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L’autobiographie
d’Alexandre Voisard explicite ce que les lecteurs de sa poésie ont
compris plus ou moins confusément ; elle nous conduit aussi à ce qui
est à la source : le rapport au plus proche pays natal, à sa terre et
aux créatures qui l’habitent, à la femme, à l’amour et à la mort, c’est
un rapport au Père, ou à ce qui en tient lieu rétrospectivement. Le
récit autobiographique ne s’étend guère au-delà du moment où notre
auteur commence à écrire, de sorte que les éclairages apportés par les
textes de circonstance (réponses à des enquêtes, témoignages et
hommages) le prolongent chronologiquement de façon décisive.
ANDRÉ WYSS, directeur de la publication
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Voilà tout Voisard
Les deux derniers volumes de L’Intégrale d’Alexandre Voisard sont là. Vite, en poche!
Vous vouliez retrouver Alexandre Voisard dans les chemins de ses
carnets et de sa phrase qui résonne au quotidien, vous l’attendiez dans
Le Calepin d’un flâneur sylvestre, vous
vouliez le revoir dans ses rencontres – Pierre-Olivier Walzer, René
Char, les peintres? Mais les voici rassemblées, ces pages, dans le
septième volume de son Intégrale qui paraît en poche.
Le huitième et dernier volume est traversé par cette merveille de texte, Le Mot musique ou L’Enfance d’un poète à quoi s’ajoutent d’autres écrits qui font entendre l’écrivain dans sa quête.
Dans l’heureux savoir et l’élégante pertinence, André Wyss préface ces volumes.
JEAN-DOMINIQUE HUMBERT, Coopération
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Un poète en version intégrale
Avec ces deux volumes, l’éditeur Bernard Campiche clôt la publication
de l’œuvre intégrale d’Alexandre Voisard, dans sa collection camPoche.
Et rend ainsi hommage à un poète majeur, qui rayonne bien au-delà de
son Jura natal et de la Suisse romande.
Intitulé Carnets & chroniques, le tome VII contient surtout Au rendez-vous des alluvions,
suite de «notes, esquisses d’écriture, notules, fragments, ébauches,
confidences, haïkus». Des carnets qui montrent le poète au quotidien,
attentif à la nature, aux «traces de faisan sur la neige fraîche»,
comme aux «violettes au bord du chemin». Pour «saisir les signes de
poésie, être attentif à ce qui clignote et reste cependant invisible».
Dans les textes épars qui complètent ce volume, on notera surtout les
beaux hommages rendus à Pierre-Olivier Walzer («mon maître, mon ami»)
ainsi qu’aux peintres Jean-François Comment, disparu en 2002 (que
Voisard qualifie de «félin lyrique») et Gérard Bregnard, mort l’année
suivante.
Le dernier volume de cette intégrale revient essentiellement sur l’enfance du poète, né à Porrentruy en 1930. Dans Le Mot musique (sorti
en 2004), il a raconté ses jeunes années au parfum de rébellion et
d’école buissonnière. Le futur poète découvre les mystères de la nature
avant de s’émerveiller devant Verlaine, Rimbaud, Éluard, Apollinaire…
Naissent alors un attachement pour cette terre, pour ce pays et une envie de liberté qui ne le quittera plus. Le Mot musique
prend aussi la forme d’un dialogue pudique avec son père: le livre
débute alors qu’on le conduit à sa «dernière demeure». Dans ces pages
superbes, Alexandre Voisard dit le regret de «tout ce temps qui a filé
entre nous sans que j’y prenne garde», avant de remonter vers son
enfance de «petit rêveur-marcheur». Suivent, comme en complément,
quelques textes de circonstance, émaillés de souvenirs et d’anecdotes,
de figures d’artisan, de mots patois et, pour finir, une savoureuse
rencontre avec un (presque) lecteur, à Paris. Partout dans cette œuvre
de haute tenue, on retrouve la limpidité du style, une manière
d’observer le monde avec une justesse qui n’exclut pas une douce
ironie, un goût pour les formes proches de l’aphorisme: «La forêt ne
reproche pas / à l’oiseau sa liberté.»
ÉRIC BULLIARD, La Gruyère
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L’éditeur
Bernard Campiche sort tour à tour les deux derniers ouvrages mettant un
terme à l’intégrale des œuvres complètes d’Alexandre Voisard en
camPoche et le superbe Bestiaire de Guy-Noël Passavant, un nouveau recueil de poèmes.
Alexandre Voisard continue de fouiller les mots en remuant ciel et terre
Alexandre
Voisard poète. La dénomination apparaît depuis belle lurette comme un
pléonasme. À considérer l’ampleur de l’œuvre, la cohérence de la visée
poétique, l’établissement d’une patrie littéraire qu’on a trop souvent
confondue avec une patrie politique – et pour cause puisqu’il
revendique encore et toujours son statut de poète de la libération du
Jura –, une intégrale telle que l’éditeur Bernard Campiche vient de
compléter avec les Nos 7 et 8 permet d’avoir une
vision claire de cet écrivain majeur, présenté par l’universitaire
d’origine jurassienne André Wyss.
Aveuglements fugaces
Pourtant collé à jamais à ses arpents de vers, l’écrivain ne cesse de
produire des livres. Comme si, par sa force renouvelée, chacune des
publications fragilisait l’auteur de la précédente. Restent à chaque
fois ces aveuglements fugaces sur des fonds de soleil couchant qui
n’ouvrent sur rien d’autre que sur l’instant et les mots eux-mêmes. Les
mots qui, chez Voisard, ne disent pas l’éternité mais retournent du
ciel à la terre. Inlassablement. À eux de renaître. Le poète y
retrouvera les siens. C’est ce que l’on découvre en lisant le recueil De cime et d’abîme paru l’an dernier chez Seghers et surtout dans Le Bestiaire de Guy-Noël Passavant, qui sort tout chaud de presse chez Campiche.
Le Prix Édouard-Rod
Le mois dernier à Ropraz, il a reçu une nouvelle distinction, le Prix
Édouard-Rod des mains de Jacques Chessex lui-même. C’est l’œuvre de
toute une vie qui est à nouveau couronnée. Une œuvre qui prend
naissance dans l’enfance du poète et qui puise sa sève dans les mots et
la nature, tous deux allant former un langage ininterrompu: «Toute
chose alors me parlait un langage dont je ne saisissais que des bribes
que j’entassais fébrilement et qui finirent par constituer un fonds
d’énigmes auquel, devenu homme, je mesure encore ma chance et mes
cadences», avoue-t-il dans son autobiographie rééditée dans l’intégrale
(collection camPoche).
La bestialité de l’homme
«Un
jour, j’hésite sur les sentiers des bêtes, comme le cosaque qui doute
soudain de sa monture après tant de chevauchées communes», renchérit-il
dans ses Carnets et chroniques, No 7 de la même
collection. On y puise cette manière de versifier en vers libres, ils
contiennent la force du haïku, plus librement. On y puise aussi le sens
de la couleur, une autre caractéristique de l’écriture flamboyante de
notre poète: «Le rouge du sureau, au-dessus de la mer des orties,
braille et fait tache.»
C’est aussi sur un fonds d’énigmes que démarre Le Bestiaire de Guy-Noël Passavant,
ce dernier étant un vague anachorète vivant dans une cabane et
qu’Alexandre Voisard explique avoir rencontré dans sa jeunesse. À sa
mort, il en aurait retiré un carnet de poèmes délavés, presque
illisible, lacunaire. Au poète vivant de le compléter en une poésie
«infiniment en devenir». Une manière de s’interroger sur sa propre
nature d’homme et de poète. Une nature bestiale, car «De la bête à
l’homme / il n’y a pas de gouffre / ni entre les deux / de jungle
hostile / en vérité il n’y a qu’un pas / un pas de géant posé / dans un
limon de patois / où barbota l’ange amnésique». Alexandre Voisard
serait-il le dinosaure du Jura? Il n’en livre pas moins ses rumeurs
intérieures, ses «sourdes imprécations» et il ne dit ce qu’il pense
«qu’à ceux qui peinent sur mon jargon». Et son jargon devient chant
pour la fin du temps. Ses «Portraits d’oiseaux» sonnent comme les
harmonies insolites du compositeur Olivier Messiaen et ses Sept livres du catalogue des oiseaux.
Après les quinze poèmes de «De la bête à l’homme», quinze autres disent
les notes du haut: la pie, l’alouette, le geai, la fauvette, la
faisane, les corneilles, la mésange, le serin, le rossignol, la
perdrix, le coucou, le verdier. Et le faucon captif: «Le bleu du ciel /
retient captif le faucon / sa seule proie son seul bien / dans ce néant
d’azur / et l’oiseau garde sa salive / et son cri pour un juste /
retour des choses.»
Du ciel à la terre
Un retour à la terre et ses fourmillements. Les «Aléas des limons» sont
des poèmes pleins de sucs et de mouvements où les fourmis sont en
pèlerinage et le hanneton «un fraternel pèlerin». Alexandre Voisard
fait du terreautage avec les mots. Il propose une mystique du compost.
Chez lui, pas de grandes errances, il n’est pas du voyage fondateur des
grandes religions. Il débande avec l’escargot, il trafique avec «la
population des bouses»; et s’il existe un ciel, il reste à hauteur de
fleur pour soupirer: «Quoi que tu dises au bourdon / qui gagne avant
toi / les faveurs de l’étamine / tu seras toujours en retard / d’un mot
sur le psaume du serpolet / qui devine le fou entre les sages / dans la
confuse cohorte des saints / égarés entre complies et matines.»
En surface, le loup, le renard et la belette apparaissent, dans «De la
biche au loup», comme des blasons pour consolider le remords, fixer la
douceur des ans, souligner «le tranchant et l’aigu / de notre propre
langue».
Dans les derniers poèmes des «Travaux ailés», il est encore question du
ciel, mais c’est pour donner avec l’alouette «la plus haute octave du
miroir». L’octave ne sera toujours en effet que son propre miroir sur
l’échelle du haut et du bas. Le ciel, chez Voisard, se mire dans la
terre. Si la grande inversion annoncée en début d’ouvrage alors que «Le
coq chante si haut / que l’étoile du berger / en tombe de son lit /
tandis que la lucarne du toit / tout à coup s’ouvre à l’envers / dans
un vacarme de tuiles courroucées», c’est que, justement, le poète règle
ses comptes avec la vie sublimée, la transcendance. «…toi qui attends
de la vie / des signes plutôt que des fruits / plutôt que des
pourboires», s’exclame-t-il. Et il remue ciel et terre pour se faire
entendre. Avant de retrouver la Terre Mère.
YVES-ANDRÉ DONZÉ, Le Quotidien jurassien
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