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L’Aveu de théâtre est, à n’en pas douter, un événement éditorial pour diverses raisons.
D’abord, l’auteur est une des figures les plus riches et les plus
marquantes du théâtre d’expression française. Comédien, metteur en
scène, adaptateur et pédagogue André Steiger a pratiqué son art dans
d’innombrables pays francophones.
Ensuite, il a signé plus de deux cent cinquante mises en scène et joué
de nombreux rôles, mais il a surtout formé des centaines et des
centaines de futurs praticiens du théâtre.
Enfin, il a écrit un aBBcédaire et mené plusieurs cycles de conférences sur l’Histoire du théâtre.
Ce qui relie toutes ces activités, c’est l’immense culture de l’homme,
sa curiosité jamais assouvie et surtout, surtout le désir constamment
provocateur et dialectique de toute sa réflexion.
Ce livre n’est pas « rédigé » au sens allusif de la recherche.
Il revêt un caractère aléatoire, fragmentaire et forcément provisoire.
C’est un texte anticipateur de questions pour des réponses provisionnelles.
Ces notes sont un bréviaire de vécu pour une pratique encore et toujours à prospecter dans la contradiction.
À lire au coup par coup, dans le regard oblique de l’amoureux de la
scène. Il interroge les pouvoirs et c’est son pouvoir.
À quatre-vingt ans, Papy comme on le nomme dans les milieux du théâtre, nous offre un somptueux cadeau ; normal c’est « un adolescent de l’infini ».
PHILIPPE MORAND
À signaler:
Entretien filmé entre André Steiger et Philippe Macasdar, sur le parcours, la vie d'André Steiger.
Réalisation Maurizio Giuliani. Coffret de 4 DVD. Durée 326 min.
Prix fr. 60,-- + frais de port. Pour commander: maurizio.giuliani@bluewin.ch
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André Steiger, le pouvoir des mots
Un
homme de théâtre, André Steiger. On croirait que l’expression a été
forgée pour lui, tant il en condense les multiples facettes. À Genève,
il fête soixante ans au service de cet art.
Metteur en scène, comédien, théoricien, pédagogue… L’enfant de
Plainpalais, qui fut un temps doyen de la section d’art dramatique du
Conservatoire de Lausanne, a consacré soixante ans de sa vie à un art
dont il ne cesse de poursuivre l’exploration. Un engagement spirituel,
intellectuel et politique – au sens noble du terme – que salue
aujourd’hui le Théâtre de Saint-Gervais, à Genève. Par une exposition,
des rencontres et la mise en dialogue de Molière et de Racine au
travers d’un diptyque intitulé L’amour des jeux et du pouvoir.
– Ce travail, vous l’avez effectué dans le cadre d’un stage…
– Oui, j’en fais ponctuellement. Un stage réclame une très forte
participation, de manière collective. Dans un monde de plus en plus
individualiste, ça devient difficile. Nous vivions dans la civilisation
du «nous», nous sommes passés à celle du «je». C’est à ça que je me
suis trouvé confronté.
– Pour parler du pouvoir, vous cédez la parole à Molière et à Racine.
– Qu’est-ce que le théâtre classique, sinon un théâtre qui a de la
classe ? La dictature du présent me paraît grave. Et si on a un
devoir de mémoire, on doit aussi avoir un droit de mémoire. J’ai pris George Dandin et Bajazet, parce que ce sont deux œuvres qui parlent du pouvoir.
– Une comédie et une tragédie…
– Oui, et surtout deux œuvres impures : dans la comédie il y a une
ironie tragique, et la tragédie, elle, laisse apparaître un genre
nouveau, le mélodrame. J’ai voulu montrer que quand il y a une forte
théorie, c’est quand il y a clinamen, c’est-à-dire un écart…
– Vous dites que, finalement, le théâtre ne parle pas d’autre chose que de pouvoir…
– Ce qui m’intéresse dans le théâtre, quel qu’il soit, c’est
qu’il apprend au citoyen à lire le monde autrement que de la manière
dont on veut le lui faire lire. Le vrai interprète, ce n’est pas le
comédien, c’est le public.
– Dans le spectacle, de quels types de pouvoir s’agit-il?
– La question fondamentale est : comment s’exerce-t-il ? Avec
Molière, dans le milieu quotidien, social, de manière banalisée. Avec
Racine, dans le milieu politique. J’essaie de voir les deux fronts.
– De quelle manière a évolué la discipline en soixante ans?
– Les choses sont plus dures. À travers la pratique même du théâtre, on
a affaire à des rapports conflictuels, jamais dialectisés. Les gens de
théâtre sont tombés dans le piège des considérations commerciales.
Du théâtre à l’image
À Genève, il est un peu «l’œil» du théâtre. Un œil précis et vif, qui
ne se contente pas des apparences. Entre 2006 et 2007, le photographe
Maurizio Giuliani a suivi André Steiger dans son travail. De cette
traque complice, menée au long de six spectacles, il a sélectionné une
quarantaine de photos qui font l’objet d’une exposition intitulée
«Alias AS» (André Steiger) à voir au Théâtre Saint-Gervais. «J’ai suivi
les répétitions, le travail autour de la table, explique Maurizio
Giuliani. Il n’y a pas eu de grosse difficulté, nous avons eu une
superbe relation.» La rencontre a également débouché sur deux films. Le
premier, titré comme l’exposition, revient sur ces instants partagés.
Le second, composé de quatre DVD, propose un entretien fleuve entre le
metteur en scène et Philippe Macasdar, le directeur de Saint-Gervais.
LIONEL CHIUCH, Tribune de Genève et 24 Heures
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«Se refaire une santé artistique»
André Steiger réunit chômeurs et jeunes diplômés à Saint-Gervais, rappelant l 'utilité des mesures pour l'emploi des comédiens.
Georges Dandin de Molière, Bajazet de Racine: belle matière théâtrale.
Jusqu'au 20 décembre, les spectateurs ne verront pourtant à
Saint-Gervais pas tant deux pièces, que le reflet d'un stage mené par
André Steiger sur la question du mensonge et du pouvoir, traitée dans
ces oeuvres considérées en écho. Un projet qui sort de la logique de
productivité des spectacles, étant destiné en premier lieu non à un
public «consommateur», mais aux artistes de profils différents, qui ont
étudié en profondeur les textes et leur dramaturgie. «Cette approche
globale me manque dans ma pratique de comédienne, explique Marie-Ève,
Genevoise récemment sortie du Cours Florent à Paris. On a souvent
tendance à se jeter sur son rôle sans considérer la pièce dans son
ensemble.» Elle reconnaît la méthode de Steiger, faite d'essais
contradictoires, «stressante» mais riche en apprentissages. D'où la
forte participation de comédiens fraîchement diplômés. Mais également
d'amateurs, comme Thomas, qui, sans maturité en poche, ne «répond pas
aux critères d'admission des écoles».
Il se montre pourtant animé d'une conviction qui, selon Steiger, fait
souvent défaut aux «pros», devenus comédiens «pour se satisfaire de
leur image». Le support de classiques éprouvés permet ainsi de
travailler sans concession la technique de jeu. Anne-Lise, Lyonnaise à
laquelle le statut français d'intermittente ne donne pas droit aux
stages, apprécie «la difficulté et les torsions imposés par les
classiques», distance oblige. Dans cette optique, tous se réjouissent
d'avoir bénéficié avec Steiger non d'un simple directeur d'acteurs,
mais d'un détenteur de savoirs dont «il faut profiter tant qu'il est
sur cette planète», dit Thomas.
Intermittent, un statut précaire
Un tel stage rappelle donc la nécessité d'une formation continue pour
les comédiens, même diplômés. «Tout nouveau projet exige des
connaissances vastes, liées aux spécificités contextuelles et
littéraires de l'oeuvre», estime Natacha, scénographe. Un métier auquel
aucune école suisse ne prépare et dont l'apprentissage «sur le tas» ne
permet pas d'aborder isolément la dramaturgie, malgré un lien évident.
Inscrite au chômage, comme la majorité des comédiens entre deux
contrats de travail,
Natacha fait partie des six artistes dont l'Office cantonal de l'emploi
(OCE) a subventionné le stage. «Jusqu'à présent, l'OCE a jugé les
stages utiles aux comédiens pour se refaire une santé artistique»,
apprécie Philippe Macasdar, directeur de Saint-Gervais, qui s'inquiète
pourtant de savoir ces mesures «vouées à disparaître», selon certaines
rumeurs.
Interrogé à ce sujet, Jean-Michel Cruchet, du Fonds d'encouragement à
l'emploi «Action Intermittents», dit comprendre la volonté de l'OCE de
«réexaminer l'arsenal de mesures de formation à disposition des
artistes, afin de ne favoriser que ceux qui améliorent leur
employabilité.» Une notion peut-être mal appropriée à un stage
artistique dont les retombées ne se laissent pas chiffrer, mais
cohérente, comme il le rappelle, «avec le but légal du chômage, qui
reste le retour à l'emploi». «Action Intermittents» n'en mène pas moins
«un lobbying au niveau fédéral contre la modification de la Loi sur le
chômage, qui ferait passer de 12 à 18 mois la période de cotisation
pour avoir droit aux indemnités. Ce qui serait dramatique pour les
intermittents, qui sont sous contrat un mois sur trois en moyenne.»
Savoir s'accorder
Menacés ou non, les stages comme l'«Observatoire des classiques» de
Steiger restent plébiscités par les comédiens. Même leur difficulté
majeure constitue un apprentissage capital: la mise au diapason
d'artistes issus d'écoles différentes. «Cette hétérogénéité demande de
la patience, mais permet de réapprendre à connaître les gens avec qui
on joue», selon Philippe, formé entre Genève et Saint-Etienne. Histoire
de ne pas oublier que le théâtre est un art collectif...
JULIEN LAMBERT, Le Courrier
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