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JACQUES CHESSEX

L’Imparfait

Chronique
2006. 144 pages. Prix: CHF 12.–
ISBN 2-88241-166-9, EAN 9782882411662

Cet ouvrage est disponible en édition numérique, au prix de CHF 8.00,
auprès de notre diffuseur suisse, l'OLF. ISBN 978-2-88241-356-7



Biographie

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Le nouveau livre de Chessex, L’Imparfait est étiqueté «chronique». Et certes, le titre l’indique assez, chaque page tire sa substance d’une obsédante exploration du temps. Mais on pourrait également dire qu’il s’agit là d’une confession, d’une élégie, d’un blues. Un blues? Non seulement on n’aura jamais lu d’aussi belles pages sur cette musique qu’à la fin de ce volume, mais le récit tout entier a le souffle et la force, et la fragilité, de cette plainte qui est «un pacte avec la ruine et avec le sacré».
Toutefois, c’est d’abord comme une détonation que résonne ce texte. «Mon père s’est tiré un coup de pistolet dans la tempe un certain samedi 14, il est mort quatre jours plus tard, il a été incinéré le vendredi 20. C’est une mort imparfaite»: tout est dit par ces mots à la page 77. Tout est dit de la tragédie qui hantera l’adolescent, puis l’adulte devenu le grand écrivain romand lauréat du prix Goncourt en 1973 pour L’Ogre et auteur, depuis, de l’une des œuvres en prose et en vers les plus graves et les plus belles de ce siècle.
Tout est dit et rien n’est dit. C’est pourquoi Chessex doit retrouver, en amont et en aval du suicide, ce qui fit qu’une vie s’est pétrifiée dans ce définitif inachèvement et ce qui fait qu’une autre a pu, malgré tout, continuer. Il y a d’abord «l’existence quotidienne (…) épaisse, pesante, soûlante à l’esprit souvent aussi vide que le jardin le soir sous le bruit des vagues». Il y a ces «infimes tressaillements de la face» sans doute tôt annonciateurs du «gouffre». Il y a les rencontres avec les hommes et les créateurs: Jacques Mercanton, Bazaine, Tal Coat… Les rencontres avec les femmes dont la beauté est un «absolu» impossible à rejoindre. «Il y a la sainteté dans l’accomplissement de toute œuvre. »

« … le chemin pour le rejoindre… »
Et puis il y a cet «enfer interminable de l’imparfait»: «L’imparfait a hanté les premières années de ma vie d’homme en plaçant mon père au creux de tout acte: il fallait conjurer l’inachevé.»
Il y a toutes ces années vouées à la destruction alors qu’on ne sait pas qu’on imite «une autre fureur». Oui, il y a cela et bien d’autres fulgurances dans ce livre de la mort, de l’amour et du remords. Dans ce livre de l’absence, du néant où sans cesse tinte une « cloche grêle, fêlée, au fond de la phrase ».
Comme dans un blues? Comme dans un cantique aussi. Cantique est d’ailleurs le titre du livre de poésie publié parallèlement et dans lequel sont recueillies les voix de Jacob, de Job ou d’Esaïe. Mais avant tout bien sûr la voix de Jacques Chessex qui implore: «Donne-moi l’absolument simple / Et le silence pour le voir / Donne-moi le chemin pour le rejoindre…».

DIDIER POBEL, Le Dauphiné libéré, Vaucluse Matin, 1996

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