devenir.
La religion contraignante. Le rêve de midinette de la robe de mariée et
la vente de l’objet quelques années plus tard. La lutte contre les
conventions. Le premier adultère alors qu’on aime son mari – mais il y
a cette pulsion, et ce corps d’homme inconnu et désiré. Le sentiment
d’être une mauvaise fille. Le divorce et le statut de femme seule.
Un mélange de candide et de dévoyé, la naïveté et la sincérité à l’os
du contenu donnent à ce livre un charme. D’autant plus que Sonia
Baechler a une écriture poétisée, ondoyante, parfois elliptique,
toujours très travaillée.
Blog d’ALAIN BAGNOUD
Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.
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