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Voici
une écriture théâtrale parfaitement originale. Chaque pièce est un
univers particulier. Chaque lieu est singulier. Chaque personnage est
une entité forte et énigmatique. Le verbe est ciselé, les dialogues
précis et rythmés. Ce théâtre ne raconte pas le réel, il le
détourne, le détend, le digère, le d’élément pour ouvrir une autre
vision du monde, hors normes. Comment interroger l’utopie quand elle lâche les amarres de la raison? Sur quelle musique?
Il y est beaucoup question de fusils, grenades et couteaux, seringues et mitraillettes, dynamite et plastic. Et d’amour.
Parfois dans la moiteur des plaies l’amoureuse glisse le doigt, et c’est incroyablement tendre.
Tous les personnages de Probst sont des résistants animés de saintes colères.
Vous aimez les voyages? Voici votre sanctuaire.
PHILIPPE MORAND, directeur de la collection Théâtre en camPoche
Quand la scène devient terre d'aventure
Sur la couverture, la mer comme une flaque d'encre. Et aussi une maison
sur une jetée. Sur tout cela, le rideau encore léger de la nuit.
L'image qui sert de porte d'entrée à Jacques Probst Théâtre II,
qui rassemble six pièces de l'auteur genevois, a valeur de symbole.
Jacques Probst, 54 ans, vagabonde depuis l'adolescence sur les rivages
du Léman ou de l'océan. Il admire les pêcheurs de l'aube, se rappelle
les histoires de corsaires que lui lisait son père linotypiste à la Tribune de Genève. De retour de ses virées, il écrit des pièces comme Jamais la mer n'a rampé jusqu'ici ou Missaouir la ville,
montée par ses soins en 1982 à la Comédie de Genève. Il y a du bonheur
à parcourir les six textes rassemblés par Bernard Campiche dans ce tome
II des œuvres de Probst – l'année passée paraissaient les monologues
dans la même collection Théâtre en camPoche. Jacques Probst a
des dunes dans les yeux ou des alcôves de bordel qui sont la matrice
d'une humanité bourlingueuse. Ses personnages sont en partance, presque
toujours, à l'image de la Sabine de Jamais la mer n'a rampé jusqu'ici.
«J'ai traversé des salles de Bourse, dormi sur des milliards de billets
de banque. J'ai décollé plusieurs fois de plusieurs aéroports, toujours
différents, toujours orientés vers le nord. Et les portes, et les
gares, j'ai oublié leur nombre.» Lire ce Théâtre II, c'est
goûter à une langue lyrique, presque claudélienne - le premier Claudel,
celui de L'Echange - au service d'un théâtre qu'on dira d'aventure. La
vie nourrit le verbe probstien. Et inversement, chaque pièce ouvre un
nouveau chapitre dans l'existence de l'écrivain. Les préambules à
chaque texte sont de ce point de vue des petits chefs-d'œuvre. Dans son
introduction à Missaouir la ville, il raconte comment il a
pensé à Delphine Seyrig pour le rôle de Sonia. Elle dit «oui», mais pas
tout de suite. Attablé avec son ami François Berthet, un jour de juin
1982, il voit passer une «jeune femme de 25 ans, blonde et magnifique».
Elle est actrice. C'est Juliana Samarine. Jacques Probst lui demande
d'être Sonia. Neuf mois plus tard, il l'épouse. Elle est toujours sa
fée, comme il dit.
ALEXANDRE DEMIDOFF, Le Temps
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