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Antoine Jaccoud aime, vraiment, les petites gens. Il leur voue tendresse et humour caustiques.
Son théâtre est curieux; le cinéma n’est pas loin.
Il aborde avec allégresse tous les sujets de société.
Il ne juge pas ses personnages. Il place chacun en «logique foncière».
Il interroge le monde, affronte les grandes questions existentielles, par la lucarne.
Cela vient du haut et se bat en bas. C’est un redoutable «détourneur» public.
Son théâtre est un constat, humble et drôle; une parole ancrée dans la
réalité avec défiance et démons. Il met en jeu, nos désirs si souvent
dérisoires, nos bonheurs parfois coupables, nos défaites de porcelaine.
PHILIPPE MORAND
Grippe aviaire: il raconte
La
pandémie refait parler d’elle, mais cette fois-ci de manière plus
grinçante, sur scène. Le ministre de la Santé Pascal Couchepin ira-t-il
voir la pièce d’Antoine Jaccoud?
– Un auteur de théâtre qui traite de l’actualité, c’est plutôt rare, non?
– Je
suis un ancien journaliste, je reste donc très informé! L’actualité est
le réservoir dans lequel je puise. Il faut l’utiliser pour parler du
monde. Dans une de mes pièces (Je suis le mari de…, sur Lolo
Ferrari, une ex-star du porno à la poitrine surdimensionnée), j’ai
utilisé le même procédé. Mais mon propos, aujourd’hui, est surtout de
dénoncer le manque de débat que devrait susciter l’annonce, parmi hélas
tant d’autres, de cette catastrophe qu’est la grippe aviaire.
– Pas de débat? On n’a jamais autant parlé des problèmes de la planète!
–
Quand je dis qu’il n’y a pas de débat, c’est qu’on ne s’interroge pas
suffisamment sur ce que l’on ressent à l’annonce de pareilles
catastrophes. Comment les vit-on? Comment les médias, qui propagent les
nouvelles, ressentent-ils leur rôle? Il faut débattre de l’effet que
cela produit sur nous. On parle plus des plans d’urgence que de ce
qu’on ferait vraiment si une pandémie survenait.
– «On», c’est qui?
–
Mais chacun de nous! Comment gérerait-on les enfants qui ne pourraient
plus aller à l’école? La TSR leur donnerait-elle des cours par petit
écran interposé? Comment vivrait-on confinés chez nous? En cas de
pandémie, comment seraient distribués les médicaments? Qui paierait?
Selon quelles priorités? Et là, on n’a aucune réponse.
– Mais peut-être ne vivons-nous qu’une psychose sanitaire?
–
Le discours des médias est anxiogène. Il est normal que nous
réagissions à cela par de l’anxiété. Aujourd’hui, tout est dangereux.
Si on ne se fait pas mordre par un pitbull, on risque un happy slapping!
Tout est suspect et cela crée une distance terrible qui nous empêche de
réfléchir à nos propres émotions. Avec la grippe aviaire, même chose.
– Votre texte est donc un signal d’alarme?
–
Le théâtre est une tribune et je m’en sers comme tel. Comme la vie
intellectuelle de notre pays est très pauvre, et qu’il n’y a que la
Radio suisse romande pour occuper l’espace public, il est important de
créer un débat éthique, ouvert à tous. Mais il faut rire de cette
expérience car, dans la réalité, une pandémie pourrait être soit
beaucoup moins grave, soit bien pire! (Rires)
– Qui devrait réagir? Pascal Couchepin?
–
Ce sont ceux qui promulguent les discours sur le sujet qui doivent
parler de valeurs. Il n’est donc pas impossible que Pascal Couchepin
lise mon texte… (Sourire)
– Monter une pièce aujourd’hui est-il plus périlleux que de se procurer du Tamiflu?
–
Oh, oui! Le canton de Genève m’a bien soutenu, le médecin cantonal, qui
a lu la pièce, s’est impliqué de manière sérieuse dans le projet! Grâce
à son soutien, il est du reste prévu que nous jouions dans les écoles.
Mais, du côté vaudois, rien! Il y a hélas eu beaucoup d’indifférence
pour ce travail… Un débat est prévu lors de la première. Le médecin
cantonal vaudois sera présent.
SEMAJA FULPIUS, Le Matin
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La farce des poulets
«En attendant la grippe aviaire», d’Antoine Jaccoud, une pièce sombre
et grinçante portée par un texte et des comédiens excellents.
Faut-il
avoir peur de la grippe aviaire? Après avoir vu «En attendant la grippe
aviaire», la réponse est oui sans hésiter. Pas seulement parce qu’on
mourra tous. Mais aussi parce que, auparavant, on aura vu disparaître
nos certitudes et tout ce qui fait le sel de nos pauvres vies. La
pièce d’Antoine Jaccoud montre un couple (Françoise Boillat et Jean-Luc
Borgeat) confiné dans son salon pendant «la deuxième vague de la
pandémie». Ils ont échappé à la première, grâce à leur obéissance
aveugle aux consignes d’un État-providence et à un égocentrisme
solidement enraciné. Pendant que dehors la planète se dépeuple, ils se
souviennent avec nostalgie et résignation de leurs amis disparus, de
leurs barbecues avec les voisins, de leurs petits week-ends à
l’étranger. Ils ne sont reliés au monde que par la voix de ce speaker
(Pierre-Isaïe Duc) qui répète chaque jour des annonces d’apocalypse.
Une farce tragique,
annonce Antoine Jaccoud, l’auteur de ce texte ciselé au millimètre et
d’une mise en scène resserrée au maximum sur l’aventure de ce couple
prisonnier de sa propre survie. Le Lausannois a souvent été remarqué,
que ce soit à travers ses travaux pour le cinéma (Azzuro, de Denis Rabaglia, La Bonne Conduite, de Jean-Stéphane Bron, Mein Name ist Bach, de Dominique Rivaz, Tout un hiver sans feu, de Greg Tglinski) ou ses pièces de théâtre bientôt éditées par Bernard Campiche (Je suis le mari de Lolo, Le Voyage en Suisse, On liquide). Il y a deux ans, il invitait quatorze survivantes des massacres de Srebrenica à témoigner pour un essai de théâtre documentaire. En attendant la grippe aviaire
reprend le principe du témoignage. Le procédé est intelligent, parfois
drôle. On peut reprocher cependant à cette grippe aviaire une structure
trop linéaire et une mise en scène trop statique, au risque d’ennuyer.
Cela dit, la pièce repose sur un texte excellemment construit, et dit.
La charcuterie est mortifère,
répète chaque jour, parmi d’autres nouvelles tragi-comiques, le speaker
perché dans sa cage, oiseau de mauvais augure dans un monde où l’oiseau
est devenu une calamité. Le texte de Jaccoud fait remonter l’angoisse
des grandes pestes. «On se croyait vaccinés contre tout. On se croyait
comme au-dessus des grands fléaux et on n’était protégés de rien.» Il
met en lumière la médiocrité de nos vies, notre incapacité à saisir le
bonheur: «Dans une autre vie, j’aurais voulu être un Italien, me rendre
sur la piazza le dimanche matin, bien habillé, les cheveux en arrière,
et boire un petit café sous les arcades.» Dernier plaisir, même s’il
est extérieur au propos, celui de voir réunis deux très bon comédiens
valaisans, Jean-Luc Borgeat et Pierre-Isaïe Duc, dans une scénographie
d’Isabelle Pellissier.
VÉRONIQUE RIBORDY, Le Nouvelliste
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Lolo style Deschiens
Il y a sept ans que je passe à côté de cet auteur dont je me sens
étrangement proche, non du tout parce qu’il est lui aussi Lausannois ou
que nous publions chez le même éditeur, mais du fait que ce qu’il
perçoit et qu’il exprime est de partout où l’on trouve des gens
ordinaires, plus ou moins cabossés par la vie, plus ou moins beaufs,
comme on dit, mais regardés avec affection, avec humour et sensibilité,
saisis dans leur vérité mouvante au fil de dialogues d’une justesse
sans faille à quoi s’ajoute une sorte de musique aigrelette.
Un recueil de plus de 400 pages permet aujourd’hui de se faire une
bonne idée de ce théâtre qu’on pourrait situer dans la mouvance du
répertoire dit naguère « du quotidien », du côté d’un Jean-Marie
Piemme, en plus astringent et en plus fou, en plus imaginatif aussi
quant aux situations, et d’ailleurs sans que cela participe d’une
quelconque école.
Le premier monologue intitulé Je suis le mari de…,
datant de 2000, nous vaut une irrésistible entrée en matière, avec la
confession de celui qui, par attirance fétichiste autant que par
compassion, est devenu le factotum et le compagnon de la deuxième plus
belle poitrine du monde, cette Lolo en laquelle on identifie évidemment
une personne célèbre, mais qui devient ici toute familière, même petite
fille, émouvante en somme. C’est à la fois tordant et tendre,
grandiose dans le tragi-comique, d’un véritable humour tel qu’on en
trouve plus souvent dans les pays sinistrés, telle l’Irlande ou la
Belgique, que dans les paradis fiscaux. Mais on sait que le fantasme
mammaire est universel et qu’il est de braves gens prêts, en Suisse
aussi, à prendre sur eux la souffrance de martyrs inaperçus quoique
exhibés comme des monstres de foire. Tout cela que l’auteur module avec
un mélange d’acuité, dans l’observation, et de gentillesse « panique »,
qui réjouit véritablement. Et ce n’est qu’un début…
Blog de JEAN-LOUIS KUFFER, http://carnetsdejlk.hautetfort.com/livre/
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Un irrésistible pessimiste
La drôle de vie que nous menons, dans le drôle de pays qu’est la Suisse
propre-en-ordre, a trouvé un drôle d’observateur en la personne du
Lausannois Antoine Jaccoud, dont neuf pièces de théâtre illustrent
l’acuité du regard et du verbe, le sens du tragique et l’art de le
rendre avec humour, du côté de Reiser ou de Bukowski. De son père
l’employé, il tient précisément (dit-il par manière d’hommage) son sens
de l’observation, et la conscience lancinante de son sort de mortel; et
de sa mère, portée à tout dramatiser, cette même aptitude à «faire des
scènes».
Les «objets» de son théâtre sont tirés du monde qui nous entoure, dont
les gens ordinaires sont les «stars». La première de ses pièces donnait
ainsi la parole au compagnon de la «seconde plus belle poitrine du
monde», une Lolo de fameuse mémoire. Une phrase de son journal de bord
est à l'origine de ce monologue burlesque et poignant: «Lolo Ferrari,
comment viellira-t-elle?». Une autre phrase, de son père, «Je pourrais
compter ma vie en chiens», lui a donné l'idée de sa deuxième pièce,
évoquant le désarroi des couples dont les enfants ont quitté la maison.
Cela s’intitule d’ailleurs Les Chiens, avec deux actrices-chiennes. Une pièce folle, Après,
donne la parole à quelques morts tout frais au moment précédant le
dernier «envol». Plusieurs autres évoquent la Suisse de personnages à
la Deschiens. On liquide aborde la fin de l’agriculture du point de vue des intéressés (le cochon, l’arbre, le paysan). En attendant la grippe aviaire conclut ce cycle.
Dans l’immédiat, c’est cependant son savoureux Monologue de la brouette
qu’Antoine Jaccoud lira en public, dont les souvenirs juvéniles en
quartier «popu» sont ponctués par le refrain lié à la Brouette
d’Échallens, p’tit train de rien du tout qui bringueballe un monde…
JEAN-LOUIS KUFFER, 24 Heures
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L’iconoclaste Antoine Jaccoud
Depuis
son monologue inspiré de Lolo Ferrari, star du X, le dramaturge traque
les dérives contemporaines. À l’heure où paraît une compil’ de ses
pièces, rencontre avec un angoissé.
— Dans votre succès Je suis le mari de…, vous vous êtes inspiré de la vie de Lolo Ferrari. Pourquoi?
—
Ce qui m’intéresse, c’est ce qui saute aux yeux, mais que personne ne
veut voir. C’était écrit sur cette femme qu’elle finirait mal. Elle ne
cachait rien de son désarroi, mais personne ne voulait l’écouter. Lolo
n’était pas un sujet «noble» pour le théâtre, donc dérangeant. Bien sûr
j’ai été sensible à la «machine à désir». C’est mon côté prédateur. Le
personnage de la pièce, c’est un homme excité par la possession de
cette déesse de la fertilité, mais en même temps effrayé et ému par sa
pathologie. Les pulsions de mort dans la sexualité me fascinent, et
cette femme les mélangeait à un niveau d’une rare intensité.
—
Passionné de cinéma, vous avez eu l’occasion de travailler avec le
cinéaste Krzysztof Kieslowski. Quelle impression vous a-t-il laissée?
—
J’ai suivi un cours qu’il a donné sur l’écriture des scénarios. C’était
un homme marquant. Dur, il pouvait aussi vous prendre dans ses bras à
la fin de la journée. Il avait un humour noir. Disons qu’il n’avait pas
un amour immodéré de la vie. Il ne se prenait pas trop au sérieux,
malgré sa notoriété. Un jour, il m’a téléphoné pour me demander qui
était Théo Angelopoulos! Il n’allait pas au cinéma. Il préférait le
théâtre à la lecture.
— Pourquoi le théâtre est-il nécessaire?
—
Parce qu’il crée un espace de débat. Un espace de pensée. Aujourd’hui,
on est dans des perspectives individuelles, et non plus collectives. On
ne s’occupe que de soi, plus des autres. Ce vide me rend triste. Tout
est schématisé, il n’y a plus d’échange de pensée. Le théâtre remet les
problèmes au centre: on peut y divulguer la souffrance, la révolte que
la société ne veut pas voir.
— Vous êtes quelqu’un d’angoissé?
—
Je suis hypocondriaque. Mais de manière généreuse, c’est-à-dire que je
me fais du souci pour les autres. Je suis surtout pessimiste. Je pense
que l’humanité est mortelle et qu’elle gaspille ses ressources.
— Comment faites-vous pour garder le goût de vivre?
— L’humour. J’aime manger et faire l’amour. Jouer aux Playmobil avec mes enfants.
JULIEN BURRI, Femina
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En attendant la grippe aviaire
Je
n’ai pas acheté des masques de protection et je ne connais personne qui
en ait acheté. Le Suisse moyen semble avoir développé une méfiance
systématique face aux recommandations de l’Office fédéral de la santé.
De toute façon, le jour où des gens mourront par dizaines dans les
environs, personne ne fera confiance à l’efficacité des masques. Tout
le monde restera enfermé à la maison, comme c’est si bien décrit
dans la pièce de théâtre. En attendant la grippe aviaire, de
l’auteur lausannois Antoine Jaccoud. C’est le dialogue d’un couple
suisse, enfermé chez lui pour cause de grippe aviaire, qui se voit
privé de nordic walking, de grillages sur les balcons et de promenades
en BMW décapotable. Enfin, c’est hilarant. Et probablement plus près de
la réalité que les actions de l’Office fédéral de la santé.
PETER ROTHENBÜHLER, Le Matin
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