Théâtre en camPoche; Hors-jeu


ANDRÉ STEIGER

L’Aveu de théâtre

2008. 224 pages. Prix: CHF 16.–
ISBN 978-2-88241-234-8, EAN 9782882412348

Publié en partenariat avec la SSA (Société Suisse des Auteurs)
Biographie

Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.


L’Aveu de théâtre
est, à n’en pas douter, un événement éditorial pour diverses raisons.
D’abord, l’auteur est une des figures les plus riches et les plus marquantes du théâtre d’expression française. Comédien, metteur en scène, adaptateur et pédagogue André Steiger a pratiqué son art dans d’innombrables pays francophones.
Ensuite, il a signé plus de deux cent cinquante mises en scène et joué de nombreux rôles, mais il a surtout formé des centaines et des centaines de futurs praticiens du théâtre.
Enfin, il a écrit un aBBcédaire et mené plusieurs cycles de conférences sur l’Histoire du théâtre.
Ce qui relie toutes ces activités, c’est l’immense culture de l’homme, sa curiosité jamais assouvie et surtout, surtout le désir constamment provocateur et dialectique de toute sa réflexion.
Ce livre n’est pas « rédigé » au sens allusif de la recherche.
Il revêt un caractère aléatoire, fragmentaire et forcément provisoire.
C’est un texte anticipateur de questions pour des réponses provisionnelles.
Ces notes sont un bréviaire de vécu pour une pratique encore et toujours à prospecter dans la contradiction.
À lire au coup par coup, dans le regard oblique de l’amoureux de la scène. Il interroge les pouvoirs et c’est son pouvoir.
À quatre-vingt ans, Papy comme on le nomme dans les milieux du théâtre, nous offre un somptueux cadeau ; normal c’est « un adolescent de l’infini ».

PHILIPPE MORAND

À signaler:
Entretien filmé entre André Steiger et Philippe Macasdar, sur le parcours, la vie d'André Steiger.
Réalisation Maurizio Giuliani. Coffret de 4 DVD. Durée 326 min.
Prix fr. 60,-- + frais de port. Pour commander: maurizio.giuliani@bluewin.ch


Haut de la page


André Steiger, le pouvoir des mots

Un homme de théâtre, André Steiger. On croirait que l’expression a été forgée pour lui, tant il en condense les multiples facettes. À Genève, il fête soixante ans au service de cet art.

Metteur en scène, comédien, théoricien, pédagogue… L’enfant de Plainpalais, qui fut un temps doyen de la section d’art dramatique du Conservatoire de Lausanne, a consacré soixante ans de sa vie à un art dont il ne cesse de poursuivre l’exploration. Un engagement spirituel, intellectuel et politique – au sens noble du terme – que salue aujourd’hui le Théâtre de Saint-Gervais, à Genève. Par une exposition, des rencontres et la mise en dialogue de Molière et de Racine au travers d’un diptyque intitulé L’amour des jeux et du pouvoir.

– Ce travail, vous l’avez effectué dans le cadre d’un stage…
– Oui, j’en fais ponctuellement. Un stage réclame une très forte participation, de manière collective. Dans un monde de plus en plus individualiste, ça devient difficile. Nous vivions dans la civilisation du «nous», nous sommes passés à celle du «je». C’est à ça que je me suis trouvé confronté.

– Pour parler du pouvoir, vous cédez la parole à Molière et à Racine.
– Qu’est-ce que le théâtre classique, sinon un théâtre qui a de la classe ? La dictature du présent me paraît grave. Et si on a un devoir de mémoire, on doit aussi avoir un droit de mémoire. J’ai pris George Dandin et Bajazet, parce que ce sont deux œuvres qui parlent du pouvoir.

– Une comédie et une tragédie…
– Oui, et surtout deux œuvres impures : dans la comédie il y a une ironie tragique, et la tragédie, elle, laisse apparaître un genre nouveau, le mélodrame. J’ai voulu montrer que quand il y a une forte théorie, c’est quand il y a clinamen, c’est-à-dire un écart…

–  Vous dites que, finalement, le théâtre ne parle pas d’autre chose que de pouvoir…
–  Ce qui m’intéresse dans le théâtre, quel qu’il soit, c’est qu’il apprend au citoyen à lire le monde autrement que de la manière dont on veut le lui faire lire. Le vrai interprète, ce n’est pas le comédien, c’est le public.

– Dans le spectacle, de quels types de pouvoir s’agit-il?
– La question fondamentale est : comment s’exerce-t-il ? Avec Molière, dans le milieu quotidien, social, de manière banalisée. Avec Racine, dans le milieu politique. J’essaie de voir les deux fronts.

– De quelle manière a évolué la discipline en soixante ans?
– Les choses sont plus dures. À travers la pratique même du théâtre, on a affaire à des rapports conflictuels, jamais dialectisés. Les gens de théâtre sont tombés dans le piège des considérations commerciales.

Du théâtre à l’image

À Genève, il est un peu «l’œil» du théâtre. Un œil précis et vif, qui ne se contente pas des apparences. Entre 2006 et 2007, le photographe Maurizio Giuliani a suivi André Steiger dans son travail. De cette traque complice, menée au long de six spectacles, il a sélectionné une quarantaine de photos qui font l’objet d’une exposition intitulée «Alias AS» (André Steiger) à voir au Théâtre Saint-Gervais. «J’ai suivi les répétitions, le travail autour de la table, explique Maurizio Giuliani. Il n’y a pas eu de grosse difficulté, nous avons eu une superbe relation.» La rencontre a également débouché sur deux films. Le premier, titré comme l’exposition, revient sur ces instants partagés. Le second, composé de quatre DVD, propose un entretien fleuve entre le metteur en scène et Philippe Macasdar, le directeur de Saint-Gervais.

LIONEL CHIUCH, Tribune de Genève et 24 Heures


Haut de la page


«Se refaire une santé artistique»

André Steiger réunit chômeurs et jeunes diplômés à Saint-Gervais, rappelant l 'utilité des mesures pour l'emploi des comédiens.

Georges Dandin de Molière, Bajazet de Racine: belle matière théâtrale. Jusqu'au 20 décembre, les spectateurs ne verront pourtant à Saint-Gervais pas tant deux pièces, que le reflet d'un stage mené par André Steiger sur la question du mensonge et du pouvoir, traitée dans ces oeuvres considérées en écho. Un projet qui sort de la logique de productivité des spectacles, étant destiné en premier lieu non à un public «consommateur», mais aux artistes de profils différents, qui ont étudié en profondeur les textes et leur dramaturgie. «Cette approche globale me manque dans ma pratique de comédienne, explique Marie-Ève, Genevoise récemment sortie du Cours Florent à Paris. On a souvent tendance à se jeter sur son rôle sans considérer la pièce dans son ensemble.» Elle reconnaît la méthode de Steiger, faite d'essais contradictoires, «stressante» mais riche en apprentissages. D'où la forte participation de comédiens fraîchement diplômés. Mais également d'amateurs, comme Thomas, qui, sans maturité en poche, ne «répond pas aux critères d'admission des écoles».
Il se montre pourtant animé d'une conviction qui, selon Steiger, fait souvent défaut aux «pros», devenus comédiens «pour se satisfaire de leur image». Le support de classiques éprouvés permet ainsi de travailler sans concession la technique de jeu. Anne-Lise, Lyonnaise à laquelle le statut français d'intermittente ne donne pas droit aux stages, apprécie «la difficulté et les torsions imposés par les classiques», distance oblige. Dans cette optique, tous se réjouissent d'avoir bénéficié avec Steiger non d'un simple directeur d'acteurs, mais d'un détenteur de savoirs dont «il faut profiter tant qu'il est sur cette planète», dit Thomas.

Intermittent, un statut précaire

Un tel stage rappelle donc la nécessité d'une formation continue pour les comédiens, même diplômés. «Tout nouveau projet exige des connaissances vastes, liées aux spécificités contextuelles et littéraires de l'oeuvre», estime Natacha, scénographe. Un métier auquel aucune école suisse ne prépare et dont l'apprentissage «sur le tas» ne permet pas d'aborder isolément la dramaturgie, malgré un lien évident. Inscrite au chômage, comme la majorité des comédiens entre deux contrats de travail,
Natacha fait partie des six artistes dont l'Office cantonal de l'emploi (OCE) a subventionné le stage. «Jusqu'à présent, l'OCE a jugé les stages utiles aux comédiens pour se refaire une santé artistique», apprécie Philippe Macasdar, directeur de Saint-Gervais, qui s'inquiète pourtant de savoir ces mesures «vouées à disparaître», selon certaines rumeurs.
Interrogé à ce sujet, Jean-Michel Cruchet, du Fonds d'encouragement à l'emploi «Action Intermittents», dit comprendre la volonté de l'OCE de «réexaminer l'arsenal de mesures de formation à disposition des artistes, afin de ne favoriser que ceux qui améliorent leur employabilité.» Une notion peut-être mal appropriée à un stage artistique dont les retombées ne se laissent pas chiffrer, mais cohérente, comme il le rappelle, «avec le but légal du chômage, qui reste le retour à l'emploi». «Action Intermittents» n'en mène pas moins «un lobbying au niveau fédéral contre la modification de la Loi sur le chômage, qui ferait passer de 12 à 18 mois la période de cotisation pour avoir droit aux indemnités. Ce qui serait dramatique pour les intermittents, qui sont sous contrat un mois sur trois en moyenne.»

Savoir s'accorder

Menacés ou non, les stages comme l'«Observatoire des classiques» de Steiger restent plébiscités par les comédiens. Même leur difficulté majeure constitue un apprentissage capital: la mise au diapason d'artistes issus d'écoles différentes. «Cette hétérogénéité demande de la patience, mais permet de réapprendre à connaître les gens avec qui on joue», selon Philippe, formé entre Genève et Saint-Etienne. Histoire de ne pas oublier que le théâtre est un art collectif...

JULIEN LAMBERT, Le Courrier


Vous pouvez nous commander directement cet ouvrage par courriel.