camPoche 59


ANNE CUNEO

Prague aux doigts de feu

Roman
2012. 310 pages. Épuisé
ISBN 978-2-88241-312-3
Traduit en allemand: Stepan. Traduit par Claudia Steinitz. Zürich: bilgerverlag, 2011.


Biographie

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Paola Rouge, journaliste lausannoise, se trouve prise un peu par hasard, à Prague le jour de l’invasion russe. Des années plus tard, elle raconte les chars qui bloquent toutes les rues et les ponts, les soldats russes dont quelques-uns s’étonnent du rôle qu’on leur fait jouer alors que d’autres tirent sur les passants. Elle ressent la déception des Pragois qui voient leurs anciens libérateurs se transformer en occupants et leurs dirigeants obligés d’accepter une alliance qui est une forme de soumission. Le peuple lutte, à grand renfort de tracts et en s’efforçant d’ignorer les envahisseurs.
La journaliste décrit, d’un style bref, les journées fébriles, intenses, que vit la résistance, persuadée que cette invasion sera, à plus ou moins longue échéance, une des causes de la chute de l’empire russe et de ses satellites. En filigrane, elle vit une belle histoire d’amour dans ce monde où la présence de la mort à tout instant a fait tomber tous les tabous.
Et «revenue au temps ordinaire, celui du commun des humains», elle gardera tout au fond d’elle-même un souvenir qui, un jour, refera surface. La vie a quelquefois de ces surprises!

JULIETTE DAVID, Le Messager suisse

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L’Histoire et l’histoire

La réédition d’un roman est une surprise qui peut inspirer méfiance. Besoin de l’éditeur de rentrer dans ses frais, en ressortant un de ses livres à succès, ou celui de l’auteur, ergotant sur des corrections faussement nécessaires (mais qui l’arrangent: s’épargnant la rédaction d’un nouveau livre, il rassure sa maison d’éditions au passage)? Pourtant la sortie d’un ancien Cuneo aux Éditions Campiche est une idée que l’on salue, d’autant plus que l’histoire est aussi plaisante que la couverture, puisque la mise en pages des petits formats est aussi soignée que celle des grands. Les habitués auront donc l’occasion de relire une grande dame des lettres romandes, les nouveaux venus dans son œuvre y entreront tout en douceur avant de s’attaquer aux ouvrages plus importants comme «Le Maître de Garamond» ou plus récemment «Un monde de mots».
Paru d’abord en 1990, le récit fait écho aux événements d’alors: Anne Cuneo rebondit avec une certaine élégance sur l’élection du président-écrivain Havel à la tête de la Tchécoslovaquie. Elle aurait pu se contenter de broder autour de cet épisode majeur une sympathique histoire d’amour, et se fondre ainsi dans la masse des romans historiques qui privilégient l’anecdote plutôt qu’une vision globale perspicace. Au contraire, une révolution en appelle une autre, c’est le Printemps de Prague qui ressurgit et non pas en fantôme blême mais en alerte ressuscité. Le lien est fait: l’histoire éclaire l’actualité de l’époque.
Vingt ans après, cet épisode reflue dans les souvenirs de la célèbre journaliste globe-trotteur Paola Rouge. À la demande d’un confrère rencontré dans la ville mythique, elle se replonge dans un monde qu’elle croyait avoir réussi à oublier (et rédige ainsi ce que le lecteur a dans ses mains, procédé littéraire usé mais efficace). Prague, en 1968, est touristique, puis guerrière; paisible, puis révolutionnaire. Consciente du symbole de la liberté bafouée qu’elle représente, la ville tente de chasser les troupes russes par une résistance pacifique; leur départ signe la mise en place d’un régime d’oppression qui durera jusqu’à l’annonce de la perestroïka.
L’histoire individuelle dépend de l’histoire des hommes: la pression politique, qui amplifie la passion amoureuse entre Paola et un étudiant tchèque, l’étouffera, forçant la jeune fille à quitter un pays qui menace de se refermer sur elle. Mais la Suisse est aussi une prison, insidieuse et douce. Après avoir retrouvé son mari et accouché du fruit de ses amours pragoises, Paola retombe dans une vie si calme qu’elle n’en est plus vraiment une, jusqu’à ce qu’un coup du sort lui fasse retrouver son amour perdu.
Sommes-nous face à un reportage journalistique, une confidence sentimentale, ou un récit autobiographique? Le mélange de genres est si bien réussi que très vite on ne les distingue plus. Si la trame narrative progresse, c’est bien grâce à ce style efficace et nerveux, qui retrace au jour le jour les évènements (extérieurs et personnels), tenant ainsi le lecteur en haleine. La banalité de l’histoire, qui est d’un romanesque tout classique, n’empêche pas le plaisir de la lecture. Le langage à la limite de l’oralité équilibre habilement dialogues et descriptions: l’humour bien dosé et poétique allège un récit qui sans cela pourrait tomber dans le tragique. L’instinct à l’œuvre sait éviter les écueils du sentimentalisme et de la grandiloquence pour ne se concentrer que sur la narration, qui se traduit par une sobriété sans fioritures.
Prague est pourtant bien un conte, et si l’on n’y retrouve pas les charmes pittoresques de l’Europe centrale, on peut cependant dresser l’oreille aux échos kafkaïens qui parcourent les lignes, être ému par l’élan qui se dégage de ce fervent combat pour la liberté partagée par chacun, qu’il soit ouvrier ou poète. Anne Cuneo touche là une fibre sensible.

CHARLOTTE COURDESSE
, Les Lettres et les arts

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C’est l’histoire d’une vie bouleversée par une rencontre inattendue dans une Prague bouleversée par l’arrivée des tanks russes. Elle, journaliste, est venue passer quelques jours de vacances avec son juriste de mari dans la ville tchèque. Le temps d’aller chercher un disque et la voilà emportée, seule et malgré elle, dans la résistance non-violente d’un peuple qui avait cru à un «printemps» pacifique. Elle vit la violence des journées d’août 68 avec un jeune homme qui devient son amant et qu’elle ne retrouvera que bien des années plus tard. On suit heure par heure, jour par jour, les événements qu’elle va relater pour son journal. Ce roman émouvant et passionnant est à la fois un document historique et l’histoire d’un fol amour.

MYRIAM TÉTAZ
, Courrier de l’Avivo

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Nulle part Anne Cuneo n’avait encore trouvé ce ton qui tient en même temps du reportage et de la confidence pathétique – ce qui ne veut pas dire larmoyante, car sa narratrice, Paola, introduit une distanciation aussi efficace entre elle qui raconte et la passion vécue d’Ernest Hemingway. J’ignore si cette référence (toute flatteuse qu’elle soit) plaira à Anne Cuneo. Les ­écrivains sous les auspices de qui elle inscrit l’aventure de ses personnages ­appartiennent à la famille surréaliste, tel Nezval, ou au mouvement beat. […] Elle accumule les difficultés, non par malice, mais parce que tout romancier, au fur et à mesure que son travail progresse, doit­ ­choisir une manière de résoudre les ­problèmes posés par l’avance de la narration et la croissance des personnages; il peut recourir à des « trucs », et tricher, ou, comme les meilleurs et parmi eux Anne Cuneo, affronter la difficulté (technique ou ­formelle) jusqu’à ce que la solution, la seule qui puisse convenir à l’oeuvre, soit enfin trouvée.

ROGER-LOUIS JUNOD, Coopération




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