STÉPHANE BLOK

Le Ciel identique

roman,

suivi de

Chants d’entre les immeubles


2014. 128 pages. Prix CHF 28.–
ISBN 978-2-88241-376-5


Biographie

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Manifestations, rencontres et signatures
Index des auteurs

C’est en musique que j’ai découvert ce texte, lu par Julien Burri, accompagné à la guitare par Stéphane Blok, un soir, à la bibliothèque Chauderon. Assez intriguée par ces histoires d’eau, j’ai eu envie d’avoir le fin mot de l’histoire. Encore plus intriguée par le format du livre, quelques lignes par page, j’ai eu envie de vous en parler, pour qu’à votre tour, telle la narratrice, vous vous posiez des questions.
Comment se fait-il que cet endroit m’apparaisse si différent?
Elle descend l’escalier et sort de l’immeuble.
Comment ai-je pu à ce point ne pas voir le temps passe?
Le trottoir est mouillé, le ciel est bleu.
Une drôle d’impression, assez unique, se dégage de ce livre. Tout est flou. Nous sommes dans la tête d’une jeune femme – apparemment – qui elle aussi a l’air de vivre dans un drôle de tourbillon, prisonnière de ce qu’elle a fait, de ses réactions. Ces questions, ses réflexions personnelles, entrecoupées de descriptions des alentours (Lausanne, j’imagine), sont troublantes. C’est assez incroyable de créer une atmosphère quasi cinématographique avec juste quelques mots.
Le temps, léger comme l’obscurité.
A-t-il explosé? S’est-il désuni?
De stable, ne s’écoulant pas, il a fini par couler,
Par devant.
Quel spectacle! En avant la fanfare!
…et nous, tout angoissés…
Provisoirement. La peur motive l’amour, l’effroi la passion.
Deux messieurs discutent sur le trottoir en dessous.
Elle ouvre les yeux.
Nous sommes très loin d’un roman classique, d’accord une histoire nous est racontée, plus ou moins linéaire, d’accord c’est bien de notre monde qu’il s’agit, et pourtant. D’un coup, nous voilà dans la tête d’un homme, du déroulement de ses pensées naissent de nouvelles questions, une nouvelle angoisse, toujours ce flou.
Il laisse la fenêtre entrouverte en position de balancier pour générer un faible courant d’air, mais pas trop, sinon en cas de violents orages, il se pourrait que la pluie ne tombe pas droit mais avec un angle, et que de l’eau finisse par pénétrer et peut-être même par s’écouler chez le voisin du dessous qui aura beau sonner… il n’y aura personne pour lui répondre.
Il se souvient d’un vasistas oublié ouvert.
C’est idiot comme certains souvenirs sans importance me reviennent. Aussi vrai que j’ai la tête en bas et les pieds en haut. Collés contre la terre qui tourne.
De la limaille autour d’un aimant.
Et puis vient la pluie qui submerge tout et que nous ne comprenons pas très bien. Entre Dark Water et le souvenir de mes lectures de Wadji Mouawad, je me laisse engloutir, tout comme ce narrateur (lequel?) qui se réfugie et essaye de fuir toute cette eau.
D’heure en heure, je constate que les trous dans la toiture s’agrandissent, que d’autres (de nouveaux) apparaissent. Peu à peu, brindille après brindille, tout est emporté du haut vers le bas, tout descend d’étage en étage, du toit jusqu’au sol, puis du sol jusqu’à la rivière, de celle-ci à l’autre rivière (plus grande), et je sais qu’il ne faudra pas longtemps pour qu’il ne reste ici aucune trace de la demeure dans laquelle je suis réfugié. Elle pourrait se disloquer et glisser tel un bloc erratique. Ne resterait alors qu’un talus spongieux noyé dans les brumes.
Peut-être pourrions-nous nous dire que l’auteur est un peu poseur, que d’une idée il a fait un livre publié, qu’il n’y a pas de littérature là-dedans, pas de vocabulaire recherché, pas de tournures marquantes. Mais de cet exercice est née une jolie lecture, qui dénote et qui emporte. Atmosphère, atmosphère, oui, deux fois oui.

litterature-romande.net

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«C’est étrange de ne pas penser à ce que l’on fait ».
Tous les jours sont différents. Et pourtant. Tous les jours, on a des gestes, une façon de vivre, que l’on enregistre, que l’on ne pense plus et que l’on produit machinalement ou reproduit mécaniquement:
«Je ne pense en fait pas (ou très rarement) aux actions que j’effectue. Est-ce que cela change quelque chose de penser ou non aux actions que j’effectue ? (…) À tel point que je doute de me rendre réellement compte de la présence des autres autour de moi quand nous sommes à plusieurs. (…) Je ne vois pas vraiment ce que je vois, ni n’entends ce que j’entends. (…) …mû par mes plus anciens instincts – attention la voiture, la plaque est brûlante, la fille est désirable».
Toutes ces petites choses, cumulées les unes aux autres, font de nous des « automates ». L’être humain vit sous un «ciel identique»: chacun d’entre nous se brosse les dents, remplit ses poubelles, éteint les plaques, allume son ordinateur, vérifie mille trucs avant de quitter son appartement, surtout avant un départ ou un voyage. Tics et tocs: « Ne surtout pas oublier la poubelle, le chargeur, le cash, les clefs, les cartes de crédit, le passeport».
« Aimer se perdre », arracher les trèfles dans le gazon, se laisser envahir par la sensation du départ qui précède les longs voyages. Et puis. Toutes ces pensées urbaines qui effleurent l’esprit au milieu du bruit que l’on n’entend plus :
« Me suis-je déjà arrêtée ainsi?
Elle continue sa route.
 
Pour ne rien faire?
Profiter
 
Ces gens ont bien raison
De s’asseoir dès le matin, dehors
 
Dans la rue
 
Pourquoi pas moi ?
Un matin, je m’arrêterai
 
Sur un banc
C’est égal, mais sans l’avoir prévu
 
Sinon ça ne marchera pas
 
Pourquoi?
Parce qu’il ne faut pas trop réfléchir.
 
Elle traverse la station des trolleybus et s’engage sur un grand pont reliant l’autre côté de la ville.
 
L’horizon s’ouvre à l’ouest.
 
(…) lundi n’est pas lundi, chaque jour est différent
 
les heures n’existent pas, elles ne sont qu’un calcul.
(…)
Quelle fâcheuse manie de considérer le jour comme instant actif – éveillé – et le sommeil comme instant passif; confondre l’inactivité et le repos du corps.
(…)
Comme si en permanence, un tiers du temps, un tiers du monde ne faisait rien, comme si rien faire était ne rien être. Voilà quelque chose d’impossible.
(…)
Les rêves subis, imposés. J’imagine que nous ne subissons pas nos rêves.
(…)
On habite nos rêves comme on habite ailleurs, voyageant durant le repos, conversant en silence avec d’autres endormis.
(…)
 
Les songes sont une prière que l’on s’adresse à soi-même.
 
Le quotidien est silencieux quand on vit seul
Le voisin du dessus écoute les informations
(…)
Mon voisin rêve
Le tortionnaire rêve de douceur
L’innocent rêve qu’il a tué
(…)
Est-ce que les intuitions sont de la même teneur que les rêves ? (…) J’ai rêvé de ce que je ne connaissais pas encore.
(…)
Le deuil est un souffle qui traverse la foule comme le vent d’été couche les herbes hautes et les blés dans les champs».
 
Stéphane Blok, musicien de rue à ses débuts, riche de son expérience, chante la vie, entre volupté et angoisse et va à l’essentiel : « C’est ainsi : un soir puis un matin ».
 
Le miroir de la vie, son souffle, son intuition et ses rêves ou encore l’envie de vivre la vie d’un autre alors que nous vivons tous sous «un ciel identique»…
 
Tout simplement délicieux et à découvrir…
 
Je peux tout écrire, je peux tout effacer

Faire venir le monde au point de non-retour
Au bord d’un précipice
L’obliger silencieux à contempler un jour sombre se lever

Un jour sombre comme il en a rarement été

VALÉRIE DEBIEUX, La Cause littéraire

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La cuisine est pour lui une détente

L’artiste vaudois est de retour à Lausanne avec un livre et six nouvelles chansons dans ses bagages. Rencontre chez lui avant son passage aux Francomanias de Bulle

Rencontre

C’est au cœur de Lausanne que nous attend Stéphane Blok. L’artiste vaudois vient de déposer sa valise et sa guitare pour quelque temps dans sa ville après une série de concerts à Zurich. «Je vis entre Zurich, le Tessin et Lausanne. C’est la faute de mon amoureuse, une Tessinoise née à Paris.» Sa compagne Fiamma, qui a fait toutes ses écoles à Zurich, est comédienne et trilingue. «Nous sommes un couple normal. Comme trente pour cent des couples, nous nous sommes rencontrés au travail, à côté de la machine à café.»

Cuisine

«J’adore cuisiner. C’est le seul hobby dont je n’ai pas fait mon métier. Je cuisine tous les jours, en général pour plusieurs personnes, pour des amis qui passent. Pour moi, c’est le repas du soir qui est important. Ou alors dans l’après-midi si j’ai une représentation.» La cuisine l’aide à faire le vide. «Quand je coupe un oignon, je ne pense à rien d’autre qu’à couper un oignon. Avec un bon disque et un petit verre, la cuisine me permet de me détendre et de bien vivre.» Même quand il est seul. «C’est moins rigolo de manger seul, mais il y a toujours moyen de manger à plusieurs.»

Enfance

Il a passé ses jeunes années à Lausanne, dans une famille de deux enfants. «J’ai une sœur, Corinne, qui a cinq ans de plus que moi. Elle a abandonné le journalisme et écrit aujourd’hui en indépendante. Elle voyage beaucoup et relate toujours des événements, mais plus pour le grand public.» Ses parents ne faisaient pas de musique. «La musique, je ne sais pas d’où elle vient. Ma sœur faisait un peu de guitare, mais ce n’était pas trop son truc. Comme il y avait une guitare à la maison, moi j’ai tout de suite bien aimé jouer. Notamment dans la rue.

Écriture

Après Les Illusions paru il y a deux ans chez Bernard Campiche, Stéphane Blok vient d’y publier Le Ciel identique. «L’écriture permet d’élargir le spectre de la création. Sa force, c’est la simplicité. J’écris à la plume, souvent d’abord manuellement, quand les idées viennent. Il m’arrive d’écrire dans le train, au restaurant, sur un set de table. Après, au moment de réaliser la chose, on est tous sur le même programme. Mais le charme de la plume ou celui du crayon est une force de l’écriture.»

Musique

Son adolescence a été marquée par la musique. «On était en pleine new wave. Une époque qui se partageait entre les Cure, la fête, les pétards et les premiers albums de U2. Côté francophone, cela a aussi coïncidé avec une forte période où certains chanteurs faisaient de très bonnes choses. Comme les tout premiers albums de Renaud, de Cabrel ou encore de Bashung. Quand j’avais quinze ans, la musique que j’écoutais incarnait à mes yeux un monde en mouvement, me paraissait riche. Aujourd’hui, cette petite classe dominante de la variété française me donne la nausée…»

Outre-Sarine

Aujourd’hui, Stéphane Blok fait une partie importante de sa carrière outre-Sarine. «À Zurich, je fais aussi beaucoup de musique de théâtre, des performances, pour lesquelles mes textes sont traduits. Je ne parle pas super bien allemand et je fais trop de fautes pour faire de la scène sans filet. Outre-Sarine, c’est quand même aussi notre pays. On a des facilités d’accès, même si la langue reste un obstacle. Et, avec le temps, ça me stimule de rencontrer des gens qui me motivent et qui m’emmènent dans leur sillage.»

Actualité

En musique comme en littérature, Stéphane Blok aime les histoires qui se répondent. Ainsi, après Chants d’entre les immeubles sorti l’an dernier sur Internet, il présentera le 30 mai aux Francomanias de Bulle Complaintes de la pluie qui passe. «La sortie de ces six titres sera aussi virtuelle. Cet album, qui prend volontairement un thème d’actualité, est fait de petites complaintes écologiques, même si je ne fais pas de politique, ni de militantisme. L’intérêt de ces six titres est un questionnement.» La sortie sur le web sera suivie d’une sortie matérielle. «Ces deux albums seront pressés pour être vendus après les concerts. Les gens aiment bien repartir avec quelque chose.»


Portrait

Parcours

Stéphane Blok est né le 10 juillet 1971 à Lausanne. «J’ai toujours vécu à Lausanne où je connais énormément de monde. J’adore y être, comme j’adore aussi en repartir.»

Édition

«Bernard Campiche a pris soin de m’expliquer toute la terminologie liée à l’édition. C’est une chance et un plaisir. Je trouve cela très beau, surtout à l’ère du numérique.» Cinéma. «J’ai cosigné le scénario et la musique de Ixième avec Pierre-Yves Borgeaud. Un vrai travail commun pour lequel on a eu le Léopard d’or vidéo en 2003 à Locarno.»

Loisirs

«J’adore partir au Tessin, me mettre au vert. J’aime la marche, la cueillette de petites plantes comme l’ail des ours. Je ne fais pas de grimpe, je ne suis pas fou!»

Courses

«Évidemment que les courses, c’est primordial quand on cuisine. J’ai la chance de pouvoir aller au marché. Je donne la priorité aux produits locaux et le bio est impératif.»

Livre

Il a présenté Le Ciel identique au dernier Salon du livre. «J’ai apprécié les contacts que j’y ai eus.» Il sera également présent en septembre au prochain Livre sur les quais à Morges.

ANNE-MARIE CUTTAT
, Coopération

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«Si on accepte le showbiz on accepte tout...»

Dans son livre comme dans ses spectacles, Stéphane Blok en artiste libre

Dans un local lausannois, Stéphane Blok répète ses Chants d’entre les immeubles. Seul, il reprend ses textes, poésies urbaines nourries d’images et de quotidien, des chansons Depuis mon toit, quand Le temps est doux, toujours Dans l’attente de jours meilleurs, pour citer trois titres. Et puis il joue de sa guitare, une belle électroacoustique à laquelle le musicien a enlevé les frettes, ces pièces métalliques qui partagent le manche en sections d’un demi-ton d’écart. Ça semble peu de chose. «Mais j’ai dû réapprendre un instrument. On ne peut plus jouer d’accords. Ça spécifie mon jeu, ça le singularise. Je ne connais personne qui fasse ça en chanson française! Ça demande tellement de travail que personne ne se lance. Mais quelque chose que l’on a mis quatre ans à apprendre, c’est solide. Ça m’a ouvert de vastes plaines non défrichées. C’est important de garder sa curiosité en éveil.» Avec Denis Corboz (bugle et trompette) et Aurélien Chouzenoux (manipulations sonores et clavier), il travaille aussi l’adaptation en trio du spectacle qu’il a jusqu’alors interprété seul. «De nouvelles idées arrivent, je ne joue déjà plus comme l’automne dernier. Je parle plus ou moins… Certains soirs, je ne fais que chanter. C’est le plaisir de la scène.»
À quarante-trois ans, le Lausannois se réjouit d’avoir des projets «en tout cas jusqu’à la fin de l’année» et de mener, «calme et serein», des créations variées qui vont de musiques en direct pour le théâtre contemporain (avec la compagnie zurichoise Südenbock dont fait partie son amoureuse, Fiamma Camesi) à l’écriture de textes et de chants folkloriques pour chœurs mixtes et chœurs d’hommes…
«Et quand je fais une jolie chanson dans un festival, j’ai le même propos! L’art, c’est quelque chose d’horizontal, pour tous. Je déteste cette verticalité imposée par le show-business qui ne s’intéresse qu’au succès. Il faut se rebeller! Il en va de nos métiers. C’est comme la biodiversité. Ce qu’on a compris pour les légumes produits ici, on ne l’a pas encore compris pour l’art!» Celui qui, mis à part la cuisine, a fait de tous ses hobbies (musique, cinéma, théâtre, lecture) un métier poursuit aussi son travail d’écriture et donne un écho à ses Illusions parues en 2012. «Un livre, c’est l’aboutissement d’un travail qui me touche énormément. C’est matériel, avec un vrai éditeur, un graphiste, la typographie… Je trouve ce mélange de simplicité et de savoir-faire excellentissime! Si je dis «la lune explose», au cinéma on peut éventuellement le montrer, au théâtre c’est exclu; avec un crayon sur un set de table, on peut tout imaginer. J’adore ce pouvoir de l’écriture.

Stéphane Blok vous recommande…

Concertos pour piano
, de Maurice Ravel, Martha Argerich, London Symphony Orcestra, Deutsche Grammophon. «Le deuxième mouvement du Concerto en sol majeur notamment comporte une magnifique succession de variations et d’humeurs qui me font penser au temps qui s’écoule, comme un ciel changeant.»

Le café de la Grenette
, à Sion, rue du Grand-Pont 24. «C’est un café-bar sous les arcades, très joli, très sympa. Les tenanciers organisent des lectures, des concerts. J’y ai souvent joué, ils sont devenus des amis. L’endroit est un parfait équilibre entre culture et johannisberg… C’est un très bon point de chute.»

Les paradoxes quantiques
, de François Rothen, Éd. Presses polytechniques et universitaires romandes. «C’est un livre sérieux mais tout à fait accessible, vraiment chouette, qui pose de grandes questions à partir de l’infiniment petit… Je trouve que c’est un très joli rapport au monde que de poser des questions essentielles de ce point de vue là.»

JEAN-BLAISE BESENÇON
, L’Illustré

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Un artiste tout d’un Blok

Musicien, écrivain, auteur, compositeur… Le Lausannois Stéphane Blok touche à tous les genres. Alors qu’il vient de sortir un livre, il présente aux Francomanias son nouveau disque

Stéphane Blok ne se laisse pas ranger dans un tiroir avec une seule étiquette. L’artiste lausannois enchaîne les projets musicaux., théâtraux, littéraires. Et il aimerait encore davantage lier ces domaines. Le quadragénaire a sorti cette semaine son nouvel album, Complaintes de la pluie qui passe, un disque de six titres en écho aux Chants d’entre les immeubles, paru en 2013, dans lequel il joue de la guitare sans «frettes». Cet opus existe seulement sous un format virtuel, pour que cette musique soit disponible 24 heures sur 24 partout dans le monde. Des titres délicats, ciselés, guidés par la voix du Vaudois, dans lesquels il nous raconte un monde où il ne pleut plus.
Les festivaliers des Francomanias, à Bulle, pourront découvrir sa musique, à laquelle il insufflera encore davantage de rythme et d’énergie pour qu’elle s’adapte à la scène. On s’interroge si des notes si délicates et intimistes supporteront le passage sous les feux de la rampe. «Quand un joueur d’oud est seul sur scène, il n’y a aucun souci, mais quand c’est un guitariste…», sourit Stéphane Blok, qui s’attendait à un tel doute. Il se réjouit de retrouver les Francos, où il a joué à plusieurs reprises. Mais c’était alors à l’Hôtel-de-Ville. «Les festivals, c’est chouette. Les gens nous découvrent.Ils donnent un écho à notre travail», note le musicien, qui sera entouré de deux compères à Espace Gruyère.

Toujours le même propos

Hasard du calendrier, il vient de sortir également un deuxième ouvrage, Le Ciel identique, suite d’un petit bouquin Les Illusions paru il y a deux ans. Une démarche qu’il trouve excellente à l’heure où le disque physique disparaît, revenir avec un livre… Il voit dans l’écriture le «truc le plus magique du monde». «On peut écrire sur un set de table. On peut tout décrire, toucher les profondeurs de l’âme. C’est tout de suite spectaculaire», sourit celui qui s’estime chanceux de pouvoir publier chez un éditeur. Il aime bien sûr la musique, qu’il pratique depuis son adolescence. D’abord comme musicien de rue puis auprès de l’École de jazz de Lausanne. Il aime son oralité, le plaisir qu’elle procure en public. Mais n’apprécie pas quand elle est filmée, figée, archivée.
Son arc a autant de cordes qu’un piano qui jouerait dans plusieurs registres. Il a écrit des textes pour des chœurs mixtes ou des chœurs d’hommes, de la musique pour des compagnies de danse. Il revient de Zurich, où il interprétait la musique de la pièce «Alles wird gut», lors de dix représentations. Mais il a aussi cosigné avec Pierre-Yves Borgeaud le long-métrage Xième. Avec un beau succès. Cette production vidéo a décroché en 2003 un léopard d’or vidéo au Festival international du film de Locarno.
Pour lui, l’artiste ne tient tout au long de sa carrière qu’un seul et même propos, qu’il décline selon les supports. Il n’a pas encore épuisé le sien, ni ne s’est épuisé. «J’aime ce que je fais, je n’ai pas besoin de congé. Ce métier ne fatigue pas, je n’ai rien de mieux à faire en vacances», sourit-il. Il crée environ six heures par jour et consacre le reste de son temps à de l’organisation. Le travail de création pour son disque et son livre a par exemple été très cloisonné. «Il est difficile d’avoir des idées pour deux domaines», explique-t-il. On est loin de l’artiste torturé. On est davantage dans le plaisir, dans l’amour.

Profondément Lausannois

Ce qui le fascine? Le vivant, le mystère, la nature, le qu’«qu’est-ce que je vous là?», la recherche des limites. «Je trouve super beau un lever du jour. J’extrapole alors sur la ville, sur les gens», dit celui qui revient toujours à Lausanne, même s’il voyage beaucoup. Cette jolie petite ville est idéale comme point de départ et d’arrivée. Il y est chez lui, y connaît tout son quartier.
Le rôle et la fonction de l’artiste dans la société le questionne beaucoup. «L’artiste est un porte-drapeau de la réussite. Il valide un monde à deux vitesses», regrette Stéphane Blok. Qui s’interroge en général sur la communauté des gens. Il aime raconter des histoires imbibées de sa perception de notre époque. Il veut les partager avec le public, d’égal à égal. Lui considère d’ailleurs qu’il a une vie très normale. Son amoureuse est comédienne et vit à Zurich. Il l’a rencontrée au travail, à côté de la machine à café. Comme beaucoup.

TAMARA BONGARD
, La Liberté

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Nouvelles poétiques

Sous le même ciel bleu d’un matin d’été évoluent plusieurs personnages. D’abord une jeune femme. Nous sommes ses yeux et observons  les personnes qu’elle croise en chemin. Nous sommes ses pensées aussi. «Quelle soirée… Deux garçons…» se dit-elle, rougissant. Puis un jeune homme. Ce même matin, il se préparait avec inquiétude au départ: «Il hésite à mettre un sachet de thé vert /maintenant?/ ou après avoir uriné?» Ensuite les textes d’un poète se questionnant sur sa place dans le monde. Le patchwork de l’auteur-compositeur lausannois Stéphane Blok  est réussi, fin, élégant. À lire lentement, idéalement allongé dans l’herbe, lors d’une belle journée d’été.

MARIANNE GROSJEAN
, Tribune de Genève

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Liberté sur tous les fronts

Un deuxième roman, un nouvel album, un concert aux Francomanias de Bulle… Stéphane Blok continue d’explorer son talent sous toutes les formes

La dernière fois qu’on s’est croisés, Stéphane Blok sortait de scène à L’Arsenic, après une performance théâtrale avec la Compagnie Südenbock. Cette fois-ci, rendez-vous a été pris au Buffet de la Gare de Lausanne, pour évoquer Le Ciel identique, le deuxième livre qu’il publie chez Bernard Campiche. Et le concert qu’il prépare pour les Francomanias de Bulle et le nouvel album qu’il s’apprête à sortir… Pas de dispersion toutefois: Stéphane Blok creuse un seul sillon. «Le propos est toujours le même. Il n’y a qu’un contenu, avec différentes formes et déclinaisons. Si j’étais plasticien, on comprendrait mieux que je fasse un tableau, une sculpture, une fresque sur un mur…» Ce contenu unique, il le résume ainsi: «Disons que c’est un questionnement, une fascination sur notre condition humaine, sur ce qu’on vit dans l’instant présent.»
Le Ciel identique, son deuxième roman, revient ainsi sur des thèmes qui lui sont chers: la solitude des vies urbaines, le rêve, le hasard, les êtres qui se frôlent sans vraiment se voir. Dans Les Illusions (2012) ces sujets explosaient en flashes violents. En contrepoint, ce nouvel ouvrage apparaît apaisé.

La même chose, mais différent

«Il est tout doux, volontairement plus serein. Les deux livres se complètent: celui-ci est presque à l’opposé, mais c’est la même chose. L’autre était le méchant, celui-ci est le gentil.» En souriant, il relève que quand il donnait cette explication au Salon du livre, les visiteurs préféraient souvent acheter le méchant… «Les gens aiment bien être bousculés, un peu brusqués, dans certaines limites. »
Trois personnages, trois bribes de destins s’entrecroisent sous un Ciel identique. Aurélie se lève d’une nuit sans sommeil, passée avec deux garçons. Elle se retrouve dans une rue animée, où «chacun a l’air de savoir où il va». Silverio, lui, se réveille, fait sa toilette, part en voyage. «Une légère angoisse à l’idée de quitter l’appartement. Aimer ou non le départ. Puis s’en aller.» Enfin, il y a Marc, isolé dans un petit village sous le déluge, dans une maison qui commence à prendre l’eau.

«Tout est suggéré»

«Dans cette histoire en trois chapitres, on a l’impression qu’il ne se passe rien, commente Stéphane Blok. En réalité, il se passe beaucoup de choses. C’est faussement calme: tout est suggéré, alors que dans le précédent, tout était dit. Je le vois comme un petit roman philosophique, contemplatif.»
Un roman, certes, mais totalement libre, avec une recherche sur le rythme, les sonorités, la disposition des mots sur la page… De la poésie, en somme, d’apparence simple, mais qui imprègne le lecteur et le pousse à la réflexion: «“Ceci à cet instant et jusqu’à nouvel avis est inexplicable” signifie le hasard. /  Le hasard n’existe pas.»
De poésie, il est aussi question en seconde partie du livre, avec Chants d’entre les immeubles. Soit les textes des chansons que Stéphane Blok a jouées dans un projet solo. «C’était une manière de figer ces mots qui existaient dans l’oralité.» Ces Chants d’entre les immeubles constitueront aussi un volet du concert des Francomanias.

Si la pluie ne revenait pas

Après 1996, 2000 et 2006 (avec Léon Francioli), le Lausannois se produira pour la quatrième fois au festival, en trio. «J’ai une jolie histoire d’amour avec les Francos et avec la région», relève-t-il. Pour l’occasion, il sortira Complaintes de la pluie qui passe, un album concept où il «imagine que la pluie tombe pour la dernière fois». Une manière d’évoquer des préoccupations sur l’avenir de la planète, sans donner de leçons. Comme les livres, Chants d’entre les immeubles et Complaintes de la pluie qui passe se répondent. D’un côté, une veine intimiste, de l’autre «ça pète un peu plus».
En parallèle, Stéphane Blok continue à tourner en solo, au gré des demandes, «pour jouer, raconter des histoires», en griot urbain du XXIe siècle. Sans pour autant reprendre d’anciennes chansons, même si Tilt coco, Cyberceuse ou Esperanza Nicolasohn restent dans les mémoires de ceux qui le suivent depuis ses débuts. «Je n’ai pas envie de chanter Allô maman bobo, 25 ans après», ironise-t-il.

Danse, théâtre, cinéma…

Aucun regret de cette époque où Libé et Les Inrocks écrivaient tout le bien qu’ils pensaient de ses premiers albums (entre 1994 et 2001). Au contraire: on le sent épanoui en marge de ce monde de l’industrie musicale où le seul but est d’«être le plus connu possible».
Avec le recul, cet arrêt de la chanson ressemble à une libération. Très vite, Stéphane Blok a enchaîné les projets, travaillé dans un atelier chorégraphique de Bruxelles, sur un film (iXième) qui remporte un Léopard d’or à Locarno, écrit et composé pour Michael von der Heide comme pour des chorales, fait des arrangements pour Sarclo et Thierry Romanens, monté un projet avec Léon Francioli, accompagné Olivia Pedroli, composé des musiques pour le théâtre, écrit des livres… Un parcours à la fois atypique et exemplaire dans sa liberté. «L’étonnant, pour moi, c’est que les autres ne le fassent pas, qu’ils préfèrent être prof de guitare…»

ÉRIC BULLIARD
, La Gruyère

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Lu du ciel

Un matin, dans un appartement inconnu, Aurélie ouvre les yeux. «Qu’ai-je fait cette nuit?» Groggy de sommeil, enivrée de consommations et épuisée d’effusions, elle se sauve. Dans la rue, elle se retrouve immergée dans une foisonnante ville en plein éveil. À la recherche d’un café et d’un immense verre d’eau, elle sillonne les rues, à la fois comblée et honteuse de sa nuit, qui reste partiellement mystérieuse, m^me si certains souvenirs se révèlent, la faisant rougir et sourire… Puis, après Aurélie, il y a Silverio qui quitte les bras de Morphée et procède à ses habituelles ablutions matinales. Ensuite, c’est au tour de Marc de vivre les premiers instants d’«un jour sombre comme il en a rarement été». Les premiers leurres du matin.
Après Les Illusions, paru en 2012, Le Ciel identique est la deuxième publication de l’artiste vaudois Stéphane Blok chez Bernard Campiche Éditeur. Après un premier recueil de poèmes effrontés et de pensées fugaces, cette nouvelle œuvre, toujours imprégnée de l’univers rêveur et enchanteur de l’auteur, est un roman aux accents doucement philosophiques. Trois histoires pour un roman de rêves de comptoir.

ALINDA DUFEY
, Vigousse

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Le roman est décidément un genre qui échappe à toute définition.
Le livre de Stéphane Blok, Le Ciel identique, est un roman. Mais il l’est par défaut. En effet, de par sa longueur, il pourrait être une nouvelle. Et pourtant, cela ne tient pas la route.
Certes il ne comporte pas plus de nonante pages et nombre d’entre elles sont loin d’être noircies de mots, mais il n’est pas condensé comme une nouvelle devrait l’être, en principe. Au contraire il serait plutôt expansé, comme s’il était la caisse de résonance des trois questions ouvertes que représentent ses trois chapitres et ses trois épilogues en un seul.
Comme c’est bien une œuvre de fiction, il n’est pas d’autre genre que le roman qui puisse lui être attribué. Comme l’esprit humain a besoin de catégoriser pour se rassurer, il affuble un qualificatif accolé au mot roman pour lui trouver une identité. Et celui qui vient au même esprit humain, en l’occurrence, pourrait bien être poétique. Ce qui tombe bien puisqu’il est suivi de quelques poèmes, intitulés Chants entre les immeubles.
Trois chapitres, trois personnages, Aurélie, Silverio et Marc. Sous le même ciel. Les deux premiers proches. Ils se croisent même à un carrefour de la ville. Le troisième, plus loin, dans une vallée, se trouve sous la pluie depuis onze jours.
Aurélie n’a pas dormi. Elle vient de quitter deux hommes. Les trottoirs sont mouillés, mais le ciel est bleu. Elle déambule dans la ville, après avoir pris un café et un verre d’eau dans un établissement. Elle se dévêt un peu, parvenue au bord du lac. Chemin faisant elle a vu cette scène:
«Un jeune homme en veste de cuir beige traverse au rouge le passage clouté tandis que deux femmes, cabas en main, attendent que le feu passe au vert. [...] Deux pigeons se suivent sur le pavé taché.»
Silverio est sur le départ. Il essaie de ne rien oublier. Il prépare ses affaires, tout en accomplissant les tâches quotidiennes du matin, le thé vert, les ablutions, les opérations naturelles. Une fois dans la rue, il assiste à cette scène:
«Une jeune femme blonde en talons hauts et habits de soirée déambulent nonchalamment devant lui: ses cheveux retenus laissent apparaître une nuque fine et de petites oreilles, légèrement décollées. Deux femmes, cabas en main, attendent que le feu passe au vert. [...] Il [...] traverse au rouge le passage clouté en direction du métro, porté par un enthousiasme qu’il sent contagieux [...]. Deux pigeons se suivent.»
Marc se trouve sous la pluie incessante depuis onze jours, qui imprègne tout, les êtres et les choses. Il réside dans une masure, dont le toit ne retient que partiellement l’eau, située en périphérie d’un petit bourg. Avec ce temps, il y fait nuit en plein jour. Il doit se trouver dans cette vallée que devine Aurélie depuis le bord du lac:
«Tout au fond, entre deux massifs, des nuages obstruent la vallée. Et sous les nuages, deux parallèles grises, obliques, des trombes d’eau qui tombent du ciel, de l’eau qui chute, lâchée dans le vide, du haut vers le bas, jusqu’au sol. Là-bas les gens sont sous la pluie, dans le brouillard. Dans la tempête.»
Dans ce roman il n’y a donc pas vraiment d’intrigue, mais trois personnages, qui, confrontés à la réalité du réveil, se livrent à des réflexions poétiques sur ce qu’ils font, sur ce qu’ils vont faire, sur ce qui les environne.
Et le lecteur, sous le charme, comble de lui-même, emporté par son imagination, les lacunes poétiques laissées par l’auteur et fait sien, alors, ces vers de Stéphane Blok poète:
Depuis longtemps déjà, depuis longtemps j’ignore
si au-delà des toits, des toits s’étendent encore.

Blog de
FRANCIS RICHARD

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Musicien, poète, scénariste, le Lausannois Séphane Blok s’offre à la quarantaine une bouffée de free-jazz littéraire

Un extrait:

S’inventer différent, se sentir autre, inégal, ne sert à rien. Nul n’est différent. Seuls les vieux rigolent de se savoir encore là. Ils rigolent d’être passés. Même terrifiés ou silencieux, mais ils sont là et peuvent bien rigoler.

Elle se redresse.
Une fourmi ailée monte sur son genou.

Qui a vu le jour se lever ce matin ?
Le jardinier accroupi enlève les mauvaises herbes dans le carreau voisin.

Elle est partiellement dévêtue.
Qu’importe à la fin.

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