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La science-fiction suisse? Jamais entendu parler!
Et pourtant, depuis longtemps, la littérature suisse romande s’est
livrée au jeu des fictions spéculatives. Comme ailleurs, des auteurs
curieux ou perspicaces se sont posé des questions sur l’avenir, les
rapports de la science et de la société, les dangers technologiques,
les dérives totalitaires, la vie sur d’autres planètes, la réalité
virtuelle ou les délires temporels. Auteurs célèbres, réputés ou
oubliés ont exprimé leurs craintes, leurs angoisses ou leurs espoirs
par le biais de romans ou de nouvelles.
Composé par Jean-François Thomas, ce recueil est la première anthologie
historique de la science-fiction suisse romande. De 1884 à 2004, elle
donne à lire des récits qui appartiennent tous au domaine de la «
conjecture romanesque rationnelle ».
Avec des textes de Léon Bopp, Bernard Comment, Marie-Claire Dewarrat,
Michel Epuy, Roger Farney, Gabrielle Faure, Jean Villard Gilles, Rolf
Kesselring, Claude Luezior-Dessibourg, Sylvie Neeman Romascano, Georges
Panchard, Wildy Petoud, Jacques-Michel Pittier, Odette Renaud-Vernet,
Édouard Rod, Noëlle Roger, Albert Roulier et François Rouiller.
JEAN-FRANÇOIS THOMAS, directeur de la publication
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Un aperçu de l’ouvrage
Préface, par Jean-François Thomas
Édouard Rod L’Autopsie du docteur Z*** (1884)
Michel Epuy Anthéa ou l’étrange planète (1918)
Roger Farney Les Anekphantes (1931)
Albert Roulier La Grande Découverte du savant Isobard (1938)
Léon Bopp Une fable (1940)
Noëlle Roger Les Secrets de Monsieur Merlin (1949)
Jean Villard Gilles Le Feu de Dieu (1950)
Soucoupes volantes (1954)
Les Surhommes (1957)
Les Soudards (1962)
Gabrielle Faure Homo Ludens (1979)
Odette Renaud-Vernet Ce jour-là (1979)
Jacques-Michel Pittier Ego Lane (1980)
Wildy Petoud La Maison de l’araignée (1986)
Rolf Kesselring Martien vole (1988)
Marie-Claire Dewarrat Le Trou (1990)
Bernard Comment Château d’eau (1998)
Claude Luezior-Dessibourg Granules (2001)
Sylvie Neeman Romascano Mais aussi un cadenas, des menottes, une bille et un désir (2003)
François Rouiller Délocalisation (2004)
Georges Panchard Comme une fumée (2004)
Les auteurs, par Jean-François Thomas
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Jean-François
Thomas est né en 1952 à Lausanne. Marié, père de deux enfants, il
exerce la profession de formateur d’adultes et travaille actuellement
dans la réinsertion professionnelle après avoir exercé son activité
dans le milieu bancaire. D’abord bibliothécaire, il a obtenu ensuite
une licence en lettres à l’Université de Lausanne. Critique spécialisé
en littératures de l’imaginaire (science-fiction, fantastique, fantasy),
il exerce son activité dans les pages du quotidien 24 Heures depuis 1988, ainsi que dans celles du Passe-Muraille et de la revue spécialisée Galaxies (France). Auteur, il a publié une dizaine de nouvelles, essentiellement dans des anthologies comme Îles sur le toit du monde (Archipel, No 24, 2003), Moissons futures (La Découverte, 2005), ou Ténèbres 2007 (Dreampress.com, 2007). À l’aise aussi dans le récit policier, il est l’auteur d’une pièce radiophonique Le Crime du compactus (1982) et a obtenu un prix pour sa nouvelle Une, deux, trois… dans le recueil Petits meurtres en Suisse
(Zoé, 2005). Il a déjà consacré plusieurs études à la science-fiction
suisse romande, dont il est un spécialiste reconnu. Enfin, il préside
depuis 2002 le conseil de fondation de la Maison d’Ailleurs, le musée
de la science-fiction, de l’utopie et des voyages extraordinaires
d’Yverdon-les-bains.
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Arpenteurs de chimères
Parlez
de science-fiction à l’ex-éditeur Rolf Kesselring et c’est comme s’il
retrouvait une ancienne maîtresse... Évidemment, quand Bernard Campiche
publie une anthologie historique de science-fiction suisse romande,
l’homme bondit!
La SF (Science-fiction) est un
genre littéraire que j’ai adoré et que j’aime encore, même si, depuis
quelques années déjà, je n’en édite plus et n’en écris plus non plus.
Alors lorsqu’un aficionado suisse décide de produire une anthologie
historique de SF suisse romande, je ne pouvais que m’y intéresser et
tenter de vous en parler pour aiguiser, ainsi, votre curiosité.
Un éditeur, un anthologiste et dix-huit auteurs
Ce qui m’a le plus étonné dans cette affaire, ce fut de voir ce volume
anthologique publié par un éditeur comme Bernard Campiche. Quoi! Est-ce
que cela voudrait dire que, désormais, les mauvaises lectures d’antan
auraient conquis leurs lettres de noblesses littéraires? Alors on peut
en déduire que, comme le disait Bob Dylan, «Les temps changent». Et
c’est tant mieux.
Pour réussir ce travail de compilation, il fallait un Jean-François
Thomas, une espèce d’extraterrestre, que j’avais croisé, un jour, au
seuil d’une porte spatio-temporelle ou dans une dimension inconnue. Je
ne sais même plus dans quelle époque des temps cosmiques je l’ai vu
pour la première fois. Bref, il fallait un Jean-François Thomas pour
tripatouiller l’histoire de la Suisse romande.
Afin d’épaissir le volume, de lui donner une bonne prise en main, il a
réuni dix-huit auteurs, d’Edouard Rod à Marie-Claire Dewarat, en
passant par Albert Rouiller à François du même nom, de 1884 à 2004.
Sans parler d’un certain raton-laveur galactique qui m’étonna
moi-même...
Un étonnement cosmique
Je
n’ai jamais vraiment compris les frontières entre les pays. Il y a
longtemps, lorsque j’étais encore un môme, mes premiers ébahissements
émerveillés, mes premières surprises délicieuses, ont eu, comme
origines, les différences culturelles. De pays à pays, de contrée à
contrée, je me suis bâti assez peu patriote. C’est ainsi que
jamais, en ce qui me concerne, je n’ai mis une nationalité à un
artiste. Un peintre est un peintre, un musicien reste un musicien et un
écrivain demeure d’abord un écrivain. Simplement. Globalement.
Universellement.
Tout cela pour dire que j’ai, aussi, beaucoup de mal à comprendre
comment on peut relier des raconteurs d’histoires, des auteurs, des
artistes, par une nationalité ou par un pays (une région) où ils
seraient nés.
Apparemment Jean-François Thomas ne pense pas comme moi. Il a donc,
dans son anthologie de SF, composé un choix d’auteurs bien de chez lui,
selon cette notion d’appartenance à une région, un pays, un continent,
ou même une galaxie. Je me demande si cette manière de concevoir notre
monde ou l’univers ne provoque pas de facto un effet pervers à
connotation peut-être xénophobe... Je sais, je sais! Je suis un mauvais
esprit. Donc, avant, je ne savais pas qu’il existait une
science-fiction suisse, maintenant je suis un peu plus intelligent.
Le patriarche Pierre Versins
Pour comprendre les raisons qui ont poussé Jean-François Thomas dans sa
démarche, il convenait de lire sa préface. Dès les premières lignes, il
me prouve qu’il a ressenti le même malaise que moi.
Il écrit: «Une anthologie de science-fiction suisse romande. Voilà un
projet qui peut sembler bizarre et incongru. Trouverait-on aussi, dans
nos contrées, des auteurs assez farfelus pour se livrer à l’exploration
d’espaces imaginaires sans craindre la mauvaise réputation attachée à
ce genre de littérature, dont aucune étude littéraire en Suisse romande
ne parle, si ce n’est au détour d’une phrase ou d’une note égarée en
bas de page?»
Alors, Jean-François Thomas, en homme méticuleux, s’est livré à une
compilation de dix-huit auteurs qui vécurent dans notre région et qui
donnèrent des textes sur une période de plus d’un siècle.
Son outil de travail, poursuit-il, fut l’énorme travail de Pierre
Versins, feu pape de la science-fiction, publié par les Éditions de
L’Âge d’homme et intitulé: «Encyclopédie de l’utopie, des voyages
extraordinaires et de la science-fiction».
Cet ouvrage monumental comporte 997 pages, pèse plus de trois kilos et
a coûté des années de travail à ce petit homme frêle et pugnace
qu’était l’ami Pierre. Je le sais, il habitait chez moi, à
Montagny-sur-Yverdon (période transitoire dans la vie d’un pape!),
lorsqu’il y mettait la dernière main. C’est sur son utopique
collection, donnée à la ville d’Yverdon-les-Bains, que s’est construite
la Maison d’Ailleurs.
Un travail utile pour l’imaginaire
Bien que je déteste que l’on classe les artistes par régions, pays,
nationalités de toutes sortes, je dois reconnaître que le travail de
Jean-François Thomas m’a été utile. À plus d’un titre, d’ailleurs.
J’ai appris plein de chose sur des auteurs tel qu’Édouard Rod dont je
me souvenais du splendide texte intitulé «L’ombre s’étend sur la
montagne». Un texte que m’avait fait lire un grand-père attentif à mes
lectures d’enfance. Alors, la nouvelle que notre anthologiste m’a fait
découvrir (L’Autopsie du docteur Z***) m’a offert une très agréable surprise de plus.
Et puis, je me suis jeté sur les textes de l’homme de Saint-Saphorin,
le célèbre Jean-Villard Gilles. Hors la poésie chansonnière, normale
chez cet homme, je me suis régalé en lisant, par exemple ces quelques
vers :
Jouez pas avec les planètes
C’est bête, c’est bête!
Faut pas jouer avec le feu
Bon Dieu d’bon Dieu
À l’instar de ce cher Desproges et rendu à ce point de mon article je m’écrie: «Prémonitoires, non?»
Il aurait fallu que je cite tous les auteurs qui apparaissent dans ce
recueil. Il aurait fallu que je dise le plaisir de lecture ou de
relecture de Gabrielle Faure ou de Georges Panchard, mais la place me
manque. Mauvaise excuse, je vous l’accorde!
Pour conclure, je ne vous parlerai sûrement pas du texte d’un certain
raton-laveur qui se trouve dans cette anthologie. Texte issu d’un
recueil écrit en 1968 et republié par l’éditeur Pierre-Marcel Favre en
1988.
Pour en savoir plus procurez-vous cet ouvrage qui vous fera entrevoir une autre Suisse romande et quelques étoiles...
ROLF KESSELRING, Swissinfo
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Sur nos monts, les ovnis.
En Suisse romande, la science-fiction se porte bien depuis longtemps.
La Suisse nourrit à l’égard de la planète Mars un complexe
d’infériorité. Comme si, à l’heure du grand partage, l’Amérique avait
eu le rock et la science-fiction, et nous autres la vache et le cor des
Alpes. Ces inhibitions sont grotesques. Même Gilles a chanté les
Soucoupes volantes, ainsi que le rappelle Défricheurs d’imaginaire.
Cette anthologie de la science-fiction romande réunit dix-sept
nouvelles exprimant la vitalité et l’imagination des écrivains
conjecturaux helvétiques qui, aux voyages spatiaux et aux robots,
préfèrent la dystopie et l’apocalypse – parfois toute simple: c’est
comme un jour, y a plus de troisième top...
En 1910, Édouard Rod invente une machine à décoder les pensées post
mortem, en 1918 Michel Epuy envoie un explorateur sur Anthea, la
planète pétrifiée. Aujourd’hui Wildy Petoud imagine une maison à
translation quantique et Georges Panchard la trajectoire d’un citoyen
dangereux à force d’être anodin.
ANTOINE DUPLAN, Payot
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De la science-fiction suisse!
Plus
de deux cents titres, voilà pour la production suisse romande de
science-fiction, selon Jean-François Thomas qui a dirigé cette Anthologie historique de science-fiction suisse romande.
Si l’idée peut étonner de prime abord, elle s’avère excellente
puisqu’elle permet de découvrir des auteurs oubliés ou de redécouvrir
des noms connus sous un angle peu usité. Elle offre aussi une
compréhension particulière de l’emploi de la science-fiction dans le
contexte historique de chaque époque, particulièrement pendant
l’entre-deux-guerres puis dans la mouvance de Mai 1968.
Jean-François Thomas a retenu des textes de dix-huit auteurs allants
des pionniers aux contemporains. Mais il complète ce choix par une
préface retraçant bien utilement l’histoire de la science-fiction
helvétique. On y trouve ainsi la mention d’un écrivain hors norme, Léon
Bopp, malheureusement complètement oublié, ou encore le rappel du roman
Soft goulag
d’Yves Velan, qui a fait date dans les lettres romandes. Oui,
l’anticipation, les rapports de la science avec la société, la réalité
virtuelle, les dangers technologiques ou encore les dérives
totalitaires sont des thèmes traités par les écrivains d’ici.
JACQUES STERCHI, La Liberté
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Les auteurs romands en quête d’Outrepart
Spécialiste
bien connu de science-fiction, président du Conseil de fondation de la
Maison d’Ailleurs, Jean-François Thomas a conçu et préfacé
substantiellement cette magnifique anthologie de science-fiction, digne
des grands recueils made in USA. Cent vingt ans de science-fiction
suisse romande en cinq cents pages, qui l’eût cru? Et qui eût cru se
passionner pour la lecture de ces vingt et un textes?
L’auteur est de ces passionnés qui surgirent autour du maître Pierre
Versins, auteur de la prodigieuse encyclopédie de la SF parue à l’Âge
d’homme, qui légua sa fabuleuse collection à l’institution
d’Yverdon-les-Bains. Laissant de côté des romans par dizaines,
l’anthologiste se borne, dans ce gros recueil, aux nouvelles.
J’ai redécouvert avec plaisir le récit d’Édouard Rod, auteur symboliste
qui revient (très) gentiment sur le devant de la scène et celui de
Michel Epuy dont le narrateur visite une comète découverte par mon
ancêtre, l’illustrissime savant Lador. Il fallait, avant la
globalisation, une stimulation pour que les auteurs s’attaquent à la SF
et qu’ils soient publiés, une mode et il y en a eu plusieurs vagues que
l’auteur détaille dans son introduction éclairante. On ne lit plus
guère Léon Bopp ni Noëlle Roger qui connurent leur heure de gloire et
que l’on retrouve ici avec plaisir.
J’ai découvert avec émerveillement le texte de Roger Farney, Les Anekphantes,
entendez les non-révélés, les imperceptibles, qui sent son nouvel âge,
tentative réussie et difficile de peindre une espèce de vie parallèle
aussi différente que possible, pure énergie, éternelle, indécelable, et
sa découverte… des hommes. De nombreux contemporains ont abordé le
genre, la littérature romande jamais ne fut enclavée. Plusieurs sont
édités à Paris, Sillig, Panchard, sans compter les nouvelles dans la
revue Galaxies.
Ce sera l’occasion pour le lecteur de découvrir parfois que ses auteurs
favoris ont écrit de la SF qu’il a lue peut-être à son insu, comme une
curiosité, alors qu’il s’agit d’une façon détournée et efficace
d’aborder la réalité. Citons Gabrielle Faure, Odette Renaud-Vernet,
Marie-Claire Dewarrat, Sylvie Neeman Romascano, auteures littéraires
bien connues, ajoutons celle qui mériterait de l’être, Wildy Petoud, à
la pointe, dans cette nouvelle, de ce qu’on nomme la fiction
spéculative la plus déjantée, ne serait-ce que pour montrer que les
femmes écrivent aussi de la SF.
Beaucoup d’humour, en particulier chez Rolf Kesselring, Bernard
Comment, une maîtrise parfaite chez François Rouiller et Georges
Panchard, pro de la SF.
N’oublions pas quelques poèmes-chansons satiriques de Gilles.
Enfin dix-huit auteurs qui vous feront passer quelques heures agréables
en vous démontrant que la Suisse romande compte des écrivains
remarquables même dans ce genre humain, trop humain qu’est la SF.
Un petit dictionnaire pour auteurs, utile pour jeter des passerelles
entre SF et littérature générale, ce que les Anglo-Saxons appellent mainstream, et mieux situer les choses, conclut le volume.
PIERRE-YVES LADOR, Le Passe-Muraille
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À l'heure où la SF française tente de s'ouvrir de nouvelles perspectives avec Retour sur l'horizon,
la SF suisse se souvient de son passé. Le sous-titre de cette
anthologie ne laisse en effet guère place au doute: «une anthologie
historique de science-fiction suisse romande». Historique étant à
prendre avec un double sens: il s'agit en effet d'un volume présentant
l'histoire de la SF suisse romande depuis le premier texte que
l'anthologiste, Jean-François Thomas, situe en 1746, jusqu'à nos jours;
mais il s'agit aussi de la première anthologie à être ainsi constituée,
et non seulement d'inédits, comme les trois qui l'ont précédée. Car
oui, cela peut surprendre, mais la SF suisse romande représente un
corpus assez limité: 4 anthologies, donc, mais un volume d'environ 200
livres au total, ce qui, convenons-en, fait peu. Mais cela suffit pour
en extraire des chefs-d'œuvre, des textes importants, et des auteurs
majeurs. C'est ce à quoi s'attelle Jean-François Thomas dans sa très
convaincante préface: brosser un tableau aussi complet que possible des
auteurs, des œuvres, des thématiques et des spécificités de la SF
suisse romande. Thomas ayant conclu en 1985 ses études de Lettres par
un mémoire sur le sujet, son avis fait autorité. Complet, son panorama
se complète en fin d'ouvrage d'un dictionnaire des auteurs retenus
particulièrement fouillé. Rien que pour ça, Défricheurs d'imaginaire vaut l'achat.
Mais venons-en aux textes: 18 auteurs, pour 17 nouvelles et 4 chansons
(de Jean Villard dit Gilles) qui s'étendent de 1884 à 2004. Avec
quelques noms connus (Rouiller, Panchard, Petoud, Kesselring), et
beaucoup d'inconnus.
Le début de l'anthologie se compose d'histoires au charme suranné:
l'autopsie d'un mort dont le cerveau survit une dizaine de jours au
décès physique (Édouard Rod), une visite à une planète étrange (Michel
Epuy, pour un magnifique texte déjà sélectionné par Serge Lehman pour Chasseurs de Chimères),
ou les effets pervers d'une bonne prévision météo sur la population
(Albert Roulier). Mais c'est le récit de Roger Farney, «Les
Anekphantes» qui surprend: la description très fouillée et très réussie
d'une espèce résolument autre... pour une nouvelle écrite en 1918! Et
comme le sujet d'étude de cet extra-terrestre se trouve être l'Homme,
cela se double d'une réflexion passionnante sur la nature humaine.
Ébouriffant.
Viennent ensuite les deux écrivains majeurs de la SF suisse: Léon Bopp, auteur du monumental Liaisons du monde
(1938-1944) avec une fable sur la course aux armements, et Noëlle
Roger, qui publia essentiellement entre les deux guerres, dont le
personnage découvre la télévision et les ondes longue distance.
Après que Gabrielle Faure nous ait présenté un futur pas drôle du tout
où le rire est obligatoire, Odette Renaud-Vincent nous fait vivre une
fin du monde suisse, sans effet spéciaux. L’humour prend ainsi ses
aises, ce que confirme le conte de la création – revisité façon texte à
chute de Fredric Brown – de Jacques-Michel Pittier. L’hommage à
l’auteur américain est encore plus apparent dans la nouvelle de Rolf
Kesselring, où un Martien minuscule tente de venir en aide à un voleur
pour mieux l’envoyer en prison. Mais le mieux, en matière d’humour, est
à venir avec «Château d’eau» de Bernard Comment, où la Suisse, source
de 4 fleuves européens importants, décide par mesure de rétorsion de
couper l’écoulement de ceux-ci... de telle sorte que le niveau d’eau
monte peu à peu jusqu’à inonder le pays! L’humour, délicate qualité
suisse, imprègne ainsi régulièrement la SF de ce pays et donc le
présent ouvrage.
Ailleurs, on aura pu relire avec plaisir Wildy Petoud, auteure
exigeante, styliste accomplie, comme le prouve ce texte déjanté, son
premier publié, mais qui a malheureusement eu une carrière assez
météorique et a depuis complètement disparu. La nouvelle de
Marie-Claire Dewarrat sur une population enterrée qui revient à la
surface contient ce qu'il faut de moments poignants pour faire oublier
qu'on a déjà lu ce type d'histoire mille fois. Enfin, les quatre
derniers textes nous permettent de passer au XXIe siècle: Claude
Luezior-Dessibourg, avec son récit de pilules qui révolutionnent la
société, et Sylvie Neeman-Romascano qui nous gratifie d'un long poème
en prose en forme de lettre. François Rouiller confronte un journaliste
cynique à la recherche du scoop à une famille marquée par une tragédie
liée aux dons de télékinésie de la fille et Georges Panchard réussit le
mélange entre L'homme invisible de H.G. Wells et Dead Zone de Stephen King.
Au final, mission accomplie (avec les félicitations du jury) pour
Jean-François Thomas: son anthologie dresse un bilan flatteur de la SF
suisse, en nous donnant à lire quelques très grands textes, et en
levant le voile sur ce continent quasi-inconnu qu'était jusqu'à présent
la SF suisse romande.
BRUNO PARA, http://www.noosfere.org/icarus/livres/niourf.asp?numlivre=2146572741
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Existe-t-il
une science-fiction suisse? On concèdera bien volontiers que depuis la
création de la Maison d’Ailleurs, musée unique en son genre, la Suisse
est devenue une terre de science-fiction. Mais s’il fallait à la
plupart d’entre nous citer cinq écrivains helvètes ayant contribué de
manière notable à la S-F francophone, nous serions sans doute
passablement embêtés. L’anthologie de Jean-François Thomas vient à
point nommé pour combler cette lacune en proposant un survol
chronologique du genre s’étendant sur plus d’un siècle, de 1884 à 2004.
Les premiers textes figurant au sommaire de Défricheurs d’imaginaire sont sans doute les plus intéressants, et pas nécessairement pour leur rareté. On retrouve d’ailleurs parmi eux «Anthéa ou l’étrange planète» de Michel Épuy (1918), nouvelle précédemment exhumée par Serge Lehman pour son passionnant Chasseurs de chimères (Éditions
Omnibus) consacré à l’anticipation scientifique française
d’avant-guerre. Il s’agit de l’exploration extrêmement vivante d’une
planète amenée à proximité de la Terre dans le sillage d’une comète.
Du coup, la palme de la (re)découverte la plus intéressante de l’anthologie revient à «Les Anekphantes» de
Roger Farney, court roman de 1931 décrivant une forme de vie
microscopique, sortes de cellules intelligentes organisées au sein
d’une société symbiotique. Après avoir étudié en détail le mode de vie
de ces créatures, l’auteur adopte leur point de vue pour observer notre
propre monde, radicalement différent, dont il va indirectement
souligner les insuffisances et les incohérences. Même si l’écriture de
Farney est un poil trop ampoulée pour être attrayante, «Les Anekphantes» n’en constitue pas moins une lecture étonnante et originale, qui mérite d’être découverte.
Texte le plus ancien du recueil, «L’Autopsie du Docteur Z***»
d’Édouard Rod (1884) ne s’appuie sur un élément pseudo-scientifique
(l’idée que le cerveau cesse progressivement de fonctionner après le
décès de son propriétaire) que pour justifier le fait que le narrateur
de ce récit soit mort. L’adoption d’un tel point de vue permet à
l’écrivain de signer une belle nouvelle, mélancolique et apaisée, mais
qui aurait tout aussi bien pu se passer de son alibi science-fictif.
Les textes plus récents sont soit anecdotiques, soit mauvais. «La Grande découverte du savant Isobard» d’Albert
Roulier (1938) imagine sur un ton ironique les conséquences inattendues
qu’entraînerait la possibilité de prévisions météorologiques
infaillibles. «Les Secrets de Monsieur Merlin» de Noëlle Roger
(1949) est une histoire d’amour mièvre au cours de laquelle l’auteur
décrit le fonctionnement d’un appareil de télévision révolutionnaire;
quant à «Une Fable» de Léon Bopp (1940), il s’agit d’un conte à
vocation humoristique, versant assez vite dans l’hystérique, et d’une
lecture particulièrement pénible à force de triturations lexicales sans
queue ni tête. On pourrait a priori s’étonner qu’à l’exception de
quelques chansons signées Jean Villard, Jean-françois Thomas n’ait
retenu aucun texte entre 1949 et 1979. En réalité, il s’agit d’une
période d’hibernation pour la science-fiction suisse, comme tend à le
montrer le peu d’œuvres parues alors, en particulier dans les années 50
et 60 (l’anthologiste en recense moins d’une dizaine). Trente ans de
quasi-silence d’autant plus étonnant que, de ce côté-ci de la
frontière, il s’agit au contraire d’une époque cruciale, fondatrice.
Rien n’explique que les écrivains suisses se soient à ce point
désintéressés du sujet pendant aussi longtemps.
Les années 80-90 sont nettement plus fournies, mais le plus souvent il
s’agit de nouvelles parues en dehors des revues et collections
spécialisées, écrites par des auteurs de littérature générale optant
volontiers pour une science-fiction allégorique qui leur permet de
dénoncer tel ou tel travers de notre société. On y trouve quelques
textes réussis, comme «Ce Jour-là» d’Odette Renaud-Vernet, une fin du monde tout en douceur, ou «Château d’Eau»
de Bernard Comment, comédie absurde dans laquelle la Suisse construit
un mur à ses frontières pour empêcher ses fleuves d’irriguer les pays
voisins et finit noyée. Les autres ont le défaut rédhibitoire de
vouloir réinventer la roue et manient divers poncifs du genre sans même
en avoir conscience.
Parmi les noms plus familiers des lecteurs de S-F, on retrouve avec plaisir Wildy Petoud par le biais de «La Maison de l’Araignée», sa première nouvelle retenue à l’époque (1986) par Philippe Curval pour son anthologie Superfuturs
(Denoël «PdF»). Relire ce texte ne peut que nous faire regretter sa
disparition du paysage éditorial depuis plus de dix ans maintenant.
Rolf Kesselring, dont on se souvient surtout pour son travail d’éditeur
qui offrit un support à la S-F politique française de la fin des années
70, figure lui aussi au sommaire avec «Martien vole», une nouvelle évoquant fortement le Martiens go home de Fredric Brown, sans parvenir à se hisser au même niveau de drôlerie hélas.
L’anthologie s’achève sur deux textes parus en 2004, signés
respectivement François Rouiller et Georges Panchard. Le premier, «Délocalisation»,
développe une idée de science-fiction tout à fait intéressante (une
expérience scientifique a bouleversé les lois de la physique et
indirectement amené à la naissance de mutants) mais souffre d’une
écriture pataude, en particulier dans la description de ses
personnages. «Comme une fumée» en revanche est maîtrisé de bout
en bout, décrivant la vie d’un personnage doté d’un talent unique qu’il
gâchera de façon lamentable. Panchard est sans conteste l’auteur suisse
le plus doué à l’heure actuelle, dommage qu’il soit si rare.
Défricheurs d’imaginaire,
de par sa nature même, est une anthologie très inégale, mais
atteint son but en embrassant une vaste période et une grande variété
de styles. Le travail de Jean-François Thomas mérite d’être salué,
autant pour sa sélection que pour le paratexte qui encadre ces
nouvelles. Son histoire de la science-fiction suisse qui constitue la
préface de ce livre est fort complète et permet de resituer les œuvres
choisies dans leur contexte tout en élargissant son sujet d’étude aux
romans. Sa présentation des auteurs est sans doute exagérément
laudative, mais on choisira d’y voir la marque de son enthousiasme,
qualité indispensable pour mener à bien un tel projet. Mission
accomplie.
PHILIPPE BOULIER, Bifrost
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Défricheurs d’imaginaire,
une anthologie historique de science-fiction suisse romande sous la direction de Jean-François Thomas
S’avisant
que la Science-Fiction suisse, et plus précisément romande, était fort
mal connue des lecteurs, Jean-François Thomas a eu l’excellente idée de
réunir une anthologie historique dans laquelle il publie les meilleurs
– ou les plus caractéristiques – des textes du genre publiés durant une
période s’étendant de la fin du XIXe siècle (1884) au début du XXIe
(2004). Il permet ainsi de (re)découvrir des écrivains tombés dans
l’oubli ou des auteurs contemporains. Cette anthologie est un véritable
ouvrage de référence grâce – entre autres – à une préface copieusement
documentée qui retrace l’histoire de l’Imaginaire suisse.
Tout naturellement, les premières nouvelles séduisent surtout par un charme désuet, des thèmes qui rappellent Frankenstein
- «L’Autopsie du docteur Z***», d’Edouard Rod, décrit un cerveau qui
survit à la mort de son «propriétaire» - ou encore certains textes de
Rosny aîné à qui, d’ailleurs, Michel Epuy dédie son «Anthea ou
l’étrange planète». Si pour ma part je suis restée insensible à la
lecture de la novella (comme on dirait maintenant) de Roger Farney,
«Les Anekphantes», force m’est de reconnaître que l’étude de l’espèce
humaine d’un point de vue extraterrestre en 1931 révèle une ouverture
d’esprit à laquelle on ne s’attend pas à cette époque. Ouverture
d’esprit ou, plus exactement, esprit critique distillé avec pertinence
et humour, qu’on retrouve dans la majorité des textes par la suite.
Cela est-il dû au choix particulier de l’anthologiste ou bien est-ce
une caractéristique de la SF suisse romande ? Plusieurs nouvelles
sont des paraboles destinées à avertir, à décrire des situations
ubuesques, mais très réelles. La nouvelle d’Albert Roulier se moque
gentiment des prévisions/prédictions météorologiques, celle de Noëlle
Roger est une transposition inattendue de l’amour que
l’inventeur/enchanteur Merlin éprouva pour la fée Viviane/son épouse
Éliane. Léon Bopp raconte une étrange leçon d’histoire des royaumes
d’Eucalie et de Mégalée, quelques poèmes de Jean Villard Gilles
exposent naïvement les craintes des habitants de la Terre en pleine
guerre froide. Dans les textes suivants, l’humour est encore là,
mais teinté d’ironie douce-amère. L’autodérision prédomine: les
nouvelles de Gabrielle Faure et d’Odette Renaud-Vernet caricaturent la
fameuse précision suisse. Il est question de montres et de pendules,
d’horaires et de retards inadmissibles. D’enfermement, aussi, beaucoup.
De façon hilarante, avec Rolf Kesselring et son «Martien vole» où
Prosper-le-Martien rend visite à un cambrioleur dans sa cellule. De
façon poignante avec Marie-Claire Dewarrat dont «Le Trou» relate
l’épopée des survivants d’une apocalypse, rampant hors des abris
souterrains où ils s’étaient réfugiés. La Suisse est un pays enclavé,
traditionnellement neutre, mais, dans «Château d’eau», Bernard Comment
imagine que si elle rentrait en conflit avec ses voisins européens,
elle pourrait couper l’écoulement des quatre grands fleuves dont elle
détient la source, quitte à risquer l’inondation de tout son
territoire. Claude Luezior-Dessibourg imagine un avenir abominable où
l’alimentation est remplacée par des granules, et où le chocolat reste
à réinventer, et Sylvie Neeman-Romascano écrit la très belle lettre
d’une archéologue à sa fille, dans un futur au méchant goût de retour
en arrière.
Par définition, dans une anthologie, les textes sont variés et chaque
lecteur aura ses préférés. Pour celle-ci et pour moi, c’est net: ce
sont les deux derniers. François Rouiller (qui signe aussi le superbe
couteau suisse-imaginaire de la couverture) met en scène un journaliste
envoyé interviewer une jeune femme dont le pouvoir (elle peut
délocaliser des objets) a bouleversé sa vie et celle de sa famille – le
personnage, antipathique et raté, donne tout son sel à cette histoire
tragique et mystérieuse. Enfin, dans un long texte précédemment paru
dans Galaxies
(comme d’ailleurs la nouvelle de Rouiller), Georges Panchard raconte
l’histoire d’un jeune homme qui, depuis sa plus tendre enfance, est
affligé d’un don cruel: celui d’être oublié, non-vu, transparent pour
ceux qu’il croise. Pour pallier l’ennui, il prend l’habitude de menacer
d’une arme des hommes politiques lors de meetings, sans être jamais vu.
Je défie quiconque de sortir de cette lecture blasé. Pour clore
l’anthologie, le dictionnaire d’auteurs donne les références des autres
œuvres des auteurs sélectionnés pour ces cent vingt années de
Science-Fiction suisse romande. Ceci est une excellente chose, car ce
panorama ouvre l’appétit et donne envie d’y revenir!
LUCIE CHENU, Galaxies – nouvelle série – No 7/49, hiver 2010, pp. 172-173
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Le couteau suisse de la science-fiction
La
science-fiction suisse francophone, ça existe? Oui! la preuve par
Jean-François Thomas, spécialiste des littératures de l’imaginaire et
que le monde merveilleux de ces publications retrouve avec plaisir de
festival en festival, à Épinal par exemple. Jean-François Thomas n’est
pas seulement un agréable camarade, c’est aussi un excellent
anthologiste. Et, en bon Helvète qu’il est, il s’est intéressé à
l’histoire suisse de ses littératures de prédilection. Dix-huit auteurs
pour dix-sept nouvelles et quatre chansons des années cinquante (de
Jean Villard Gilles). Et c’est une découverte. D’abord parce que, à
part deux ou trois auteurs contemporains, les autres sont de parfaits
inconnus. Pour moi en tout cas. Ensuite parce que, dans les plus de 500
pages de l’anthologie, certaines sont indubitablement à lire.
Celles de Michel Épuy, «Anthéa ou l’étrange planète», datées de 1918,
qui fait très Rosny Aîné. Celles de Roger Farney, «Les Anekphantes», de
1931, qui brille plus par son point de vue que par son écriture; c’est
une espèce extraterrestre qui regarde les humains vivre. Ou celles de
Bernard Comment, «Château d’eau», qui imagine que la Suisse coupe
l’alimentation des grands fleuves qui passent par là, asséchant ainsi
les zones limitrophes des pays étrangers devenus ennemis, mais, en même
temps, inondant le pays.
Je me rappelle avoir lu, il y a longtemps, la nouvelle de Wildy Petoud,
«La Maison de l’araignée», parue en 1986. Un texte de SF spéculative et
déjantée, qui se passe dans la tête et pas dans les étoiles, et que, je
l’avoue, j’ai vraiment eu beaucoup de mal à apprécier aujourd’hui.
Par contre, les deux dernières nouvelles du recueil sont
indubitablement réussies. «Délocalisation» (2004) de François Rouiller
et surtout «Comme une fumée» (2004 aussi) de Georges Panchard. Le héros
de Panchard est affligé d’un don/maladie cruel/le: il est transparent
au regard des autres. Il s’en sert, bêtement, pour menacer des hommes
politiques lors de meetings. Une lecture dont on ne sort pas indemne.
Et qui clôt bellement une anthologie où tout n’est sans doute pas
passionnant pour le lecteur contemporain, mais où tout est intéressant
pour celui que l’histoire de la SF, suisse ou autre, captive.
JEAN-CLAUDE VANTROYEN, Le Soir
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Défricheurs d’imaginaire
Utopie
ou dystopie, la science-fiction est peu connue. Il a fallu à J.-F.
Thomas un travail considérable de recherche pour nous en donner un
panorama qui va de 1884 à 2004 et pour choisir dix-huit auteurs et
leurs courts récits.
Le plus ancien (1884, L’Autopsie du docteur Z)
imagine l’esprit survivant pendant quelques jours après la mort et
assistant à ses propres funérailles et aux considérations imprudentes
pour ne pas dire impudentes des héritiers. En se projetant dans
l’avenir, plusieurs auteurs supposent les effets souvent pervers d’une
science mal encadrée et qui se développe au détriment des sentiments
les plus précieux de l’être humain. Qu’on nous invente un monde où l’on
peut vivre sans travailler, ou bien se nourrir de pilules, ou encore
sombrer dans la folie de la psychokinésie, il n’y a pas d’autres
solutions que de se transformer en robots pétris d’ennui.
Un autre récit (Château d’eau) trouve avec un humour féroce une solution à l’impossible position de la petite Suisse au milieu de ses grands voisins.
Et Gilles! «La science s’en mêle, fignole et perfectionne les engins de
mort. On va à grands pas vers un retour à l’âge des cavernes. La caste
infantile mais toujours puissante des militaires fait pression sur les
gouvernements qui jouent avec le feu.» Et quelques savoureux poèmes:
«Le Feu de Dieu» – «Soucoupes volantes» – «Les Surhommes» – «Les Soudards»
– il nous conte «les héros, tout bêtes» qu’un progrès mal compris
façonnera. L’idée n’est pas réjouissante, mais l’expression toujours
aussi délectable. Un livre intéressant, avec une longue histoire de
la science-fiction romande en préface et des notes bibliographiques
pour chacun des écrivains.
JULIETTE DAVID, Suisse Magazine
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Magnifique
anthologie de science-fiction, digne des grandes anthologies made in
USA. Cent vingt ans de science-fiction suisse romande en cinq cent
pages, qui l’eût cru ? Et qui eût cru être passionné par la
lecture de ces vingt et un textes? Le directeur, spécialiste bien
connu de science-fiction, préside le conseil de fondation de la Maison
d’ailleurs, il est de ces passionnés qui surgirent autour du maître
Pierre Versins qui légua sa collection à Yverdon-les-Bains et rédigea
la prodigieuse encyclopédie de la SF parue à l’Âge d’Homme. Laissant de
côté les romans, des dizaines, il se borne, dans ce recueil, aux
nouvelles.
J’ai redécouvert avec plaisir le récit d’Édouard Rod, auteur symboliste
qui revient gentiment sur le devant de la scène et celui de Michel Epuy
dont le narrateur visite une comète découverte par mon ancêtre le grand
savant Lador. Il fallait, avant la globalisation, une stimulation pour
que les auteurs s’attaquent à la SF et qu’ils soient publiés, une mode
et il y en a eu plusieurs vagues que l’auteur détaille dans son
introduction éclairante.
J’ai découvert avec émerveillement le texte de Roger Farney, les
anekphantes, entendez les non-révélés, qui sent son nouvel âge,
tentative réussie et difficile de peindre une espèce de vie parallèle,
pure énergie, éternelle, indécelable et qui découvre… les hommes.
De nombreux contemporains ont abordé le genre, la littérature romande
jamais ne fut enclavée. Beaucoup sont édités à Paris.
Ce sera l’occasion pour le lecteur de réaliser parfois que ses auteurs
favoris ont écrit de la SF qu’ils ont lu peut-être à leur insu, comme
une curiosité alors qu’il s’agit d’une façon efficace d’aborder la
réalité. Citons Gabrielle Faure, Odette Renaud-Vernet, Marie-Claire
Dewarrat, Sylvie Neeman Romascano, bien connues auteurs littéraires,
ajoutons celle qui mériterait de l’être, à la pointe, dans cette
nouvelle, de ce qu’on nomme la fiction spéculative la plus déjantée,
Wildy Petoud, ne serait-ce que pour montrer que les femmes écrivent
aussi de la SF.
Beaucoup d’humour, en particulier chez Rolf Kesselring, Bernard
Comment, une maîtrise parfaite chez François Rouiller et Georges
Panchard, pro de la SF.
N’oublions pas quelques poèmes chansons satiriques de Gilles.
Dix-huit auteurs qui vous feront passer quelques heures agréables en
vous démontrant que la Suisse romande compte des écrivains efficaces
même dans ce genre humain, trop humain qu’est la SF.
Un petit dictionnaire des auteurs utile pour tisser des passerelles
entre SF et littérature générale, ce que les Anglo-saxons appellent
main stream et mieux situer les choses, termine le livre.
PIERRE YVES LADOR, culturactif.ch
Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.
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