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Textes-en-scènes / atelier d’auteurs de théâtre 2004
est une remarquable et salutaire initiative de la Société Suisse des
Auteurs (en collaboration avec Pro Helvetia, le Pour-cent culturel
Migros et l’association Autrices et Auteurs de Suisse). Jamais
auparavant une telle aventure n’avait été tentée en Suisse romande.
L’enjeu est d’importance! Les auteurs dramatiques sont invités à
déposer un projet d’écriture pour le théâtre. Un jury de professionnels
sélectionne quatre de ces propositions. Les heureux élus reçoivent
alors une bourse et partent en résidence à périodes régulières durant
cinq mois. Un dramaturge expérimenté et reconnu, l’auteur belge
Jean-Marie Piemme pour cette première édition, les accompagne dans la
construction et l’écriture de leurs pièces. Des théâtres, partenaires
de l’opération, obtiennent un soutien financier lors de la mise en
production de ces nouvelles écritures.
La création théâtrale contemporaine est un terrain essentiel à la
vitalité d’une région, d’un pays. Cette première livraison en est la
plus probante des démonstrations.
PHILIPPE MORAND, directeur de la collection Théâtre en camPoche
CLAUDINE BERTHET
En haut de l'escalier
Thomas,
un jeune homme hanté par son enfance et par le mystère entourant ses
origines, tente de renouer le fil qui le relie à son passé. Il entraîne
son amie et confidente Sophie dans des jeux ayant pour but d’éclaircir
les zones d’ombre qu’il ne supporte plus. Jeux dangereux et parfois
pervers. Une sorte de descente aux enfers orchestrée par un innocent,
la recherche d’une vérité impossible à saisir véritablement. De
cette quête désespérée, deux personnages se détachent alors : la mère
de Thomas – qui emportera dans la mort le mystère de sa vie – et son
grand-père, bien vivant, lui, qui est peut-être le seul à connaître la
vérité.
Quand Thomas se retrouvera en face de son grand-père, ce n’est pas à
une explication ni à une réconciliation qu’on assistera, mais plutôt à
une mise à mort.
Claudine Berthet. Née
à Genève, elle habite Lausanne et exerce la profession de comédienne.
Elle dirige également Arthéal, une école de théâtre pour adultes.
Auparavant, elle a également occupé des fonctions de co-productrice de
fictions radiophoniques contemporaines à la Radio Suisse Romande. Elle
écrit une première pièce Petits Gouffres qui reçoit en 2003 un
des prix décernés par la Société Suisse des Auteurs (SSA). La
réalisation de cette pièce à la RSR (par Patrick de Rham et elle-même)
a été couronnée par le Prix du Texte au Festival Radiophonies 2005,
ainsi que par le Prix Gilson 2005, (prix des radios publiques
francophones) catégorie fiction. En Haut de l’Escalier est sa deuxième pièce.
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NICOLAS COUCHEPIN
Les Yeux ouverts
C’est la guerre. Retranchés dans un bunker, deux soldats, un jeune
homme et un vieillard, surveillent le rideau d’arbres qui marque la
frontière avec le pays ennemi. Une explosion les précipite à terre. Les
deux hommes, blessés, peut-être mourants – mais si c’est le cas, ils ne
le réalisent pas encore –, reviennent sur leur existence passée en
évoquant les femmes qu’ils ont aimées. Au fur et à mesure de cette
évocation, ces dernières prennent vie et interviennent pour rendre
leurs derniers instants plus légers…
Nicolas Couchepin est né à Lausanne en 1960. Son premier roman, Grefferic
(Zoé 1996), obtient le prix Hermann Ganz de la Société suisse des
écrivains, le prix des Bibliothèques pour tous et il est l’un des 10
romans nominés au festival du premier roman de Chambéry. Le Sel,
(Zoé, 2000), obtient en 2001 le prix des auditeurs de la Radio suisse
romande. Nicolas Couchepin a également écrit plusieurs pièces de
théâtre, Chant des sirènes dans un océan de sable (Cahiers de la SSA,1999), L’antichambre aux crapauds,1999, La Griffure, 2001, Les Yeux ouverts, 2004, Interdit aux fauves, 2005.
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SANDRA KOROL
Salida
Création
le 30 mai 2006, au théâtre de l’Alhambra, à Genève, dans une
coproduction du Théâtre Le Poche Genève et de Textes-en-Scènes, une
action de promotion culturelle initiée par la SSA, soutenue par Pro
Helvetia, le Pour-cent culturel Migros et l’association Autrices et
Auteurs de Suisse (AdS) en partenariat avec les théâtres romands.
À
la suite d’une panne de voiture, Nahum se voit contraint de passer la
nuit dans un lupanar en compagnie d’un lascar du nom de Pato, de
Begonia, unique pute de l’établissement et de la tenancière du lieu, la
Comtesse. Cette dernière affirme qu’elle rendra l’âme au point du jour.
Entre rires et révoltes, elle exige des trois personnes présentes
qu’elles l’aident à mourir. Une nuit, un lupanar, un papillon aux
reflets verts et violets et des secrets qui remontent à la surface en
un tango amoureux. Salida, c’est la sortie, oui. Mais, pour peu que
l’on change de point de vue, c’est, aussi, l’entrée. Ce texte est une
réflexion sur nos mouvements de fuite, certes; sur nos mouvements de
vie, par-dessus tout. En cela, l’interrogation sur la mort n’est pas
morbide: elle rend la vie précieuse.
Sandra Korol naît
à Genève en 1975, d’une mère suisse et d’un père russo-argentin. Un
mélange des données de base qui la font pencher naturellement vers un
besoin profond d’éclectisme. Ainsi, après des études de philosophie, de
littérature anglaise et de droit à Fribourg, elle enchaîne avec une
formation professionnelle d’art dramatique au Conservatoire de Lausanne
dont elle sort en 1999. Dès lors comédienne de théâtre et de cinéma,
elle touche également à la mise en scène, enseigne le théâtre, œuvre en
tant que journaliste free-lance pour divers magazines, et travaille
pour la télévision suisse romande en culture et en divertissement.
L’écriture fait irruption dans sa vie par inadvertance presque, à la
suite de l’envoi d’un projet hypothétique dans le cadre d’un concours
lancé par la Société Suisse des Auteurs et la Radio Suisse Romande.
Sélectionnée, elle part en résidence aux Maisons Mainou, dans le canton
de Genève, et y écrit sa première pièce, Soledad, une dramatique produite par Espace 2 au mois de juin 2001. Elle poursuit avec la pièce Sismen,
jouée à Vevey en 2002, et, la même année, reçoit la bourse SSA de
soutien à l’écriture théâtrale contemporaine avec son projet 20 Petits Contes Miracles et un épilogue. En 2004, elle participe à la première version du projet Textes en Scènes et écrit Salida
sous l’égide du dramaturge Jean-Marie Piemme; quelques mois plus tard,
elle est lauréate du prix romand de littérature initié par le magazine Profil.Femme, avec la nouvelle RaNa.
Sa pièce KilomBo, publiée dans Enjeux 1, a été jouée avec un grand succès au Théâtre de Vidy, à Lausanne, en mars 2006.
En 2005, elle écrit la pièce Un temps pour tout qui est jouée au théâtre 2.21 à Lausanne par la Cie V.I.T.R.I.O.L. dont elle est l’une des co-fondatrices.
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CAMILLE REBETEZ
Nature morte avec œuf
Création
le 10 mai 2006, à la Maison des Arts Thonon-Évian, dans le cadre de
l’opération Colporteurs, une coproduction du Théâtre Le Poche Genève,
de l’Arsenic Lausanne, de Château Rouge Anemasse, de la Maison des Arts
Thonon-Évian, de la Cie Angledange et de Textes-en-Scènes, une action
de promotion culturelle initiée par la SSA, soutenue par Pro Helvetia,
le Pour-cent culturel Migros et l’association Autrices et Auteurs de
Suisse (AdS) en partenariat avec les théâtres romands.
Günther
von Hagens, le célèbre et non moins contesté plastinateur de cadavres,
approche l’homme le plus grand de Russie pour en marchander la future
dépouille. Le Russe, pétri de rhumatismes et dans une misère toute
post-soviétique, refuse néanmoins de lui céder les droits sur son corps
monstrueux. Nature morte avec œuf propose un bestiaire grotesque et
inquiétant inspiré de ce fait divers. Évariste y règle ses comptes avec
le Créateur en cherchant à mettre enceinte Violette la bossue. On ne
laissera pas à Violette, rebut de l’humanité, le droit de faire la fine
bouche. C’est à ce prix qu’Évariste parviendra peut-être à dire merde à
Michel-Ange. Dans Nature morte avec œuf, c’est les pieds dans la fange
que naissent les héros.
Camille Rebetez. Né à Saignelégier en 1977. En 2001, le prix théâtre de la FARB pour sa courte pièce Métaphysique de la Patate,
publié aux éditions de la SJE, oriente définitivement ses études à
l’UQÀM (Université du Québec à Montréal) vers l’écriture dramatique.
Lorsqu’il revient de Montréal en 2003 avec un baccalauréat en critique
et dramaturgie et une maîtrise en écriture dramatique, il délaisse les
grands centres pour s’établir à Porrentruy. Il y fonde le Théâtre
Extrapol avec de jeunes professionnels jurassiens. Auteur associé de la
compagnie, il écrit le textes des deux spectacles créés à ce jour, Comme un quartier de mandarine sur le point d’éclater, avec pour cadre les anciens fours à chaux de St-Ursanne en 2004, et Guten Tag, ich heisse Hans en tournée en 2005-2006 dans l’arc jurassien et la Romandie. Il écrit parallèlement Nature morte avec Œuf lors
de l’opération Textes en Scènes en 2004, puis reçoit une bourse
d’écriture théâtrale de la Loterie romande en 2005. Depuis 2005, il
enseigne également le théâtre à l’Ecole de Culture Générale à Delémont..
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Théâtre. Après six mois d’atelier d’écriture, des auteurs offrent à découvrir leurs œuvres samedi à Lausanne.
Premier acte pour quatre plumes enchantées à Vidy
Au
bout du labeur, la grâce peut-être. Sur le sol, quarante-cinq
feuillets. Sandra Korol, 29 ans, les a éparpillés dans la vaste chambre
du prieuré où elle cherche le sens d’un texte qui lui échappe encore.
En ce mois de novembre, à Romainmôtier, dans le bâtiment de l’Arc, la
nuit autorise toutes les fulgurances. La jeune femme, distinguée en
juin passé par un jury de professionnels pour participer avec trois
collègues à un atelier d’écriture théâtrale, se souvient qu’elle est
d’origine argentine. Elle enchaîne les salidas, sept pas qui
permettent d’entrer dans le tango. Et à chaque fois que le mouvement
commande de croiser les jambes, elle se fige sur une feuille. «Je
tombais sur les articulations délicates de la pièce.» Elle retouche ces
passages, redispose les éléments d’un drame titré Salida, à entendre par la voix d’acteurs chevronnés samedi au Théâtre de Vidy à Lausanne, comme les textes de ses camarades.
Écrire en dansant. Écrire surtout accompagné d’un maître aussi généreux
qu’inspirant: Jean-Marie Piemme. Cet écrivain belge est joué partout en
Europe. La Société suisse des auteurs (SSA), Pro Helvetia, le Pour-cent
culturel Migros et l’association Autrices et Auteurs de Suisse lui ont
proposé de diriger un atelier d’écriture dramatique d’un nouveau genre
sous nos latitudes. Directeur de la nouvelle collection Théâtre en
camPoche chez Bernard Campiche, Philippe Morand note: «On n’avait
jamais proposé jusqu’ici à un auteur d’une telle carrure de former des
collègues.»
Nouvelle dynamique
Cette ambition, Claude Champion, président de la SSA, la revendique. Et
il souligne que sept grandes scènes romandes, dont Vidy et Carouge,
sont partenaires de l’opération. «Les directeurs de salle passent à
l’acte. On peut espérer qu’une ou deux de ces pièces seront programmées
dans les trois ans à venir.» La SSA prévoit d’octroyer 20000 francs à
l’institution qui miserait sur l’inédit (le coût d’une production sur
une scène institutionnelle oscille entre 200000 francs et 600000
francs).
De juillet à décembre, à raison de cinq ateliers d’une durée de quatre
à cinq jours chacun aux Maisons Mainou dans la campagne genevoise et à
l’Arc à Romainmôtier, Jean-Marie Piemme fut un Pygmalion de rêve. Il
explique: «Loin de moi l’idée d’imposer une ligne, un modèle, comme
dans certaines écoles d’écriture américaines. Je ne voulais pas porter
de jugement sur les textes à la manière d’un professeur, mais faire un
voyage dans quatre têtes.»
Cette approche fait merveille. Tout comme Sandra Korol, la comédienne
Claudine Berthet, 27 ans, et le Valaisan Nicolas Couchepin, 44 ans,
affirment avoir franchi un cap décisif grâce à leur mentor. Claudine
Berthet: «Il m’a désinhibée.» Camille Rebetez: «J’ai perdu ma naïveté.
Il m’a initié à une technique de fabrication. À chaque fois que je
rendais une version de mon texte, j’avais le sentiment de faire un pas
en avant.» Nicolas Couchepin: «Il était comme un guide de montagne. Il
a fait le chemin avec moi.» Sandra Korol: «Devant nos brouillons, sa
question favorite était: «Ne penses-tu pas que tu peux trouver quelque
chose de plus éblouissant?»
ALEXANDRE DEMIDOFF, Le Temps
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Une scène pour les auteurs de théâtre
Création.
Quatre pièces, nées du concours lancé l’année dernière par la Société
suisse des auteurs, seront lues à des directeurs de théâtre samedi à
Vidy-Lausanne. Une première romande.
Ça
bouge dans le domaine de la création suisse de textes pour le théâtre.
Réunis pour la première fois au début de l’année dernière, les
Écrivains associés du Théâtre de Suisse francophone (EAT) ont organisé
en septembre un marathon de lecture d’une journée au Théâtre de Vidy.
Puis se sont rapprochés, en novembre, de leurs homologues alémaniques à
l’occasion d’un café littéraire qui s’est déroulé au Théâtre des Osses
à Givisiez. Pour affirmer leur présence (seuls 12 % des auteurs
vivants sont joués dans les théâtres de Suisse romande), ces créateurs
peuvent notamment compter sur la Société suisse des auteurs (SSA), qui
a en outre décidé de stimuler l’écriture de pièces.
Sept théâtres partenaires
Elle
a lancé l’année dernière le concours de création «Théâtre en scènes»
qui, avec le soutien du Pour-cent culturel Migros, de Pro Helvetia et
de l’association Autrices et Auteurs de Suisse, a offert à quatre
lauréats un atelier d’écriture assorti d’une bourse de 10000 francs.
Particularité du projet, sept théâtres romands en sont partenaires,
dont celui des Osses (Centre dramatique fribourgeois). Samedi
prochain à Vidy-Lausanne, leurs directeurs et représentants
découvriront, lus par des comédiens, les fruits des ateliers d’écriture
conduits par le dramaturge belge Jean-Marie Piemme: quatre pièces
signées Claudine Berthet, Sandra Korol, Camille Rebetez et Nicolas
Couchepin. Ces lauréats, sélectionnés parmi une vingtaine de candidats,
ont travaillé avec Jean-Marie Piemme quatre jours par mois, de juillet
à décembre dernier.
Ils espèrent que leur pièce sera choisie et créée par un des théâtres,
ce qui est le but de l’opération. L’institution bénéficiera alors d’un
soutien de 20'000 francs, et l’auteur d’une nouvelle bourse de 5000
francs qui lui permettra d’accompagner la naissance scénique de son
œuvre. «C’est la première fois que les grandes institutions culturelles
du pays rassemblent leurs énergies pour donner toutes ses chances (et
des moyens financiers) à la création de théâtre contemporaine en
Romandie», relève Christiane Savoy de la SSA.
Sandra Korol, 30 ans, née d’une père russo-argentin et d’une mère
suisse (qui vivent à Villars-sur-Glâne), est comédienne formée au
Conservatoire d’art dramatique de Lausanne. «Je n’ai jamais voulu être
écrivain», dit-elle, «l’écriture est vraiment venue me chercher.»
C’était en 2001, on lui suggère de participer à un concours de création
de pièces de théâtre radiophoniques lancé par la SSA (Espace 2 voulant
relancer cette production).
«Mon texte a été retenu, puis une jeune compagnie m’a commandé une
pièce.» En 2004, Sandra Korol remporte avec une nouvelle le Prix
littéraire du magazine Profil Femme.
Et la saison prochaine, une nouvelle pièce sera créée par une grande
institution romande (elle ne veut pas encore dire laquelle). Dans Salida,
qu’elle dévoilera samedi à Vidy, la jeune autrice fait se rencontrer
une femme qui va mourir et trois autres personnages auxquels elle
demande de l’aider à partir.
Entrer dans la danse
«J’avais
envie d’écrire quelque chose sur la mort», explique Sandra Korol. «La
mort non pas comme une sortie définitive et irréversible, mais comme un
passage vers quelque chose d’autre, une entrée, pour la personne qui
part et pour celles qui restent. Salida, en espagnol, c’est la
sortie, mais c’est aussi, dans le tango, le premier pas que l’on fait
toujours pour entrer dans la danse.» En tant que comédienne, Sandra
Korol écrit bien sûr en pensant au jeu, se demandant toujours «Est-ce
que ça peut fonctionner ou pas?» Le travail d’écriture avec Jean-Marie
Piemme, notamment sur la structure de la pièce, a été précieux. «J’ai
écrit de manière moins intuitive qu’avant.»
FLORENCE MICHEL, La Liberté
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Textes en scènes 2004
Le
29 janvier dernier au Théâtre Vidy-Lausanne, plus de cinq cents
spectateurs sont venus écouter les mises en lectures des auteurs
lauréats de Textes en scènes 2004: Claudine Berthet, Sandra Korol,
Camille Rebetez et Nicolas Couchepin. Formidable journée de théâtre:
découverte, dans une atmosphère à la fois attentive et enthousiaste, de
quatre nouvelles qui appellent metteurs en scène et théâtres pour que
nous puissions les voir prochainement en création: En haut de l’Escalier, Salida, Nature morte avec œuf, Les Yeux ouverts.
Au nom de ses collègues, Sandra Korol évoque les ateliers aux Maisons
Mainou et à l’Arc qui ont conduit ces écritures. Textes en scènes est
une action conjointe de la SSA, Pro Helvetia, le Pour-cent culturel
Migros, l’AdS, en partenariat avec sept théâtres romands. La vie a
cela de merveilleux qu’elle a toujours plus d’imagination que nous. En
conséquence de quoi, elle a le chic pour bidouiller des rendez-vous
d’une justesse bouleversante: celui du premier acte de Textes en scènes
se composait de deux grands gars, de deux petites bonnes femmes et de
quatre univers totalement différents! On aurait pu craindre le
contraire, tant le formatage est d’actualité, mais non… Quatre paroles
distinctes, quatre chemins particuliers et quatre envies précises pour
quatre voyages aux antipodes. Et c’est à cela qu’il faut peut-être
attribuer la première réussite de ce rendez-vous. Quatre planètes
originales, c’est la promesse de quatre conjonctions d’autant plus
formatrices qu’elles sont pacifiques, puisqu’à aucun moment ne se
rencontre le risque de fouler le même terrain. Et puis, surtout, la vie
a eu le bon goût de placer au centre de ce carrefour-ci une source
entièrement dédiée au ravitaillement des voyageurs. En milieu hostile,
c’est autour des sources que se déclenchent les guerres les plus
féroces. Surtout si la source en question ne crachote que de rares
gouttelettes et que les prétendants sont nombreux. Or, en six mois, la
source ne s’est jamais tarie, au contraire. Et voilà bien l’autre
réussite de ce projet.
En proposant Jean-Marie Piemme comme puits-guide et sage-femme (le
maître ne se doit-il pas d’amener l’élève à accoucher de ce qu’il sait
déjà?), il nous a été offert d’initier un dialogue placé sous le signe
de l’abondance, en cela fluide et pertinent. Pertinent, parce que tissé
avec un homme qui sait non seulement décortiquer le texte de théâtre et
en divulguer les secrets sans retenue, mais qui sait aussi l’écrire.
Parler écriture avec quelqu’un dont les doigts sont encore tout tachés
de l’encre de ses propres mots force le respect! Et puis, Jean-Marie
Piemme a cette sublime élégance de ne jamais railler l’univers proposé,
de s’attacher à n’en souligner que les incohérences évidentes de
fabrication, et tout cela dans le seul dessein de voir se dresser la
plus belle des architectures. Enfin, il a surtout cette génialissime
capacité à adopter la langue de l’autre, de sorte que la circulation
des hypothèses soit à la fois horriblement efficace et d’un humour
somptueux. Car ce grand petit bonhomme semble avoir compris, que
lorsqu’il s’agit de dire la vérité aux gens, il faut faire en sorte
qu’ils en rient. Sinon ils vous tuent. Une perspicacité désarmante et
délicieusement agaçante… On en redemande…
SANDRA KOROL
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À 31 ans, la dramaturge et comédienne a le vent en poupe. Rencontre avant la première à Genève de sa pièce Salida.
Sandra Korol, étoile mutante
Longtemps, elle a juré que jamais – au grand jamais – elle n’écrirait
pour le théâtre. Longtemps elle a dit qu’elle ne comprenait rien – mais
alors rien – à la mise en scène. Souvent, «six cents fois au moins»,
elle a commencé, puis abandonné, des journaux intimes. Mais, en marge
des planches, la comédienne Sandra Korol a la plume qui démange. Elle
écrit des lettres, des lettres d’amour, quand un jour l’une d’elles
prend la forme d’une nouvelle. Elle la soumet au jury d’un concours
littéraire. «J’étais très éprise et j’imaginais que si mon texte était
publié, j’irais offrir le livre à la personne concernée. Ce serait une monstre preuve d’amour.» Le jury n’a pas croché. Le dulciné on plus.
Trop tard, Sandra Korol s’était piquée au jeu et tentait bientôt sa
chance ailleurs. Sélectionnée lors d’un autre concours, la future
dramaturge s’installe en résidence aux Maisons Mainou de Genève. Elle a
un mois pour rédiger une pièce radiophonique. «À quarante-huit heures
de l’échéance, j’ai découvert ce qu’était un synopsis. J’ai écrit Soledad
en une nuit.» Voilà comment, quelques pièces, prix et bourses plus
tard, Sandra Korol se retrouve, à 31 ans, publiée et jouée à Lausanne,
Vevey ou Genève.
Tendance
On
dit même que c’est la tendance du moment. De nouvelles plumes, jeunes
et souvent femmes, sont en vogue dans les théâtres romands. Et chez
l’éditeur Bernard Campiche, qui lançait en 2004 une collection
consacrée à cette brochette de talents émergents. Pas grisée pour deux
sous, Sandra Korol tempère: «Une génération montante? Peut-être. Les
spécialistes ont toujours besoin de qualifier les phénomènes. Mais je
ne sais pas trop à quoi j’appartiens.» L’éditeur vaudois confirme
pourtant: «Pour le théâtre, la relève est là, c’est sûr. Sandra Korol
en est l’un des piliers. C’est rare de voir une personne si jeune avec
tant de moyens. À l’évidence, elle a un grand avenir.» Perché sur
les hauts de Lausanne, son trois pièces sent bon l’encens. Il est
meublé sobrement, lumineux, bien rangé. «Normal, c’est ici que je
travaille tous les jours.» Sur le mur, une photo de Fragile,
le film de Laurent Nègre où elle interprétait un rôle secondaire.
«J’étais morte de peur, pas parce que j’avais une scène d’amour avec
une femme, mais parce qu’il fallait jouer nue.» Plus tard, elle
confiera qu’elle n’a pas de plan de carrière. Qu’elle espère rejouer au
cinéma. Et se mettre au roman, un jour. Même si, pour l’heure, c’est
toujours le théâtre qui l’intéresse. «La pièce de théâtre est un texte
à trous. Il faut faire l’expérience du vide, de la concision. Parce
qu’une réplique doit condenser un ensemble de choses: le public, la
scénographie, la mise en scène. Dans un roman, au contraire, on peut
blablater.» Tout au plus, elle remarque qu’au fil de ses sept
textes, elle s’est forgé un style. («On me dit souvent que j’écris
comme les auteurs sud-américains») et que le thème du lien («Le lien à
soi, au souvenir, aux racines») revient souvent. «C’est une Lorca
moderne», s’enflamme Françoise Courvoisier, qui met en scène Salida
dès mardi à Genève –, une histoire de mort et d’exil sur fond de tango
argentin. «Son écriture est passionnément poétique, dense et intense, à
rebours d’une mode actuelle, très réaliste et ancrée dans le quotidien.»
Secrets
Une mère suisse alémanique mais d’origine tzigane, probablement. Un
père argentin, mais d’origine russo-roumaine. «Mon histoire familiale
est faite de fuites à répétition dont je n’ai aucune trace», raconte
Sandra Korol. Son père était un médecin aux idées humanistes et
révolutionnaires – «il est sorti avec la cousine du Che». Il s’exile à
Genève dans les années septante: la junte militaire argentine l’avait
inscrit sur sa liste. «Mon père ne nous a jamais parlé en espagnol. Il
n’est retourné en Argentine que vingt ans après son départ. En 2003,
j’ai rencontré mes cousins pour la première fois. On a le même humour.
Ils sont comédiens et écrivent, comme moi. Je crois qu’il y a des
secrets plantés dans la terre.»
Avant de découvrir les secrets de la terre – ou du ciel, c’est selon –,
Sandra Korol papillonne. Elle veut devenir psychanalyste, s’intéresse à
la criminologie. Lorsqu’elle rate sa demi-licence de droit, son rêve
d’enfant ressurgit. Elle s’inscrit en art dramatique au Conservatoire
de Lausanne. Elle y reste trois ans, avant d’être virée. «On m’a dit
que je n'avais rien à faire dans le monde du théâtre», sourit-elle, pas
revancharde, mais meurtrie peut-être. «Une telle sentence, ça vous
détruit. Mais la vie est faite de cycles. Quand l’un d’eux se termine,
c’est toujours violent. C’est un peu comme si on était dans le compost
et qu’on allait en ressortir différente. Finalement, tout cela a créé
en moi l’urgence d’écrire.»
La roue tourne. Gérard Diggelmann croit en elle et lui propose un
premier rôle et des heures d’enseignement dans son école de théâtre
pour enfants. Elle se met à écrire, co-fonde une compagnie. «On était
quatre nanas. On a décidé de s’attribuer nous-mêmes les rôles qu’on ne
voulait pas nous donner.» Dans un paysage contemporain où les femmes
sont souvent cantonnées aux rôles secondaires, Sandra Korol crée
«instinctivement» beaucoup de figures féminines dans ses pièces. «Pour
donner du travail à mes copines! Et parce que c’est l’univers que je
connais le mieux.»
Du travail à ses copines, et du plaisir au public. Tous les publics. «À
l’Uni, le discours était fort. On nous répétait qu’on était l’élite.
Mais je suis persuadée que le théâtre est un lieu où la parole est
apportée à ceux qui ne peuvent pas forcément lire. J’aimerais que
chacun trouve une porte d’entrée dans mes textes.» Elle insiste: «J’ai horreur
de sortir d’une pièce en me disant que je suis stupide parce que je
n’ai rien compris.» Mais, loin de camper sur ses certitudes, Sandra
Korol sait qu’elle a appris à cerner son univers «dans la douleur», en
définissant d’abord ce qu’il n’était pas. «Et puis, je ne suis vraiment
devenue adulte qu’à 30 ans. Ça fait seulement six mois que je suis en
paix avec l’écriture.»
RAPHAËLE BOUCHET, Le Courrier
L’éclosion d’un grand talent
C’est toujours un bonheur que de saluer l’apparition d’un nouveau
talent, et notamment lorsque celui-ci rayonne avec autant de
sensibilité et d’intelligence que celui de Sandra Korol, à la fois
comédienne de théâtre et de cinéma, metteuse en scène et auteure
dramatique. À ce dernier titre, la jeune Lausannoise (d’adoption,
puisqu’elle est née à Genève de père argentin aux origines
russo-roumaine et de mère alémanique de souche gitane) a déjà huit
pièces à son actif, dont la troisième, KilomBo, sera représentée dès le
7 mars à Vidy.
«J’ai toujours rêvé d’être actrice », nous confie Sandra Korol dans son
petit deux pièces-cuisine de jeune femme vive et nette, qu’on sent à la
fois ouverte et décidée, précise et réfléchie dans ses propos. Sans
l’ombre d’un complexe, elle se rappelle que c’est les représentations
d’«Au théâtre ce soir», à la télé, et les pièces de boulevard qu’elle
allait voir avec ses parents qui ont tissé sa première culture
théâtrale. De père médecin enfui d’Argentine dès le début de la
dictature - il n’eût pas manqué d’être arrêté pour ses positions
révolutionnaires -, Sandra Korol n’a pu aborder avec lui cet aspect de
son ascendance que sur le tard, avant un séjour en Argentine où elle
retrouva sa famille (dont plusieurs acteurs connus) et écrivit KilomBo… en deux semaines.
De solide formation classique (latiniste au gymnase fribourgeois de
Sainte-Croix, puis aux facs de Lettres et droit où la philo et la
criminologie - «pour comprendre la source du mal» - faillirent la
happer), Sandra Korol a retrouvé presque fortuitement le fil rouge de
sa première aspiration. Un examen raté coïncidant avec les
retrouvailles d’une amie devenue comédienne, une inscription de
dernière minute au Conservatoire, les rencontres de trois personnes
qu’elle reconnaît pour «maîtres» successifs (Gérard Diggelmann qui
l’engagea comme enseignante en son école de théâtre pour enfants,
Florence Heininger qu’elle seconda à l’émission «FaxCulture» et le
dramaturge Jean-Marie Piemme) ont marqué un parcours à la fois
tâtonnant et comme fléché par l’obscure logique des vraies vocations,
où les rejets (telle prof qui la déclara mauvaise comédienne, ou tel
metteur en ondes trouvant sa première pièce «de la m…») font parfois
office de stimulants, autant que le bon accueil (d’un Denis Maillefer
ou d’un Andrea Novicov).
L’écriture, à laquelle Sandra Korol ne toucha d’abord qu’en surface en
qualité de rédactrice d’articles dans la rubrique socio-psycho d’un
magazine, elle y plongea ensuite en un mois de frénésie pour en tirer Soledad,
pièce radiophonique diffusée sur Espace 2 en 2001. Dans la foulée, de
commandes en bourses et autres prix, ateliers et mises en scène, 6
ouvrages de théâtre ont vu le jour, la plupart du temps écrits dans
l’urgence, voire «sous dictée» comme le fut KilomBo. Si le
rendez-vous de la jeune actrice avec la gloire-minute, dans le dernier
film de George Clooney où elle était censée débiter deux paires de
phrases, est resté sans lendemain (la scène ayant été supprimée avant
le tournage…), son rêve d’enfant s’est réalisé avec Fragile
de Laurent Nègre, dans lequel elle tient le rôle de l’amie de la
protagoniste, aux côtés de Marthe Keller. «Lorsque j’ai vu le film
achevé, après une belle expérience humaine et artistique, j’ai ressenti
une joie qui n’avait rien de factice.» Comédienne ou auteur?
D’aucuns voudraient la classer dans une case ou l’autre, mais Sandra
Korol entend vivre la double condition, plus celle de la mise en scène,
ainsi qu’elle l’a assumée avec La femme comme champ de bataille au théâtre genevois du Crève-Cœur.
À l’orée de la trentaine, le talent de Sandra Korol lui ouvre de vastes
horizons, où le roman devrait également cristalliser bientôt les thèmes
qui la hantent: la mémoire, le lien, la filiation – cela même
qu’illustrent ses pièces à découvrir ces prochains temps et plus
précisément, après KilomBo: Salida en mai, au Poche de Genève.
«Salida
signifie à la fois la sortie et la mort, la fuite du père qui m’a
offert ma bi-nationalité, l’exil, mais aussi le premier pas dans la
danse et la renaissance, pour moi qui n’ai pas eu à fuir tout en
restant imprégnée de la réalité du déracinement»…
Madame Socrate au dépotoir
On pense à Beckett en lisant KilomBo, non tant pour l’écriture que du
fait de la situation dans laquelle se trouvent ses deux personnages:
reclus dans un souterrain rempli de détritus que ne cesse de cracher un
énorme vide-ordures. De quoi rappeler la « journée divine » de Winnie
et Willie dans Oh les beaux jours… Or Sandra Korol affirme n’avoir rien
lu de Beckett, et quelle raison aurions-nous d’en douter ? De fait, sa
pièce instaure, entre Gorda l’adipeuse aînée qui en sait un bout sur la
haine sévissant en surface, et Nena la plus jeune aspirant à sortir de
ce trou pour connaître enfin l’Amour, une relation initiatique très
particulière où cruauté et tendresse se mêlent. Comme chez Beckett ou
Pinget, l’horreur (Gorda et Nena ayant pour tâche de bouffer les
déchets du monde d’en haut) est en effet exorcisée par le rire, dans un
registre grinçant tout personnel qui va de pair avec le lyrisme d’une
langue superbe.
JEAN-LOUIS KUFFER, 24 Heures
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KilomBo, l’amour invisible
Vidy-Lausanne
– Sandra Korol affirme son talent de dramaturge avec une pièce dont
Nathalie Lannuzel signe la mise en scène. Grinçant.
Après la publication dans la nouvelle collection Enjeux de l’éditeur romand Bernard Campiche avec trois autres pièces de théâtre, voici la création scénique: KilomBo de Sandra Korol est à découvrir à Vidy-Lausanne où les comédiennes Jane Friedrich et Valeria Bertolotto lui donnent chair.
«L’histoire se déroule sous terre, dans une déchetterie exiguë. Elle
dure aussi longtemps qu’on le souhaite», indiquait l’auteure en
préambule. Sandra Korol a laissé Nathalie Lannuzel, choisie par le
théâtre, créer librement sa mise en scène. «Je n’ai pas voulu assister
aux répétitions», dit-elle.
Dans KilomBo,
il y a le parcours personnel de Sandra Korol. Née en 1975 de mère
suissesse et de père argentin aux origines russes, elle obtient son bac
au collège Sainte-Croix de Fribourg puis étudie notamment la
philosophie à l’Université de la même ville. Puis choisit le théâtre au
Conservatoire de Lausanne, dont elle sort diplômée en 1999.
Depuis elle joue (au théâtre et au cinéma), met en scène, écrit… et remporte des prix. Comme celui de Textes en scène, qui verra sa pièce Salida créée en mai prochain au Poche de Genève, KilomBo
a été écrite en 2003 à Buenos Aires, où Sandra Korol retrouvait une
partie de ses racines. Elle y a vu des misérables «cartoneros»,
individus ou familles entières, ramasser des cartons pour les revendre.
En espérant des jours meilleurs… Elle y a entendu le mot «quillon» qui
signifie pagaille, chaos.
Ainsi les deux personnages de KilomBo,
Gorda – la vieille – et Nena – la jeune – vivent sous terre et
recyclent, en les mangeant, les ordures déversées par le monde d’en
haut qui a sombré dans la violence. Dans un décor oppressant, à la fois
hyperréaliste et métaphorique signé Gilles Lambert, les deux femmes en
haillons attendent l’amour. Il s’appelle KilomBo, l’homme magique
qui a fait sentir à Gorda «l’odeur d’une étoile», avant de disparaître.
C’est pour le même que Nena compte les jours. Le même mirage. Il les
éloigne toutes les deux du lien, vrai celui-ci, qui les unit dans ce
souterrain. Si la mise en scène, en accentuant la couleur sombre et
grinçante de la pièce, étouffe les moments plus drôles de ce
tête-à-tête aux accents beckettiens, la richesse de l’œuvre reste
évidente.
FLORENCE MICHEL, Le Courrier
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Sinueuse sage sanguine
En
huit textes Sandra Korol propose une nouvelle façon de raconter la
folie des hommes. Le festival Février des auteurs a permis d’entendre
cette langue douce-amère à Neuchâtel. Une conteuse lucide.
Dans Cargo 7906,
le personnage écrit avec des sanguines. De la pulpe et du pourpre, du
jus et de l’hémoglobine. On reconnaît dans ce huitième texte de Sandra
Korol les plaies recouvertes d’argile et de sucre glacé que chérit
cette dramaturge originale et prolifique. Le public neuchâtelois a
découvert ce week-end, dans le cadre du festival Février des auteurs,
une manière de sculpter le langage où l’on ressent l’influence des
intrépides guerrières qui l’ont précédée comme Sarah Kane ou Elfriede
Jelinek. Mais qui dessine aussi en creux le portrait d’une trentenaire
ni nihiliste, ni idéaliste, qui fabrique de drôles d’objets scéniques.
Comme si elle trempait dans l’éther son univers doux-amer de Vaudoise
métissée par le tango et la Volga. Elle l’exprime différemment: «Je
plonge mes mains manucurées dans la boue.»
«Ma guerre sainte»
Dans
l’air du temps, Sandra Korol, peut-être… Parce que depuis 2001 ses
textes remplissent des salles prestigieuses comme Vidy et ravissent le
public comme la profession. La Genevoise Françoise Courvoisier qui a
mis en scène Salida en témoigne: «J’aime ses textes pour leur
souffle poétique et leur violence intérieure, leur rythme. Des
partitions musicales avec des qualités concrètes.» Efficace et à
fleur de peau, mais sans faire de concession, elle qui est aussi
comédienne refuse parfois de prendre position ou d’écrire des
chroniques: «Je m’engage profondément dans mon écriture. C’est ma
guerre sainte, je me sens parfois en guerre contre moi-même pendant la
création. Mais je me sens sereine, joyeuse, je ne suis pas révoltée, je
ne me promène pas avec un flingue dans les mains. Parfois les armes
silencieuses de la Suisse m’effrayent, la confusion entre être et
avoir, l’éclosion de la télévision, des magazines people, des gadgets.
De plus en plus jeune, on détruit l’attention des gens. J’ai juste
envie de leur dire «regarde ce qui se passe et tu découvres ce que tu
veux».
Elle loue la vocation des EAT, les écrivains de théâtre de Suisse: «En
tant que mauvaise administratrice j’admire leur travail structurel.
Mais je ne veux appartenir à aucune association d’écrivains. Je
trouverais très bien ma place dans l’association suisse des
végétariens, mais avec les auteurs je patauge. Quand j’écris, je ne me
pose jamais ces questions de public ou du rôle du théâtre que l’on
évoque dans les débats. Je me sens profondément liée à une terre qui
subit la folie des hommes.»
Dans Cargo 7906 elle écrit que «le vrai bonheur vous tombe dessus», et dans KilomBo: «Et l’âme cette conne d’âme, elle est capable d’attendre des siècles assise dans la boue de l’espoir avec des fleurs en toc.»
Miracles infestés
On
pense à Pipilotti Rist et Louise Bourgeois pour cette galaxie de
femmes, d’espace de rêve parfois noyé, broyé, déchiqueté par la force
des molaires. Mais Sandra Korol sait aussi raconter des histoires, vous
emmener dans un univers qui ressemble à la terre, mais qui surprend par
des décalages subtils, des contretemps. Quand le comédien Darius
Khetari s’est raconté pour se fondre dans l’univers de la dramaturge,
elle a d’abord séché: «Il m’a dit qu’il adorait les récits grecs, les
antihéros, la parole directe, les contes, New York et les hamburgers.»
Comme l’encre ne coule pas, elle part en Bretagne chez une amie: «Je me
suis nourrie de gâteaux au chocolat et d’objets ramenés par la mer.» Et
en deux jours, quarante pages apparaissent comme des miracles infestés,
comme des anges ravagés. Le comédien précise ensuite ses besoins, elle
retravaille. «Je coupe tout ce qui peut être joué. Je tisse des textes
à trous que d’autres artisans du théâtre remplissent, c’est la magie de
la vie.»
ALEXANDRE CALDARA, L’Express
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Camille Rebetez, le dramaturge romand récompensé en Suisse alémanique.
«Mon indignation permanente définit mon écriture.»
Porrentruy-Thoune
- La troupe jurassienne Extrapol a reçu le Prix suisse de l’innovation
2006 de l’Association théâtres-promotion pour son dernier spectacle.
Une distinction suisse alémanique pour le jeune dramaturge
franc-montagnard.
À 28 ans, Camille Rebetez commence sur les chapeaux de roue une carrière de dramaturge. Sa pièce «Guten Tag, ich heisse Hans» vient de recevoir le Prix suisse à l’Innovation 2006 de l’Association théâtres-promotion de Thoune.
Cinq ans à l’Université à Montréal pour passer une licence en critique
et dramaturgie, suivis d’une maîtrise en écriture: voilà pour la base
du jeune auteur. Retour en Suisse en 2003, où il s’installe à
Porrentruy et y crée avec la metteur en scène Laure Donzé – son épouse
– le théâtre Extrapol. «De retour du Québec, nous voulions faire
quelque chose à partir du Jura, avec des amis partis eux aussi se
former aux arts de la scène», explique l’heureux papa d’une petite
Alice, 1 an. Le deuxième spectacle de la troupe jurassienne, «Guten Tag, ich heisse Hans», est une parodie de la fameuse méthode d’apprentissage de l’allemand Vorwärts,
que nombre d’élèves romands des années 70 et 80 ont expérimentée. Les
répliques du jeune auteur ont fait rire des salles combles l’année
dernière en Romandie. «C’est assez paradoxal que cette pièce soit
distinguée en Suisse allemande alors que nous ne l’avons jouée qu’en
Suisse romande. La presse alémanique, et même allemande, a fait
largement écho à ce prix, alors que les médias de ce côté-ci de la
Sarine ont quasi ignoré l’événement. Mais il est vrai que nous sommes
jurassiens…», commente Camille Rebetez. Ce spectacle sera à nouveau sur
plusieurs scènes romandes cette année. «J’ai commencé d’écrire
vraiment à 22 ans. Mon travail avec Extrapol ne relève pas de la même
démarche que mon écriture personnelle», explique-t-il. Entre deux
spectacles, Camille enseigne le théâtre à l’École de culture générale
de Delémont, ce qui lui laisse encore le temps de poursuivre sa vie
d’écrivain. Sa dernière création, Nature morte avec œuf,
lui a valu l’année dernière d’être un des quatre lauréats du concours
organisé par la Société suisse des auteurs. Le texte sera bientôt créé
sur scène, au théâtre Arsenic de Lausanne. «J’essaie de faire
quelque chose d’un peu nécessaire. Mon indignation permanente définit
mon écriture mais je suis encore bien en dessous de la réalité.
J’écrirai des poèmes bucoliques lorsque le monde sera parfait», analyse
Camille Rebetez.
HÉLÈNE MOLL, Le Matin
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Le renouveau des scènes jurassiennes
Camille Rebetez ou le théâtre comme matière
Mais
combien sont-ils, ces Rebetez qui hantent nos allées et nos chroniques
depuis des lustres? On les voit partout, ou plutôt il y en a toujours
un qui se pointe à l’horizon du théâtre, de l’écriture, de la photo ou
de l’édition… Tous plus ou moins de la tribu, les Camille, Jérôme,
Eugénie, Augustin, Péan, Pascal et on en oublierait, fils, père, frère
ou sœur, cousin cousine, s’illustrant avec talent dans la pratique de
tel art.
Au carrefour de la vie et du théâtre
Et
ce Camille, justement, dont le prénom est désormais familier à la vie
culturelle de ce pays, ce Camille dont la haute silhouette le
préserverait de passer inaperçu en coulisse, celui-là commence à
dominer l’espace théâtral d’une bonne tête, en notre Jura et au-delà…
Ce jeune trentenaire est le compagnon de Laure Donzé qui forme au Lycée
cantonal où elle a succédé à Germain Meyer, des pléiades de futurs
comédiens. Ils se sont liés au Québec où il était allé la retrouver.
Mais c’est à l’Université de Montréal qu’ils boucleront, ensemble, une
formation théâtrale. Gageons que leurs deux filles, Aline et Émilienne,
entreront le moment venu dans la lumineuse filière.
Camille, avec le Théâtre Extrapol dont il est le cofondateur, a réalisé
à ce jour trois spectacles dont l’un au moins, au surprenant titre
allemand Guten Tag, il heisse Hans,
a connu un vif succès dans toute la Romandie. À côté des cours qu’il
dispense à Delémont, il prépare, dans la capitale, l’avènement des Jardins du Paradis qui feront bientôt les belles soirées d’été dont se régale, de millésime en millésime, un vaste public jurassien.
Création collective
Quand il aborde la scène avec son équipe, Camille Rebetez ne sort pas
de son cartable un texte prêt à l’emploi et qui aurait un air
définitif. De sa formation sur le continent américain, il a adopté
cette attitude consistant à se soustraire au préalable d’une pièce
toute écrite à la virgule. Le voilà dès lors abordant un espace
scénique avec une idée qu’il soumet au travail critique de son groupe,
qui lui donnera peu à peu son ton et sa forme. «Je ne suis pas
textocentriste » dit-il malicieusement. Ainsi, l’écriture de la
pièce n’est que le compte rendu d’un obstiné « travail au corps»
assumé en amont avec tout le matériau charrié par le groupe. Et il a
beau affirmer, notre auteur, (par bravade?) à ses pairs: «Le monde se
moque du théâtre et, quoi qu’en on dise, le monde continuera de tourner
de travers…»
Pratiquer un art dramatique avec la passion et la constance qu’on lui
reconnaît installe ce Rebetez à l’avant-scène où il s’exprime. Il fait
entendre un langage que les hommes depuis la plus haute Antiquité n’ont
pas cessé d’écouter avec avidité. Le théâtre est bien celui qui
s’élabore en un lieu et un temps donnés, ceux où décidément l’on «brûle
les planches».
ALEXANDRE VOISARD, Jura pluriel
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