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Et moi le fou qui écrit ce poème
Sais-je seulement si les mots m’aiment
Je parle mais c’est le vent qui me mène
À tournoyer en la sottise humaine
Son
œuvre poétique est l’écho d’impulsions tout à fait indépendantes,
sauvages même. Viala écrit alors par besoin naturel, il écrit comme il
respire, pour cracher ce qui lui pèse, pour libérer des fantasmes
dangereusement envahissants. Il y a chez lui une dialectique
exemplaire: d’un côté il est l’artisan, le professionnel du théâtre, de
l’autre le créateur solitaire, l’écorché vif, pour qui écrire est une
nécessité organique.
FRANÇOIS ROCHAIX
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Les Éditions Campiche sortent «Poésie choisie», un recueil de poèmes de l’artiste qui vit paisiblement à l’EMS du Petit Bois.
Les
autres histoires de l’auteur Michel Viala Mais ça, c’est une autre
histoire… Le refrain qui ponctue le flot de paroles captivantes de
Michel Viala laisse un doute dans l’esprit de celui qui l’écoute pour
démêler le vrai du faux. Un inventeur d’histoires, c’est cela. La
sienne se passe aujourd’hui à l’EMS du Petit Bois, à Cransprès-Céligny.
Dans sa chambre, le poète de 76 ans a recouvert les murs des traces de
son passé et de ses inspirations. L’anarchie de Léo Ferré côtoie le
destin posthume de la prostituée Grisélidis Réal. Près de l’entrée,
trône un portrait de Richard Bohringer, dessiné par Michel Viala. Sur
le tableau, le célèbre acteur a écrit: C’est beau une ville la nuit. Bienvenue dans l’univers de Viala. Le poète a écrit plus de cinquante pièces de théâtre, des scénarios et des poèmes.
Aujourd’hui, Poésies choisies
vide ses fonds de tiroirs. Il s’agit en partie de poèmes déjà parus en
1989 au Editions pEX, dans un ouvrage désormais épuisé. D’autres textes
sont des inédits, conservés jusqu’ici par sa fille. Des débuts dans la
mode. Genevois de naissance, Michel Viala entre dans le monde du
spectacle par la porte des Beaux-Arts. Avant cela, il passe par les
arts industriels, l’équivalent des arts déco aujourd’hui. Je voulais
entrer en section pub, mais il n’y avait plus de place, racontet-il. Je
me suis retrouvé dans la mode… Éclats de rire. Pour ce baroudeur, toute
expérience a été bonne à prendre.
Après avoir vécu la rue, les théâtres et même Hollywood, il se repose à
Crans. Vous voulez savoir comment je me suis retrouvé ici? J’avais un
appartement et je voulais qu’on me foute la paix. Un jour, ma fille est
arrivée pour le dîner, et je mangeais un bout de pain et un oignon. Le
frigo était vide. Elle m’a dit «on va trouver une solution». Je suis
arrivé ici, j’ai vu la verdure, et je me suis installé. De l’EMS où il
vit, il cause comme d’un bistrot: la patronne est vraiment sympa! Elle
sélectionne les coups de téléphone pour moi, car ça n’arrête pas. Par
exemple, un type a appelé trois fois de suite pour avoir la marque de
mon ordinateur… Des histoires comme ça, Michel Viala en a plein.
L’auteur a écrit une pièce sur cet EMS: Petit bois.
Ici, j’ai rencontré des gens très intéressants, précise-t-il, comme un
ancien physicien du CERN. Il est décédé, mais sa femme m’amène
régulièrement la revue du CERN. L’organisation scientifique lui a
d’ailleurs inspiré un poème inscrit dans le recueil: Ces trous de
matière /masses énormes /absorbent les chiens qui passent /ces vides
dans ces hommes gris /ces larmes ces cris. Quant à savoir quels
sont ses coups de cœur pour le théâtre actuel, c’est difficile. Ça
m’em... de privilégier certaines personnes... Il y a peu d’élus et
beaucoup d’appelés. C’est une histoire de talent et de travail, ce
n’est pas donné. Il faut se découvrir un style, fabriquer vraiment
quelque chose. L’écriture, ce n’est pas seulement des états d’âme. A
propos de l’Institut littéraire suisse de Bienne, qui accueille ses
premières volées d’élèves formés à l’écriture, Michel Viala s’exprime
sans détours: c’est une imbécillité totale! On n’apprend pas à être
écrivain. On apprend à écrire comme tous les enfants. Et après, on
apprend à penser. Si aujourd’hui il se consacre principalement à la
peinture, dans sa chambre de Crans, les projets d’écriture continuent
d’exister. J’ai écrit une pièce qui s’appelle Bouchons.
Les personnages sont pris dans les embouteillages et finissent par
piller des villas et vider les frigos... Michel Viala continue de vivre
dans un tourbillon créatif incessant. Je n’ai pas peur de la mort, mais
il ne me reste pas beaucoup de temps à vivre. Et comme chante Ferré,
«avec le temps, va, tout s’en va /Même les plus chouettes souv’nirs».
Tous les matins, Michel Viala fait du Taïchi, pratique qui l’a
d’ailleurs amené à partir au Japon.
Ça c’est une histoire vraie, précise-t-il.
CÉCILE GAVLAK, La Côte
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Mots urgents
Acteur, écrivain de théâtre, scénariste, Michel Viala est aussi un
poète majeur. Comme nous le rappelle très intelligemment Poésie choisie,
petite anthologie que publie Bernard Campiche en sa collection
camPoche. Sublime écriture de l’amour, de la femme, et sublimation de
la désillusion. Mots urgents, mots lâchés, dans cette nécessité
poétique de marquer le réel au fer rouge du langage.
JACQUES STERCHI, La Liberté
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Michel Viala à La Tournelle
Un poète anarchiste
Pour
un public à vrai dire un peu maigre samedi passé venu entendre le
dramaturge, écrivain et poète genevois Michel Viala lire des morceaux
choisis de sa poésie, publiée chez Bernard Campiche et en présence de
son éditeur. Si l’on concevait le dessein de rencontrer un anarchiste
de toujours, la lecture de samedi aurait comblé tous les souhaits.
Maugréant contre l’ordre établi et le «penser correct», fustigeant la
disparition dans les médias des créateurs au profit des commentateurs,
l’enfant de Genève a lu. Mais il a aussi beaucoup parlé. «Je me
souviens, à l’époque de la construction des tours du Lignon [n.d.l.r.:
quartier périphérique de tours construites dans les années 1960 sur la
commune de Vernier aux portes de Genève], je squattais dans le coin. Et
des bandes de jeunes se combattaient alentour. J’ai voulu leur rappeler
que si l’ordre en soi ne veut rien dire, il faut quand même laisser
vivre son voisin en paix. Ça m’a valu d’être nommé ”chef” de
l’insurrection contre les promoteurs», avouait Viala qui d’ailleurs,
quelques années plus tard, fera mourir un promoteur dans l’une de ses
pièces, en forme sans doute de souvenir grinçant.
L’écorcheur vif
À
près de quatre-vingts ans, Viala reste en insurrection permanente. Il
vit des combats qu’il livre maintenant plutôt par l’écrit ou la
peinture que par l’action physique. L’écorché, ou plutôt l’écorcheur
vif, est toujours bien présent. Sa poésie est tout entière composée en
décasyllabes, «un langage proche de l’occitan, une forme plus rude et
plus coriace qui convient mieux à mon propos que les alexandrins qui
m’emmerdent», précisera Viala, qui avoue toutefois une grande
admiration pour Corneille et Racine. Un homme d’interrogations et
parfois de contradictions. Qui n’hésite pas à condamner le terrorisme
visant des victimes au hasard, mais nettement moins sa forme visant
«ceux qui le méritent». À travers les extraits choisis, les thèmes
intemporels de Viala surgissaient tour à tour: le dégoût de la société
de consommation et de ses «vitrines-aquariums», les dangers de
certaines formes de costumes, au propre comme au figuré, «sous le voile
se cache l’uniforme», la conviction que la justice sociale est un but
primordial et inéluctable: «à partager on vous obligera, à rendre ce
que vous avez volé aussi». Des clins d’œil forts datant d’une trentaine
d’années au moins, mais qu’en 2020 d’aucuns, grands patrons ou traders
de haut vol, auraient peut-être intérêt à méditer entre deux bonus.
Le vécu
Et
Viala de s’interrompre pour délivrer l’une de ses innombrables
anecdotes vécues: «J’ai en son temps traduit Tchekhov du russe en
français. Il paraît que la traduction était bonne et la Délégation de
Russie à Genève m’a invité pour me remettre un prix. Durant la
cérémonie, ils ont insisté pour que je leur confie en plus les clés de
ma voiture, ce que j’ai finalement fait. En rentrant, j’entendais de
drôles de bruits dans le coffre. Arrivé dans le quartier des Grottes,
j’ai ouvert le coffre et découvert qu’ils l’avaient rempli de kilos de
caviar et de litres de vodka. Qui furent consommés sur place à la
louche, dans une fête telle qu’il fallut donner d’impossibles
explications aux pandores sceptiques accourus illico.»
Si on ne l’a jamais lu, il faut le découvrir. Et notamment dans le dernier ouvrage de poésie paru chez Campiche.
OLIVIER GFELLER, L’Omnibus
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