Théâtre en camPoche 13


BERNARD LIÈGME

Théâtre I

Théâtre
Préface inédite de Charles Joris
2010. 630 pages. Prix: CHF 22.–
ISBN 978-2-88241-265-2

A l’achat des deux volumes, DVD «Bernard Liègme, l’auteur et ses personnages»,
un film de Jean-Blaise Junod, offert;
autrement CHF 10.– le DVD.

Publié en partenariat avec la SSA (Société Suisse des Auteurs)
Biographie

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Manifestations, rencontres et signatures

Index des auteurs



Ce volume contient:


Préface inédite de Charles Joris

La Cage (1958)
Les Augustes (1959)
Les Murs de la ville
(1961)
Le Soleil et la Mort
(1965)
Tandem
(1973).


Le théâtre de Bernard Liègme couvre pratiquement toute la seconde moitié du XXe siècle. À mes yeux, cet auteur est l’un des quatre piliers de l’écriture théâtrale en Suisse romande. Son œuvre (dont nous éditons aujourd’hui dix pièces en Théâtre en camPoche/Répertoire) en fait partie avec celles de Michel Viala (vingt pièces éditées), de Jacques Probst (dix-neuf pièces éditées) et de Louis Gaulis (en préparation).
Comédien, metteur en scène et enfin auteur, il a été compagnon de l’aventure des Faux-Nez à Lausanne, avec Charles Apothéloz, et un des membres fondateurs du Théâtre populaire romand dans le canton de Neuchâtel en 1959.
Il se laisse volontiers porter par son instinct, son imaginaire, sa conscience d’un monde brutal, manipulé, conspirateur, qu’il convient de dénoncer.
Il a toujours souhaité ouvrir le spectacle au plus grand nombre.
Son théâtre témoigne des formes en ébullition et des courants de pensées multiples de l’époque. Bernard Liègme, avec générosité et curiosité, aime se laisser imprégner par son temps, puis il tente, il prospecte, il explore et il trouve à chaque fois un ton très personnel pour traduire en théâtre la nature profonde de ses désillusions.

PHILIPPE MORAND

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Préface inédite de Charle Joris


Depuis quelques années, les pièces des auteurs suisses romands sont régulièrement représentées sur les scènes romandes: le public ne fuit pas devant leurs œuvres, bien au contraire: il y prend du plaisir. Si nous assistons à ce mouvement, c’est que des précurseurs y ont cru. Ils ont chassé la malédiction.

Isabelle Daccord,
février 2010


Dans l’arrière-été 1956, nous sommes étendus sur l’herbe, à la Cassarde, non loin de la villa moderne-béton de Dürrenmatt, il fait chaud mais Bernard tire sur sa pipe (et moi qui n’ai jamais réussi à fumer la pipe, dans cette posture calme et assurée) et Marie-Lise apporte à boire, Bernard raconte tout ce que je ne sais pas du théâtre – et je fais du théâtre depuis des années sans trop le savoir, mes débuts ont été au feu de camp scout –, pas tellement ses enfances locloises, ses «théâtrales écolières», plutôt Londres et la majestueuse Angleterre du théâtre, Shakespeare à Stratford et au Globe; Paris, qui s’était élancé à l’avant-garde, avec ses artisans-animateurs, Roger Blin, Jean-Marie Serreau et, plus que Beckett (pourtant Godot le travaillait!) ou Ionesco, Arthur Adamov surtout, qu’il élut, fréquenta à Saint-Germain et en correspondance, qui l’impressionne aujourd’hui encore. Avant-garde qu’il défendit ensuite journalistiquement à Lausanne, où il prit sa part de la ferveur et des grandes rigolades des Faux-Nez, acteur sous la poigne fruste d’Apothéloz.
Bernard est devenu mon grand frère, perdu, retrouvé. Il m’a poussé dans la Compagnie de la Saint-Grégoire, où Jean Kiehl dirigeait les acteurs, surtout les amateurs – qu’il aimait d’amour/mépris –, d’époustouflante manière. Nous y avons joué tous les deux une belle pièce de Georges Schehadé, Histoire de Vasco, j’entends sa voix grave «qui répond aux corbeaux : couac… couac… couac…» alors que je joue ma première mort au théâtre. Et le grand frère m’a poussé vers l’école de ce qui n’était pas encore le Théâtre national de Strasbourg mais le Centre dramatique de l’Est, tentant de calmer la violente colère de mon père. J’y fus reçu, je partis pour l’Alsace. Pendant que j’y étais pour trois années contractuelles (sauf mise à la porte !), il tenta fraternellement, par trois fois, de m’en retirer. Parce qu’il avait inventé, quelques mois plus tard, avec un ancien de la même école, déserteur de l’armée française en Algérie, et à la barbe d’Apothéloz, la société coopérative du théâtre populaire et culturel romand, dans l’aristocrate et quelque peu réactionnaire encore ville de Neuchâtel. Il fallait le faire! Une première fois, je refusai de le rejoindre pour poursuivre l’école sous la direction d’Hubert Gignoux et de ses camarades de décentralisation. Et lorsque le metteur en scène et directeur artistique du TPR s’en alla avec sa troupe, je refusai une deuxième fois. Mais, au troisième appel de Bernard, ayant terminé mes apprentissages d’acteur à Strasbourg, je revins à Neuchâtel pour y prendre la direction du TPR, et, de l’avis de la FOMH, sa dette de deux cent mille francs. Le premier spectacle fut écrit par Bernard en collaboration avec les comédiens : Les Murs de la ville. La ville, les murs étaient peut-être ceux de Neuchâtel?

Le Théâtre dans la chambre

C’est grâce à Marie-Thérèse Bonadonna, l’hôtesse régénératrice du Club 44 à La Chaux-de-Fonds, que j’ai l’an dernier redécouvert le théâtre de Bernard, tout son théâtre et sa manière. Les auteurs étaient à l’honneur ainsi désormais chaque année et elle était l’organisatrice d’une soirée d’hommage à Bernard Liègme, au cinéma ABC. À l’ABC parce que Jean-Blaise Junod allait pouvoir y projeter dans de très bonnes conditions son film consacré au dramaturge Liègme. Je l’avais déjà vu, bien sûr, et ce devait être un plaisir de le revoir dans la concentration chaleureuse de cette fête. Ce fut davantage, et le déclenchement d’une profonde émotion.
Jean-Blaise était allé tourner chez Bernard, dans la petite maison, au pied du puissant viaduc qui enjambe les gorges de l’Areuse. Dans sa chambre, avec son lit, sa table, ses livres, guère d’ouverture sur l’extérieur. Jean-Blaise interroge, telle pièce, tel personnage, telle inspiration, la pipe de Bernard s’immobilise un instant, il feuillette la pièce, soudain lit. C’est la voix de Stavros, ce sont les voix d’Idoine et Gérutha, des Augustes, des Archivistes, celle de Tatzelwurm et celle de Paulo… Leurs voix qui sont toutes la sienne peuplent l’espace confiné de Bernard Liègme des récits de leurs vies, de leurs réflexions, de leurs interpellations et de leurs engueulades. Ils sont très vrais partageant tous la voix de leur maître ! Ils parlent, et, dit Bernard, «je ne fais que les écouter, sans idée préconçue, à la fin il y a une certaine structure qui s’est faite tout à fait inconsciemment, par les personnages eux-mêmes ; il me suffit de me jeter à l’eau et de suivre les personnages, car ils savent très bien où ils vont.»
Mais ce soir, dans le film, à l’ABC, c’est toujours Bernard qui parle, et sans qu’il fasse aucun effet on entend bien que tous ses personnages, dont il n’a fait que noter les histoires, sont lui-même, Bernard Liègme. Toutes ces voix, là dans la chambre, de l’auteur, diseur, acteur, captées par Jean-Blaise et son preneur de son ! Et nous, les spectacteurs du film, ce que nous voyons, c’est en acte, filmé, le théâtre dans la chambre, de Bernard Liègme.
Il n’avait aucunement besoin de les inventer, ces pièces et leurs personnages, elles se sont jouées en lui, avec leurs acteurs, dans sa chambre. Encore fallait-il que Jean-Blaise filme ces scènes dans la chambre pour qu’on en ait une preuve. Et l’édition n’est qu’une mémoire de ces instants.
Presque soudainement, à l’entrée du Siècle vingt et unième, on a pris conscience que le théâtre romand existe, enfin. Ce n’est, soyons durs, que la clôture d’un rattrapage, longuement couvé, sur les voisins de France, de Suisse allemande, des autres au nord et au sud d’une Europe occidentale plus attentive aux questions culturelles. Dans tous les cantons, de nouveaux théâtres ont fleuri, même des théâtres de création, même des théâtres pour le jeune public, et même une HETSR. On y retrouve comme ailleurs cynisme et carriérisme, chez les pouvoirs publics méconnaissance et incompétence. Dans la lutte au couteau pour les bonnes places, les médias sont déterminants, il faut savoir y faire. Bien des artistes ont perdu toute idée de mission publique, tout est Économie et Compétition. Puissants et malins conservent leurs privilèges ; leurs manipulations coûtent cher aux démunis. La simple sincérité de l’engagement artistique n’a plus cours. Reste que le territoire n’est pas bien grand, et qu’on peut y voir chaque semaine un spectacle de belle facture et plein d’intérêt.
Bernard Liègme, dans la mêlée, reste serein, et considère avec joie les avancées franches et les moins tapageuses. Il connaît la musique et il sait que, pour toutes celles-là, en sortant quand même souvent de sa chambre, il a bien travaillé. Il fait le point: «Allant ici ou là voir les représentations de mes pièces, j’ai pu ressentir le plaisir qu’elles donnaient au public : j’y ai toujours mis de la tendresse, et toujours repétri l’obsession de l’amour et de la justice. – Du fond de ma neurasthénie, mes couples se sont déchirés. Ça n’annule pas l’humour: “Voilà dix-neuf ans que je me bats pour faire de notre couple une institution solide, une nef capable de surmonter les tempêtes… Au départ ce n’était qu’un esquif, peu à peu c’est devenu… – Un tandem.”»
Bernard ajoute: «J’aimerais bien qu’un jour des personnages se mettent à dire en moi autre chose que leur ratage et leur nostalgie.» On peut rêver ! D’entraîner le spectateur à la reconsidération de sa vie. En la voyant, en l’écoutant au théâtre, qu’il retrouve prise sur cette vie, fuie la routine, et imagine de s’engager à nouveau! Le théâtre ébranle, il doit réconforter.
Et si le «spectacle vivant» d’aujourd’hui le laisse parfois sceptique dans ses manifestations les plus provocantes, Bernard retrouve des plaisirs d’écriture, à la télévision romande, par exemple, où il signe scénario et dialogues de La Vie à trois temps pour Bernard Romy: «Ces films télévisés ont touché beaucoup de spectateurs qui s’y sont reconnus, eux ou les leurs, selon les trois âges : des grands-parents qui luttaient pour eu ; des parents qui ont lutté pour que leur société change ; des jeunes qui luttent pour ouvrir la société sur la planète entière.»
Plus aventureux, le voici acteur de nouveau, et au cinéma! Dans le film de Dominique de Rivaz: Mein Name ist Bach, il tourne à Leipzig et Berlin, dans le rôle du serviteur de l’empereur Frédéric II.

Saluons en ce pionnier romand l’artiste d’une œuvre considérable, qu’il a pris soin de présenter de façon si bien documentée, et donc si passionnante à lire et à consulter, dans cette impressionnante édition de son Théâtre I et II, et louons Philippe Morand et Bernard Campiche de leur nécessaire initiative.

Et,

pour mettre un terme à cette brassée de souvenirs, je veux dire ma tendresse et mon émerveillement pour le plus modeste, apparemment, de ses textes, mais aussi le plus exemplaire, Solo, trente-deux petites pages. Il n’a pas été écrit «dans la chambre », mais dans la cuisine d’une maison villageoise d’Astano, au Tessin. Dans la lumière méridionale, et l’ombre fraîche, d’un seul élan, du 12 au 18 juillet 1976. Par amitié pour un acteur: «Une sorte de conducteur de poids lourd, comme on en rencontre rarement dans le monde du théâtre. J’appréciais la vivacité de son œil, son rire généreux, son langage volubile, sonore, imagé. Il jouait comme j’aime qu’on joue : avec le ventre autant qu’avec la tête, portant jusqu’au plus profond de lui-même le personnage dont il se chargeait.» – « Tu ne veux pas m’écrire un monologue?» m’avait-il dit. J’écrivis Solo pour lui. Sans nécessité de décor ou d’accessoires. Qu’il puisse partir seul sur les routes, comme un baladin, emportant le théâtre dans sa poche. »
Le théâtre de Liègme est tout entier dans Solo. La réalité crue, la véracité de l’histoire, l’esquisse nerveuse et précise des nombreux personnages par le seul Paulo, un rythme fabuleux de la langue, soutenu mais varié infiniment, le combat élémentaire pour la vie, brut et brutal, un tournoiement haletant des rebondissements, l’émotion qui sourd imparablement. Il y a ici une royauté du monologue, qui laisse si libre l’imagination des spectateurs.
Les fables les plus belles sont pourtant fragiles comme des bulles de savon : Bernard m’apprend ce soir au téléphone que peu de temps après vint la rupture fracassante avec l’acteur de Solo. Mais quoi! les larmes n’ont jamais pu ternir la beauté du drame.

CHARLES JORIS, Préface inédite, février 2010

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Liègme et ses personnages

En 2000, Jean-Blaise Junod filmait Bernard Liègme dans sa petite maison rose de Boudry. Il y disait «attendre» ses personnages pour écrire ses pièces de théâtre qui ont tant animé les scènes depuis la cofondation du Théâtre populaire romand avec Charles Joris notamment. Des grands plateaux, à 20 ou 30 rôles, jusqu’aux pièces intimistes, Bernard Liègme a imposé son écriture rocailleuse, précise. L’écrivain donne voix à des personnages forts. Sinon, dit-il malicieusement à Jean-Blaise Junod, autant ne rien écrire… Seuls les personnages font une pièce.
Tantôt sensuelle, tantôt rêche, tendue, parfois drôle, l’écriture de Bernard Liègme est un modèle du genre. D’autant qu’elle explore des scènes qui résistent au temps: la pression du fonctionnariat sur l’être humain, la conscience plutôt que le militantisme, l’individu face à l’absurde (ou presque), bref un théâtre politique au sens où il invite sur la place de la cité à une réflexion de ce «vivre ensemble» si problématique. Deux tomes réunissent ses pièces écrites entre 1958 et 2003.

JACQUES STERCHI, La Liberté

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Bernard Liègme: «Je ne suis qu’un greffier…»

Il était temps de rendre à Bernard Liègme, acteur, auteur, metteur en scène, tout ce qu’il avait donné au théâtre durant cinquante années de passion. C’est ce que l’éditeur Bernard Campiche vient de faire, en deux volumes.

Dans sa collection «Théâtre en camPoche» et en deux volumes, pour un total de plus de 1'000 pages, Bernard Campiche a donc réuni quelques pièces écrites par Bernard Liègme, cet homme-orchestre de la scène et de l’écriture romandes.
Même si ce qu’on appelle «le grand public» l’ignore, les vrais amateurs de théâtre connaissent son nom, c’est une évidence. Pensez! Cela fait depuis les années cinquante du siècle passé qu’il se passionne pour le théâtre. Autant dire que sa présence dans ce petit univers remonte à très loin dans le temps…
Pourtant, comment ne pas dire à ceux qui ne le savent pas, qu’il existe, en Terre romande, des auteurs dramatiques contemporains imaginatifs et talentueux? Je pense à Michel Viala, ce Genevois qui chevaucha la folie de son imaginaire durant toute son existence. Je n’oublie pas non plus Jacques Probst et Louis Gaulis. Tous sont essentiels à la scène théâtrale romande.
Mais revenons à Bernard Liègme. Natif du Locle en 1927. Plus tard, il fit des études de lettres à l’Université de Lausanne. Devenu professeur, il enseigna à l’École supérieure de jeunes filles (en ce temps-là, pas si lointain d’ailleurs, filles et garçons étudiaient séparément), puis au gymnase. C’est alors que le théâtre frappa (les trois coups, évidemment!) à la porte de sa vie… même si cette passion était déjà présente, en lui, depuis belle lurette.

Des «Faux-Nez» au «Barbare»

D’abord, il devint comédien avec Charles Apothéloz et la troupe des fameux Faux-Nez, caveau lausannois célèbre en ce temps-là. Je me souviens du comédien Fernand Berset, qui était mon voisin de palier, lorsque je hantais les Escaliers-du-Marché, et que je gîtais au-dessus du très réputé «Barbare».
Le Barbare était le bar à la mode de la ville. On y rencontrait des Jacques Chessex, des petits truands, des poètes comme Gander, des comédiens, des musiciens, des artistes-peintres, toute une faune bigarrée qui donnait à cet endroit une atmosphère digne des romans de Francis Carco.
Et je dois dire qu’en lisant les pièces écrites par Bernard Liègme je retrouve cette ambiance indéfinissable, pleine d’émotion, qui se situait entre complainte brechtienne et ironie sociale qui était le propre de la création théâtrale de ces années-là.

L’aventure du TPR

Il a aussi travaillé quelque temps avec le metteur en scène Jean Kiehl, mais le fait d’être comédien ne lui suffisait pas. Les démons de la création le harcelaient. C’est ainsi qu’avec un complice nommé Marcel Tassimot, en 1959, il s’associe à la mise en œuvre d’un chantier très ambitieux: le Théâtre Populaire Romand (TPR). L’expérience sera pleine de difficultés et, dans un premier temps, périclitera assez rapidement.
C’est avec l’appui d’un autre monument de la scène théâtrale romande, Charles Joris, que, deux ans plus tard, il relance l’expérience. Le Nouveau Théâtre populaire romand, connaîtra des heures de gloire. Les pièces de Bernard Liègme, très politiquement engagées, comme «Les Murs de la ville» (1961), «Le Soleil et la mort» (1966), puis «Les Augustes» (1972).
Il écrira encore «Tandem» (1976), «Solo» en 1978 et «Les Archivistes» en 1981 pour le Théâtre des Trois Coups à Lausanne. Traduit en plusieurs langues, il recevra le Prix de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, puis le Prix de la littérature du Canton de Berne en 1972 et, enfin, celui du Canton de Neuchâtel au tout début du deuxième millénaire.

Un physique de comédien

«Finalement je ne suis qu’un greffier. Ce sont les personnages qui, peu à peu, se dessinent, se définissent, puis s’imposent à moi, qui me poussent à écrire ces pièces», dit-il en substance dans le film de Jean-Blaise Junod intitulé : «L’auteur et ses personnages» que l’on découvre dans le DVD qui accompagne les deux volumes que nous propose Bernard Campiche.
Dans ce film, avec son physique de comédien, Bernard Liègme se raconte. Il le fait avec une sorte de sérénité qui est la marque de ceux qui ont vécu une vie bien remplie. Avec sa gueule qui me fait irrésistiblement penser au comédien français André Dussolier, il explique comment peu à peu il se laisse envahir par ses personnages qui, ensuite, le conduisent à prendre la plume et à les mettre en situation.
Si vous avez envie de vous plonger dans l’univers de Bernard Liègme, n’hésitez pas: courez chez votre libraire et insistez. Vous découvrirez des personnages aux noms étonnants, tout un peuple de petites gens, fonctionnaires ou employés, plus fantasques que leur existence, moins anodins que leur parcours ne pourrait le laisser présager. Vous entrerez dans un monde magique et passionnant, celui du théâtre totalement populaire tel qu’on le cuisinait il y a peu.

ROLF KESSELRING, http://www.swissinfo.ch/fre/detail/index.html?cid=24238198

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Bernard Liègme. Théâtre I et II

Né au Locle en 1927, Bernard Liègme a été comédien avec Charles Apothéloz, puis compagnon de route indispensable du Théâtre populaire romand avec Charles Joris (qui signe ici la préface), enfin romancier et traducteur de Goldoni. Il reprend dans ces deux beaux volumes de la collection Théâtre en CamPoche une dizaine de ses pièces, tissées de menues histoires et de fuites dans le rêve. Dans le film-portrait qui les accompagne, l’auteur avoue se laisser inspirer par des faits divers, des articles de presse, pour ensuite traquer les personnages dans leur évolution presque spontanée. Tout comme Pirandello, il écoute leurs palabres pour les transcrire sur la page et à la scène avec un naturel non dépourvu de moments lyriques. Son théâtre, qui a absorbé la leçon de Beckett et de Pinter, n’en demeure pas moins profondément humaniste et engagé. De La Cage  (1958) à Diva ou Les Photographies  (2003), en passant par le très beau Tandem  (1973), avec l’art du détail et un grand sens du rythme, Liègme nous accompagne dans le destin individuel et collectif de ses personnages souvent inquiets et attachants.

PIERRE LEPORI, Viceversa Littérature

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En plus de mille pages, ces deux volumes offrent un panorama assez complet, non seulement de l’œuvre de Bernard Liègme, mais aussi des problèmes du XXe siècle, tout au moins dans sa deuxième partie.
On trouve aussi bien l’homme solitaire, qui se débat, avec hargne et injures, contre ses fantômes, que des fonctionnaires démolis par leur obsession des fiches et des documents.
L’atmosphère devient vite étouffante alors que se déroulent des histoires de tous les jours, sous lesquelles, traîtreusement, coulent les désillusions de l’époque.
Dans l’une des pièces (Diva ou Les Photographies), pour une fois la vie triomphe des ombres du passé, non sans faire quelques dégâts.
Il y a, dans tout ce théâtre «obsession de l’amour et de la justice… et le désir que le spectateur fuie la routine et imagine de s’engager à nouveau». C’est un beau programme.

JULIETTE DAVID
, Suisse Magazine


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